CA Bordeaux, 1re ch. A, 20 mars 1995, n° 93000034
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
Défendeur :
Bourdon, Ghesquière (ès qual.), Marion, Penet, Société Moderne d'Electronique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bizot
Conseillers :
M. Septe, Mlle Gachie
Avoués :
SCP Lacampagne-Puybaraud, SCP Labory-Moussie-Andouard, Fournier
Avocats :
Mes Caubit, Pagnoux, Bacquey.
Faits - Procédure - Prétentions des parties
1 - A la suite d'un démarchage à domicile, les époux Gérard Bourdon-Pierrette Marion, demeurant à La-Teste-de-Buch (33) ont passé le 9 mars 1989 auprès de la SARL Société Moderne d'Electronique (dite SME) commande d'un système d'alarme pour le prix de 29 500 F TTC, financé par un contrat de crédit souscrit auprès de la SA Franfinance CREG. Des difficultés de paiement étant faites par les emprunteurs, la SA Franfinance CREG a obtenu du Président du Tribunal d'instance d'Arcachon le 1er juillet 1991 une ordonnance d'injonction de payer condamnant solidairement les époux Bourdon-Marion à lui payer la somme de 37 979,39 F, outre intérêts et frais.
Les époux Bourdon-Marion ont formé opposition à cette ordonnance et ont par ailleurs assigné la SARL Société Moderne d'Electronique , considérant que le bon de commande de l'alarme était nul, qu'ils ne sont pas débiteur de la société Franfinance et que celle-ci leur doit garantie de toutes condamnations, en faisant valoir qu'ils s'étaient rétractés de la première commande dans le délai légal, et que le second bon de commande signé par eux le 18 mars 1989 soit quelques jours auprès la livraison du système d'alarme, ne leur a pas été remis, qu'ils n'ont pu se rétracter, et qu'il y avait eu violation de la loi du 22 décembre 1972. Ils ont assigné par la suite Maître Ghesquière, administrateur et Maître Penet, représentant des créanciers de la SARL SME, placée en redressement judiciaire.
La SA Franfinance CREG a conclu à la régularité du contrat de crédit,, subsidiairement a demandé la garantie de la SARL SME pour le remboursement du prêt, et a réclamé réparation. Les représentants légaux de la SARL SME ont déclaré s'en remettre à la justice.
2 - Par jugement contradictoire du 22 mai 1992, le Tribunal d'instance d'Arcachon, considérant que la première commande avait été régulièrement rétractée et que la seconde avait été faite en violation de la loi du 22 décembre 1972, le matériel ayant été livré avant l'expiration du délai légal de réflexion, a déclaré nuls les contrats de vente à domicile et de crédit du 18 mars 1989, a débouté la SA Franfinance CREG de ses demandes dirigées contre les époux Bourdon-Marion, a condamné Maître Ghesquière ès qualité à garantir la SA Franfinance CREG du remboursement du prêt, a débouté la SA Franfinance CREG de ses autres demandes, et a condamné Maître Ghesquière à payer aux époux Bourdon-Marion la somme de 1 500 F en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est fait ici expresse référence à l'exposé des motifs du jugement déféré.
3 - Ayant régulièrement relevé appel par déclaration du 30 décembre 1992, la SA Franfinance, qui a intimé toute les parties, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de constater que le second engagement pris par les époux Bourdon-Marion le 18 mars 1989 n'est affecté d'aucun vice du consentement et ne comporte pas de violation de la loi, de condamner les époux Bourdon-Marion à lui payer la somme principale de 37 979,39 F outre intérêts et frais conformément à l'ordonnance du 1er juillet 1991 ; à titre subsidiaire de confirmer la condamnation à garantie prononcée contre la SARL SME en application de l'article 10 de la loi du 10 janvier 1978 ; en tout état de cause de condamner les époux Bourdon-Marion à lui payer la somme de 5 000 F pour ses frais non taxables ainsi qu'aux entiers dépens.
Les époux Bourdon-Marion demandent à la cour de décembre 1972 a été exactement caractérisée par le premier juge, de même que la violation de la loi du 10 janvier 1978, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de condamner la SA Franfinance CREG à leur payer la somme de 2 000 F au titre des frais non taxables, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL Société Moderne d'Electronique représentée par Maître Penet et Maître Ghesquière ès qualité, et par Maître Valliot, commissaire à l'exécution du plan de cession, intervenant volontaire, forme appel incident et, conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a annulé les contrats en vente et de crédit ; subsidiairement, en cas de confirmation à l'application de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985. Maître Ghesquière, dessaisi depuis le 8 février 1992, demande sa mise hors de cause.
L'instruction a été close le 23 janvier 1995.
