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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 13 février 1996, n° 95-055547

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Guilbaud, Jacomet

Avocat :

Me Atdjian

TGI Créteil, 11e ch., du 6 févr. 1995

6 février 1995

Rappel de la procédure :

Le jugement :

LE TRIBUNAL, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré Michel L coupable de demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion - démarchage pour avoir courant 1993, à Ivry-sur-Seine, effectué des ventes de livres par démarchage à domicile dans le cadre de la société SARL X en ne permettant pas au client d'exercer sa faculté de rétractation dans le délai légal (date de formation du contrat indéterminé, modalités d'exécution du contrat) et en percevant des acomptes avant expiration de ce délai légal (date de formation du contrat indéterminé, modalités d'exécution du contrat) et en percevant des acomptes avant expiration de ce délai légal de réflexion, infraction prévue par l'article L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation et, en application de ces articles, l'a condamné à 15 000 F d'amende a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur Michel L le 7 juin 1995

Monsieur le Procureur de la République, le 7 juin 1995 contre Monsieur Michel L

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention,

Par voie de conclusion, Michel L sollicite de la cour, par infirmation, son renvoi des fins de la poursuite et, subsidiairement, la minoration de l'amende infligée pour lui permettre de bénéficier de l'application de la loi du 3 août 1995 ;

Il demande en outre à la cour de rendre opposable l'arrêt à intervenir à la société X qui n'a pas été citée comme civilement responsable et précise à cet égard qu'il accepte de comparaître volontairement en qualité de représentant légal de cette société.

Il fait essentiellement valoir que la loi du 22 décembre 1972 s'applique aux pratiques de démarchage effectuées auprès de personnes physiques soit sur leur lieu de résidence, soit sur leur lieu de travail alors que les démarchages réalisés par la société X s'adressent essentiellement et prioritairement, soit aux comités d'entreprises soit directement aux entreprises elles-mêmes.

Il affirme que rien ne démontre dans les éléments de la poursuite que le démarchage effectué par le représentant de la société X s'adressait personnellement aux différents agents de la Direction départementale de la concurrence ou collectivement à cette direction départementale ;

Il soutient que les chèques ou espèces remis à l'occasion des différents passages des agents commerciaux de la société X le sont généralement collectivement pour les différentes personnes de l'entreprise dans ce dépôt puisse être assimilé à une remise personnelle prohibée par l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 ;

Monsieur l'Avocat général requiert pour sa part de la cour la confirmation du jugement déféré sur la déclaration de culpabilité tout en ne s'opposant pas à une certaine minoration de l'amende prononcée, eu égard aux circonstances de l'espèce ;

Considérant qu'il convient de rappeler que par note du 10 novembre 1992, la DDCCRF du Nord, dont le personnel venait d'être démarché par des représentants de la SARL X sur son lieu de travail, alertait la DDCCRF du Val-de-Marne sur les pratiques utilisées par cette société qui paraissaient contraires aux dispositions de la loi n° 72-1137 du 22/12/1972 notamment en ce qui concerne le formalisme contractuel, le délai de réflexion et la perception immédiate des sommes dues ;

Qu'à la suite de ce signalement, des agents de la DDCCRF du Val-de-Marne se présentaient le 16 février 1993 au siège social de la SARL X, sise 163 rue Raspail à Ivry-sur-Seine et dont le prévenu est le gérant, pour vérifier les procédés de vente mis en œuvre par cette entreprise au regard des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, relatifs à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ;

Qu'il résultait des investigations entreprises que le procédé de démarchage de la société X ne permettait pas de déterminer une date de formation du contrat au sens des articles L. 121-23, L. 121-24 et L. 121-29 du Code précité dans la mesure où le prospectus servant de bon de commande ne comportait ni date d'engagement, ni signature du client empêchant ainsi l'acheteur de bénéficier pleinement de sa faculté de renonciation ;

Qu'il apparaissait en outre que la livraison à la commande des produits se doublait d'un paiement immédiat du montant, affirmé d'une part, dans le contrat : " règlement à la livraison en espèces ou en chèques " et confirmé d'autre part, par Michel L dans ses déclarations : "c'est la date figurant sur le chèque remis par le client au moment de la livraison qui, pour nous, fait courir le délai prévu à l'article 3 de la loi n° 72-1137 sur le démarchage";

Que les constatations effectuées par la DDCCRF du Val-de-Marne étaient consignées dans un procès-verbal de délit établi le 21 mars 1994 à l'encontre de Michel L ;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation ;

Considérant que la cour relève tout d'abord que la prévention porte sur des faits commis courant 1993 et non sur le démarchage effectué en novembre 1992 dans les locaux de la DDCCRF du Nord, même si ce démarchage a provoqué le contrôle ultérieur de la DDCCRF du Val-de-Marne visant à étudier - de façon générale - les procédés de vente mis en œuvre par la société X ;

Considérant qu'il résulte d'autre part, du contrôle effectué que les agents commerciaux de la SARL X sont chargés de prospecter pour le compte de cette société une clientèle constituée exclusivement de particuliers présents sur leur lieu de travail (collectivités, entreprises, administrations) et que dès lors cette activité de démarchage est soumise aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ;

Considérant que la cour constate par ailleurs que les prospectus publicitaires utilisés courant 1993 par la SARL X et tenant lieu de bons de commande contiennent un tableau permettant aux personnes physiques démarchées de porter leur nom, la quantité commandée et le montant de chaque commande ;

Que ces documents font apparaître au regard du nom de chaque client les mentions " Payé par chèque " ou Payé espèces " ;

Considérant que cette pratique est manifestement contraire à l'article L. 121-26 du Code de la consommation qui prohibe toute contrepartie - sous quelque forme que ce soit - avant l'expiration du délai de réflexion ;

Qu'au demeurant, entendu le 29 juillet 1994 par les services de gendarmerie, Michel L a reconnu les infractions relevées à son encontre ;

Qu'au surplus dans ses propres conclusions, le prévenu, tout en soulignant que les méthodes au démarchage utilisées ont été depuis lors modifiées, indique : " la société X reconnaît sans difficulté que les documents commerciaux conçus à cette époque ne mentionnaient effectivement pas la date de commande rendant difficile la date de conclusion du contrat et dès lors bien entendu le point de départ du délai de réflexion " ;

Considérant que la cour confirmera le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité mais l'infirmera en répression en minorant, ainsi que précisé au dispositif, la sanction prononcée, pour mieux tenir compte de la relative gravité des faits, de la personnalité du prévenu délinquant primaire et de la volonté affirmée par la société X de modifier ses procédés de démarchage pour les rendre compatibles avec la législation en vigueur ;

Que par ailleurs, la cour donnera acte de sa comparution volontaire à la société X tout en déclarant irrecevable l'intervention en cause d'appel de cette dernière, non partie en première instance ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu et de la société X donne acte à la société X de sa comparution volontaire, Déclare irrecevable l'intervention de la société X en cause d'appel, Rejette les conclusions de relaxe de Michel L, Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, L'infirme sur la peine, Vu l'article 132-29 du Code pénal, Condamne Michel L à 10 000 F d'amende avec sursis, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires, Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.