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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 30 juin 1998, n° 96-06231

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BMA Leather " Cuir Confort " (Sté)

Défendeur :

Hubert

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Conseillers :

Helip, Lamant

Avoués :

SCP Boyer Lescat Merle, SCP Rives Podesta

Avocats :

Mes Gary, Debordes Laporte.

TI Toulouse, du 31 oct. 1996

31 octobre 1996

Faits, procédure et prétentions des parties

Le 7 juillet 1993, les époux Huber recevaient un appel téléphonique émanant de la société BMA Leather, les informant qu'ils avaient gagné un cadeau et les invitant à venir prendre possession de leur lot au magasin Cuir Confort, 318, route d'Espagne à Toulouse.

Les époux Huber se rendaient dans cet établissement le 10 juillet 1993 et ils y passaient commande d'un canapé 3 places, pour lequel ils versaient un acompte de 4 500 F.

Le 12 juillet, Madame Huber se présentait à nouveau au magasin Cuir Confort pour annuler la commande, mais elle se heurtait à un refus. Une lettre recommandée adressée à Monsieur Huber le lendemain n'amenait pas le vendeur à modifier sa position.

Le 27 mars 1996, Monsieur Huber assignait la société BMA Leather en annulation de la vente et en restitution de l'acompte, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts, ces demandes étant fondées sur les dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Par jugement du 31 octobre 1996, le Tribunal d'instance de Toulouse déclarait valable l'annulation de la commande par Monsieur Huber et condamnait la société BMA Leather à lui rembourser l'acompte de 4 500 F et à lui payer 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société BMA Leather est appelante de cette décision.

Elle reproche au premier juge d'avoir fait application à l'espèce des dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la consommation, alors qu'un appel téléphonique pour inviter une personne à venir prendre possession d'un cadeau ne constitue pas un démarchage à domicile.

A l'appui de sa position, l'appelante invoque un arrêt du 8 février 1996 de la chambre des appels correctionnels de la Cour de Toulouse, qui a relaxé son gérant Michel Monge, lequel faisait l'objet de poursuites sur le fondement du texte précité pour avoir usé du même procédé à l'égard d'autres personnes que les époux Huber.

La société BMA Leather soutient en conséquence que la demande d'annulation de la commande par Monsieur Huber est dépourvue de tout effet et que, même si l'annulation était prononcée, l'acompte devrait lui demeurer acquis.

L'appelante conclut donc au débouté de l'intimé et elle réclame 5 000 F en application de l'article du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Huber soutient que le message téléphonique qu'il a reçu le 7 juillet 1993 constitue une incitation à conclure un contrat entrant dans le champ d'application de l'article L. 121-21 du Code de la consommation.

Il fait valoir que la société BMA Leather n'a pas respecté les dispositions de ce texte puisqu'elle a perçu un acompte de 4 500 F le jour même de la commande, que le bon de commande ne comportait pas de bordereau de rétraction détachable et que l'appelante a refusé de tenir compte de la rétractation intervenue dans le délai de 7 jours.

L'intimé soutient par ailleurs que l'arrêt de la Cour de Toulouse en date du 8 février 1996 n'a pas l'autorité de la chose jugée dans la présente instance car il concerne les parties et des faits différents de ceux de la présente affaire.

Il fait valoir, en outre, que la vente n'était pas parfaite, car le coloris du canapé commandé restait à déterminer.

Monsieur Huber conclut donc à la confirmation du jugement dont appel et réclame 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ces conclusions responsives, la société BMA Leather soutient que la décision de la 3e chambre de la cour a bien en l'espèce l'autorité de la chose jugée.

Elle fait valoir que l'intimé a saisi la juridiction civile 3 ans après les faits.

Elle soutient par ailleurs qu'il y a bien accord sur la chose et le prix le 10 juillet 1993, l'intimé ayant choisi le coloris du meuble exposé en magasin, en se réservant la possibilité d'en choisir un autre dans les 48 heures.

Le Ministère public considère que la décision de relaxe dont Monge a fait l'objet le 8 février 1996 ne s'impose pas en l'espèce, car l'intéressé n'était pas poursuivi pour démarchage illicite à l'égard de Monsieur Huber. En outre, le Ministère public estime que l'appel téléphonique reçu par l'intimé est assimilable à un démarchage à domicile.

Dans les conclusions responsives, les deux parties développent les moyens qu'elles ont déjà invoqués et elles réclament le bénéfice de leurs précédentes écritures.

Motifs de la décision

Aux termes de l'article 5 du Code civil, il est interdit aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

D'autre part, les décisions des juridictions répressives ne s'imposent au juge civil que si elles portent sur les faits dont celui-ci est saisi.

En l'espèce, l'arrêt du 8 février 1996 est sans rapport avec les faits de la présente instance puisqu'il statue sur des infractions commises courant septembre et octobre 1993. Cette décision n'a donc pas autorité de la chose jugée dans le litige opposant la société BMA Leather aux époux Huber.

L'appel téléphonique du 7 juillet 1993, dont les termes ne sont pas discutés par les parties et par lequel l'intimé a été invité à venir retirer un cadeau au magasin Cuir Confort à Toulouse, constitue bien un démarchage à domicile.

Les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation s'appliquent donc en l'espèce et, en conséquence, Monsieur Huber était en droit d'annuler la commande passée le 10 juillet 1993, ainsi qu'il l'a fait le 13 juillet suivant par lettre recommandée avec accusé de réception. L'annulation de la vente implique la restitution de l'acompte versé par l'acheteur.

La décision de première instance doit être confirmée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles qu'il a exposés devant la cour. Il y a lieu de lui allouer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris; Condamne la société BMA Leather aux dépens d'appel, avec autorisation à la SCP Rives Podesta, avoué, de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision; Condamne la société BMA Leather à payer à Huber 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.