CA Chambéry, ch. civ., 23 mai 1995, n° 93-01642
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Scrivo
Défendeur :
Raddaz (Consorts)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Alberca
Conseillers :
MM. Salati, Vencent
Avoués :
Mes Delachenal, Buttin-Richard-Fillard
Avocats :
Me Rubillon, SCP Collin Comet Collin
Par acte en date du 8 juillet 1993 Scrivo a relevé appel d'un jugement rendu le 13 mai 1993 par le Tribunal de grande instance d'Annecy qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les consorts Raddaz et condamné à verser à ces derniers la somme de 6 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'appelant conclut à la complète réformation de ce jugement et entend obtenir, au titre de sa rémunération conformément aux dispositions des mandats de vente des 13, 15 et 16 mars 1985
- de Lucienne Raddaz épouse Billon la somme de 193 900 F
- de Jeanine Raddaz épouse Garcia la somme 193 900 F
- de Gérard Raddaz la somme de 138 500 F outre intérêts à compter du 15 avril 1985 et, solidairement entre eux, 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'appelant soutient en substance que les trois mandats signés échappent à la réglementation contraignante quant à la forme de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile dans la mesure où les mandants ont fait directement appel à lui à l'occasion d'une rencontre informelle et fortuite chez l'employeur de l'un d'entre eux, expert comptable de l'appelant. De plus, cet entretien n'aurait débouché sur aucun contrat immédiat, les contrats ayant été envoyés par courrier afin d'être étudiés, lus et signés.
A l'opposé les intimés concluent à la confirmation de ce jugement sauf à obtenir complémentairement la somme de 8 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi LA COUR:
Nul ne remet en cause l'exposé des faits tel que proposé par le premier juge: c'est bien sur son lieu de travail, à l'occasion d'un entretien informel et fortuit, que Scrivo en visite chez son expert comptable, employeur de la dame Billon qui a, sur sa demande, proposé de se faire mandater pour vendre des biens immobiliers propriétés de l'indivision Raddaz à un prix convenu.
Les mandats ne seront effectivement pas signés immédiatement mais expédiés par voie postale pour étude et signature. Ils seront signés par trois intéressés les 13, 15 et 16 mars 1985.
Le tribunal a justement rappelé les conditions d'application de la loi n° 72.1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile.
Cette loi vise quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique à sa résidence ou à son lieu de travail pour proposer la vente, la location ou la location vente de marchandises ou objets quelconques ou pour offrir des prestations de service.
Il est constant en droit que le démarchage en vue de proposer un mandat exclusif de vente constitue bien un démarchage au sens de la loi visée, qu'il n'est fait référence dans le texte à aucune notion de pratique habituelle comme dans la loi du 2 janvier 1970 réglementant la profession d'agent immobiliers, que peu importe que la visite du démarcheur soit spontanée ou provoquée par le clientèle lui-même.
Ainsi, en l'espèce, les propositions de mandat offertes par Scrivo aux consorts Raddaz, aussi inhabituelles et fortuites soient-elles apparaissent bien entrer dans ce cadre législatif.
Enfin, dans la généralité de ce texte qui entend très clairement encadrer toute activité de démarchage des particuliers pris dans l'intimité de leur intérieur ou à leur poste de travail, peu importe que le mandat écrit n'ait pas été signé immédiatement à l'issue du démarchage mais après réception postalesi, comme en l'espèce, le principe même du mandat donné à Scrivo avait été nécessairement arrêté oralement entre les intéressés seule hypothèse à retenir sans quoi l'envoi du projet de mandat écrit ne se comprendrait pas.
A juste titre le tribunal qui a retenu le principe de l'application à l'espèce de la loi du 22 décembre 1972 rappelle l'obligation de la mention de la faculté de renonciation de l'article 2 et la sanction de son omission par la nullité du dit mandat.
Il échet donc de confirmer la décision sur ce point et, les mandats étant déclarés nuls, de rejeter comme sans intérêt le débat subsidiaire sur la réalité de l'exécution du mandat par Scrivo.
Il n'y a pas d'inéquité en l'espèce à ce que chaque partie conserve à sa charge ses frais irrépétibles. Le jugement déféré doit être réformé sur ce seul point.
Par ces motifs: LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement Dit l'appel régulier en la forme Quant au fond Confirme le jugement déféré. Cependant dit n'y avoir lieu ni en première instance ni en appel à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne Scrivo aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Buttin-Richard-Fillard par application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.