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Décisions

CA Paris, 11e ch. B, 13 septembre 1996, n° 6687-95

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Texier

Avocats généraux :

MM. du Couedic, Bonnet

Conseillers :

MM. Blanc, Zamponi

Avocat :

Me Dubois

CA Paris n° 6687-95

13 septembre 1996

Rappel de la procédure :

Prévention :

B est prévenu d'avoir à Paris, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, de février 1993 à février 1995 :

- fait usage, sans remplir les conditions exigées pour le porter, d'un titre tendant à créer dans l'esprit du public une confusion avec les titres et professions d'avocat et conseil juridique, en se présentant comme " avocat et conseil juridique, en se présentant comme l'enseigne " Assistance juridique ".

Faits prévus par les articles 4, 72 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 et réprimés par l'article 72 de ladite loi et par l'article 259 du Code pénal abrogé par la loi du 16 décembre 1992 mais en vigueur au moment des faits, dorénavant par l'article 433-17 du Code pénal.

- en violation des dispositions du chapitre 1er du titre II de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, donné des consultations ou rédigé pour autrui des actes sous seings privés en matière juridique.

Faits prévus par l'article 74 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 et réprimés dorénavant par l'article 433-17 du Code pénal, au moment de la commission des faits par l'article 259 du Code pénal abrogé.

- de s'être livré au démarchage en vue de donner des consultations ou rédiger des actes en matière juridique, en diffusant des affichettes portant " Assistance juridique <téléphone>- créer sa société ! Une solution à ... Nous sommes titulaires du CAPA (diplôme d'avocat) ".

Faits prévus et réprimés par l'article 1er du décret 72-785 du 25 août 1972, les articles 54 et suivants, 66-2, 66-4, 72, 74 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par la loi 90-1259 du 31 décembre 1990, les articles 433-17 (au moment de la commission des faits par l'article 259 du Code pénal abrogé), 433-22, 131-26 et 131-35 du Code pénal.

Le jugement :

Par jugement déféré du 14 septembre 1995, le tribunal statuant publiquement, contradictoirement,

A déclaré B coupable d'exercice illégal de la profession d'avocat, usage de titre prêtant à confusion avec titre ou profession judiciaire ou juridique, démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique,

Et, par application des articles 4, 72 et 74 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 433-17 du Code pénal, au moment de la commission des faits par l'article 259 du Code pénal,

L'a condamné à la peine de dix mois d'emprisonnement et a dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine,

L'a également condamné à une amende de 10 000 F, a dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable le condamné,

Sur l'action civile :

A déclaré redevable, en la forme, la constitution partie civile de l'Ordre des Avocats au Barreau de Paris,

A condamné B à payer à l'Ordre des Avocats au Barreau de Paris la somme d'un franc à titre de dommages et intérêts et, en outre, la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

A ordonné la publication de la présente décision, par extraits, aux frais du prévenu, à concurrence de 4 000 F par annonce, dans La Gazette du Palais, Le Parisien, Le Figaro, France Soir et Le Monde.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur B, prévenu, le 15 septembre 1995, sur les dispositions pénales du jugement.

- Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le même jour, contre le susnommé.

Décision :

Rendue publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

B, prévenu, a régulièrement interjeté appel le 15 septembre 1995 des dispositions pénales du jugement susénoncé rendu contradictoirement le 14 septembre 1995 par la 12e chambre du Tribunal de grande instance de Paris.

Il comparait devant la cour et dépose des conclusions tendant à voir :

- infirmer le jugement déféré qui serait intervenu en violation des articles 4, 72, 54, 66-4, 74 de la loi du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 31 décembre 1990 ;

- relaxer le prévenu des fins de la poursuite ;

- condamner l'Ordre des Avocats de Paris à payer au prévenu la somme de 200 000 F au titre des articles 516, 472 et 470 du Code de procédure pénale ;

- déclarer l'activité du prévenu sous l'enseigne " Assistance juridique " conforme à la loi ;

Le Ministère public, appelant incident, requiert la confirmation du jugement déféré.

L'Ordre des Avocats au Barreau de Paris, partie civile intimée, représenté par l'un de ses membres, soutient que le prévenu a usurpé le titre d'avocat, exercé illégalement cette profession et procédé à du démarchage.

Il sera statué par arrêt contradictoire.

Sur ce,

Les faits à l'origine des poursuites sont les suivants :

Entre le mois de mai 1993 et la fin de 1994, le prévenu a apposé de nombreuses affichettes en divers points de la capitale ainsi rédigés :

" Créer une SARL, SA Formalités RCS Assistance juridique <téléphone>Cabinet juridique : Rédaction actes SSP, acte de vente fonds de commerce, cession de bail, location gérance, baux. Consultation sur RDV ; Nous sommes titulaires du CAPA (diplôme d'avocat) ".

