CA Pau, 1re ch., 10 mai 2000, n° 2010-00
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Régie municipale des Eaux de Bayonne
Défendeur :
la Société Atlantique d'Assainissement et de Dégazage
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simonin
Conseillers :
Mmes Del Arco Salcedo, Rossignol
Avoués :
SCP de Ginestet-Duale, SCP Longin
Avocats :
Mes Dartiguelongue, Declety.
FAITS ET PROCEDURE
La Société Atlantique d'Assainissement et de Dégazage, ci-après dénommée la SAADEG, locataire d'un terrain appartenant à la Chambre de commerce et d'industrie de Bayonne de 1984 à 1990, a souscrit le 4 mars 1986, un contrat d'abonnement auprès de la Région des Eaux de Bayonne ;
Après recherches, il s'est avéré que la surconsommation relevée au cours du deuxième semestre 1989 était due à une fuite survenue dans le branchement entre le compteur et l'entreprise ;
Par acte d'huissier délivré le 13 février 1996, la SAADEG a fait assigner la Régie des Eaux devant le Tribunal d'instance de Bayonne ;
Elle a demandé au tribunal de fixer la créance de la Régie des Eaux au titre de la consommation d'eau du 2ème semestre 1989 à la somme de 300 F et d'ordonner la restitution de l'indu s'élevant à la somme de 23 653,02 F ;
Par jugement en date du 11 mars 1998, le Tribunal d'instance de Bayonne a :
- fixé à trois cents F (300 F) le montant de la créance de la Régie municipale des Eaux de Bayonne à l'encontre de la SAADEG, au titre de la consommation d'eau du second semestre 1989 ;
- condamné la Régie municipale des Eaux de Bayonne à restituer à la SAADEG, la somme de vingt-trois mille six cent cinquante trois F deux centimes (23 653,02 F) ;
- condamné la Régie municipale des Eaux de Bayonne à payer à la SAADEG, la somme de cinq mille F (5 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamné la Régie municipale des Eaux de Bayonne aux entiers dépens.
La Régie municipale des eaux a interjeté appel le 22 avril 1998.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2000.
PRETENTIONS DES PARTIES
L'appelante a conclu:
- à la réformation du jugement du 11 mars 1998;
- à ce que la SAADEG soit déclarée irrecevable et en tous cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions;
- à son débouté;
- à sa condamnation à payer à la Régie municipale des Eaux de Bayonne, la somme de 16 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les entiers dépens, en ce compris les frais et droits de la SCP de Ginestet-Duale qui sera autorisé à les recouvrer en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Elle a souligné que le contrat avait été signé par un professionnel de la gestion commerciale et que les charges avaient été normalement réparties.
Elle a fait valoir que le tracé du branchement et la position du compteur étaient connus de la SAADEG qui pouvait exercer son contrôle;
La SAADEG a conclu:
- à la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a fixé la créance de la Régie des Eaux au titre de la consommation d'eau du deuxième semestre 1989 à 300 F et a condamné la Régie des Eaux à restituer à la Société Atlantique d'Assainissement et de Dégazage SAADEG la somme de 23 653,02 F, outre les dépens de première instance et une indemnité de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- à la condamnation de la Régie des Eaux aux entiers dépens de la procédure dont distraction pour les dépens d'appel au profit de Maître Longin, avoué, sur son affirmation de droit;
- à la condamnation de la Régie des Eaux de Bayonne à payer à la Société Atlantique d'Assainissement et de Dégazage - SAADEG une nouvelle indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle a indiqué que le compteur litigieux était situé dans une propriété privée clôturée et que la conduite passait sous le pont de la voie ferrée pour s'engager dans le ruisseau du moulin Saint-Bernard pour parvenir sur le terrain propriété de la Chambre de commerce et d'industrie de Bayonne.
Elle a soutenu que la fuite s'était produite à l'extérieur de la propriété de la Chambre de commerce, sur le domaine public;
Elle a demandé l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, puisque la clause a créé un déséquilibre excessif à son détriment alors même qu'elle ne pouvait assurer son obligation de surveillance.
Sur ce :
L'appel est recevable en la forme comme régulièrement interjeté.
Le contrat d'abonnement souscrit entre la SAADEG et la Régie des Eaux de Bayonne, le 4 mars 1986, prévoit:
"Toute consommation enregistrée par le compteur est due même si elle provient de fuites visibles ou non en aval du compteur dans la canalisation ou l'installation intérieure ;
La surveillance et l'entretien des installations intérieures (conduite et appareillage après compteur) incombent entièrement à l'abonné."