Motifs
1 - En procédure
Il convient de prononcer la mise hors de cause de Maître Ghesquière, ès qualité d'administrateur de la SARL SME, dessaisi de ses fonctions.
2 - Au fond
a) Sur la régularité du contrat de vente à domicile du 18 mars 1989
Il ressort des productions que le contrat de vente à domicile du 18 mars 1989 ne comportait pas la mention des modalités d'exécution, à savoir " les modalités et le délai de livraison des marchandises ". Il est par ailleurs constant qu'à cette date, le matériel commandé avait déjà été livré et installé au domicile des candidats-acquéreurs en exécution durant le délai légal de réflexion d'un premier contrat de vente à domicile régulièrement mis à néant par l'exercice de la faculté de rétractation.
Dans les circonstances particulières, dont la société venderesse était seule responsable pour avoir, à ses risques et périls, livré et installé la chose vendue dont les candidats-acquéreurs étaient devenus, à la suite de l'anéantissement du contrat de vente, simples dépositaires, la signature, dans le cadre d'un nouveau démarchage, d'un second contrat de vente à domicile a placé les candidats-acquéreurs dans une " situation non prévue et génératrice de problèmes de droits liés à l'acceptation ou au refus et qu'ils avaient à résoudre immédiatement sans en connaître les conséquences ", et par voie de conséquence susceptible d'affecter leur libre réflexion durant le délai légal de rétractation.
C'est donc au titre de la violation de la règle d'ordre public posée par les articles 2 alinéa 6 et 3 de la loi du 22 décembre 1972 que doit être sanctionné le contrat visé.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le contrat de vente à domicile du 18 mars 1989 et n'y a pas lieu, dès lors d'examiner si ce contrat a contrevenu aux dispositions de l'article 4 de la même loi (versement d'une contrepartie ou d'un engagement avant l'expiration du délai de réflexion) ou à celles de l'article 2 alinéa 1 et 7 (remise d'un exemplaire du contrat assorti d'un formulaire détachable).
b) Sur la nullité subséquente du contrat de prêt Franfinance CREG
C'est par une exacte application de l'article 10 de la loi du 10 janvier 1978 que le premier juge, tirant les conséquences légales de l'annulation du contrat principal de vente à domicile, a annulé le contrat de crédit du 18 mars 1989.
Il convient de confirmer sur ce point le jugement déféré.
c - Sur la garantie due par le vendeur au prêteur de deniers
C'est également par une exacte application de l'article 10 de la loi du 10 janvier 1978 que le premier juge, retenant le fait du vendeur à l'origine de l'annulation du contrat principal, a, sur la demande de SA Franfinance CREG, condamné la SARL SME à garantir le prêteur de denier du remboursement du prêt annulé.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point, sauf à ce que soit précisée ci-après la conséquence juridique de l'état de redressement judiciaire où se trouve la SARL SME
d - Sur les demandes incidentes et les dépens
Les époux Bourdon-Marion disposent depuis mars 1989 d'un matériel d'une valeur HT de 24 150 F sur le prix duquel ils ont payé, au vu des productions de l'appelante, (Historique des mouvements du 21 janvier 1991) 1 692,39 F. Il n'apparaît pas inéquitable, dans ces conditions, qu'ils supportent leurs frais irrépétibles.
Ils doivent donc être déboutés de leur demande de même que la sa Franfinance CREG, qui perd le principal du procès.
Les dépens d'appel sont à la charge de la SA Franfinance CREG et de la SARL SME, chacune pour moitié.
Par ces motifs, LA COUR, Recevant en la forme l'appel de la SA Franfinance CREG, Met hors de cause Maître Ghesquière, mandataire-liquidateur, ès qualité d'administrateur de la SARL Société Moderne d'Electronique (SME), Reçoit l'intervention volontaire de Maître Valliot, ès qualité d'administrateur chargé de l'exécution du plan de cession de la SARL SME, Déclare l'appel mal fondé, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt, Réformant sur l'appel en garantie de la SA Franfinance CREG, Dit que la SARL Société Moderne d'Electronique est tenue de garantir la SA Franfinance CREG du remboursement du prêt annulé du 18 mars 1989, soit en l'état, pour la somme de 37 979,39 F compte arrêté au 10 janvier 1991 outre intérêts au taux conventionnel à hauteur de 31 100,52 F à compter de cette date, Fixe à ladite somme de 37 979,39 F outre intérêts le montant de la créance de la SA Franfinance CREG à l'égard de la SARL SME en redressement judiciaire, Vu les articles 47 et suivants de la loi du 25 janvier 1985, Renvoie la SA Franfinance CREG à la procédure de vérification des créances, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils sont à la charge de la SA Franfinance CREG et de la SARL SME (Maître Penet et Valliot ès qualité), chacune pour moitié, et autorise les avoués qui en ont fait la demande à recouvrer les dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.