Entendu à ce sujet, le prévenu, se disant titulaire du CAPA promotion 1990, (ce qui n'a pu être vérifié) reconnaît être l'auteur de ces affichette publicitaires, le numéro de téléphone y figurant correspondant à celui de son adresse ;

Il déclare exercer la profession d'" avocat de formation, conseiller juridique sous l'enseigne d'assistance juridique " conformément aux dispositions des articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1990, et prétend que son activité ne tombe pas sous le coup de la loi dans la mesure où, selon lui, les affichettes constituent, non pas du démarchage, mais une publicité commerciale conforme à la loi précitée sur les professions juridiques ;

Il dit ne toucher aucune rémunération en contrepartie des conseils qu'il donne mais refuse de fournir quelque information que ce soit sur ses ressources ;

Devant les premiers juges, le prévenu a souligné l'incapacité des Barreaux à donner du travail à tous les titulaires du CAPA, invoqué le fait que la loi du 31 décembre 1990 avait refondu les professions juridiques en supprimant celle de conseil juridique et indiqué qu'il avait procédé à l'enregistrement de la marque " Assistance juridique " qui selon lui évitait toute confusion avec tout autre titre protégé ;

Devant la cour, il précise avoir voulu faire appel des dispositions pénales et civiles du jugement déféré, confirme être l'auteur des affichettes, ajoutant qu'elles ne constituent qu'une publicité conforme au Code de la consommation, mais pas du démarchage ;

Dans ses conclusions, le prévenu développe les arguments suivants :

1°) sur l'usage d'un titre tendant à créer dans l'esprit du public une confusion avec les titres et professions d'avocat et de conseil juridique (articles 4 et 72 de la loi du 31 décembre 1971) :

- la consultation juridique et la rédaction d'actes sous seings privés, régies par l'article 54 de la loi du 31 décembre 1990, ne constituent pas le monopole des avocats ;

- son activité n'entre pas dans le champ relevant du monopole des avocats et est régie par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2° sur l'activité de consultations ou de rédaction pour autrui d'actes sous seings privés en matière juridique, en violation des dispositions du chapitre 1er du titre II de la loi du 31 décembre 1971 (article 74) ;

- l'enseigne " assistance juridique " qu'il a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle est destinée à éviter toute confusion dans l'esprit du public avec les autres professions protégées d'avocat et de conseil juridique ;

3°) sur le démarchage par l'intermédiaire des affichettes sur lesquelles figurait la mention " assistance juridique " (article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971) ;

- le prévenu n'exerce aucune pression sur ses éventuels clients ;

- le démarchage doit être fait à domicile, pour être punissable or un cabine téléphonique ou un abribus ne sont pas des domiciles ;

- il s'agit en réalité de publicité autorisée par l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Il résulte de la procédure et des débats que le prévenu, en offrant ses services au public en se présentant comme assurant une " assistance juridique " et en précisant qu'il était titulaire du " CAPA diplôme d'avocat ", a violé les dispositions des articles 4 et 72 de la loi du 31 décembre 1971 interdisant l'exercice de l'une ou plusieurs des activités réservées au ministère des avocats à quiconque n'est pas régulièrement inscrit au barreau ;

Les faits ci-dessus rappelés et reconnus par le prévenu tombent également sous le coup de l'article 74 de la même loi et des articles du Code pénal visés par la prévention en ce qu'ils constituent bien l'usage d'un titre tendant à créer dans l'esprit du public une confusion avec les titres et professions réglementés par cette loi ;

A cet égard le dépôt du titre d'" assistance juridique " à l'institut National de la Propriété Industrielle ne saurait avoir un effet quelconque sur l'illégalité des agissements du prévenu, au regard de la Loi du 31 décembre 1971, complétée par la loi du 31 décembre 1990, qui régit les professions judiciaires et juridiques ;

Enfin, contrairement à ce que prétend le prévenu, le démarchage, tel que prohibé par l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1990, n'exige pas qu'une démarche commerciale soit effectuée au domicile des clients potentiels, mais s'entend, comme l'indique l'article 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972, visé dans la prévention, de " toute offre de service en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique " faite " dans un lieu public ", l'article 2 du même décret prescrivant par ailleurs que " la publicité en vue de donner de consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique ne peut être faite par voie de tract, lettres ou affiches " ;

Le prévenu sera donc reconnu coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ; son obstination à contester l'illégalité de ses pratiques ainsi décrites, alors même qu'il se refuse à faire état de ses ressources et de ses charges, soutient ne pas être rémunéré, se prétend juriste et est en mesure à ce titre d'abuser de la confiance de personnes peu informées, justifie la sanction prononcée par les premiers juges ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Constate que le jugement déféré est définitif sur l'action civile ; Le confirme en ses dispositions pénales ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné ; Après le prononcé de la peine assortie du sursis simple, Monsieur le Président a donné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal à Monsieur B.