Cette clause est parfaitement claire et définit elle-même la canalisation intérieure comme étant celle située en aval du compteur.
La SAADEG ne saurait rajouter une condition non prévue contractuellement pour définir la, canalisation comme étant celle qui se trouverait à l'intérieur de sa propriété.
Il n'est pas contesté en l'espèce que la surconsommation constatée pour le second semestre 1989 a pour origine une fuite survenue en aval du compteur.
La SAADEG n'établit pas pour autant que cette fuite s'est produite sur le domaine public.
Il en résulte que la clause litigieuse est donc applicable en l'espèce.
Néanmoins, l'article L. 132-1 du Code de la consommation stipule:
"dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre excessif entre les droits et les obligations des parties au contrat";
Doit être considérée comme un consommateur celui qui, dans le cadre de sa profession, agit en dehors de sa sphère habituelle de compétence et se trouve dans le même état d'ignorance que n'importe quel consommateur. Tel est le cas de la SAADEG.
La clause litigieuse porte sur la répartition des risques du contrat;
l'article 21 du règlement de la Régie des Eaux prévoit expressément que l'abonné n'est jamais fondé à solliciter une réduction de la consommation, en raison des fuites dans ses installations intérieures car il a toujours la possibilité de contrôler lui-même, la consommation indiquée par son compteur;
Or, en l'espèce, il convient d'examiner si la SAADEG pouvait remplir son obligation de surveillance eu égard à l'emplacement du compteur.
La Régie des Eaux a versé aux débats un plan qui, d'après elle, ferait apparaître que le compteur est situé en bordure immédiate d'une impasse ouverte au public, ouvrant sur la rue Camille Delvaille.
Néanmoins, le plan dont la copie a été certifiée conforme le 13 février 1997, ne mentionne pas ladite impasse et la Régie des Eaux n'avait pas contesté en première instance que le compteur était situé dans la propriété d'un tiers, Monsieur Lhospital, propriété clôturée.
De plus, la Régie des Eaux ne peut valablement soutenir à ce jour que la SAADEG ne s'était jamais souciée de l'emplacement du compteur.
Il ressort du courrier du 20 décembre 1995 émanant de la Régie des Eaux que la SAADEG s'était heurtée à un refus de déplacement du compteur par le responsable de l'atelier dans la mesure où le chemin de Saint Bernard jouxtant le terrain loué, n'était desservi par aucun réseau de distribution d'eau.
La notice explicative du branchement en date du 21 mars 1997 mentionne clairement que "la Régie des Eaux a installé le compteur au seul endroit possible" sur l'Avenue Camille Delvaille, laissant la traversée à la charge de l'abonné.
Il résulte de ces éléments que la SAADEG s'est préoccupée du problème résultant de l'emplacement du compteur et a cherché à y remédier.
L'obligation de surveillance mise à sa charge, alors même que le compteur était située à 1,7 kilomètre dans une propriété privée, après la traversée d'une route et de voies ferrées, était une obligation impossible.
Le seul fait d'avoir fermé le robinet du compteur en février 1990 n'est pas déterminant de l'accessibilité dudit compteur, mais seulement de l'urgence de l'intervention en vue de limiter les effets de la fuite ;
Le déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat ressort ainsi clairement de la position de la Régie des Eaux par rapport au choix de l'emplacement du compteur et de l'obligation de surveillance qu'elle a mis à la charge de l'abonné.
La Régie des Eaux n'a pas donné les moyens à son co-contractant d'assurer normalement cette obligation de surveillance.
La transaction intervenue entre la SAADEG et son bailleur n'a aucune influence sur le présent litige.
La clause dont la Régie des Eaux demande l'application est abusive et son application doit être écartée.
Le jugement entrepris doit recevoir confirmation en toutes ses dispositions.
L'équité commande de ne pas laisser à la charge de la SAADEG le montant des frais irrépétibles qu'elle a été obligée d'exposer pour assurer sa défense en procédure d'appel. Une somme de 10 000 F lui sera allouée de ce chef.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Déclare recevable en la forme l'appel interjeté ; Au fond : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Y ajoutant, Condamne la Régie des Eaux de Bayonne à payer à la Société SAADEG une somme de 10 000 F (soit 1524,49 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la Régie des Eaux de Bayonne aux dépens; Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, la SCP Longin, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.