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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 14 mars 1995, n° 09302184

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Venot

Défendeur :

Etoiles (SARL), Di Martino (ès qual.), Udeco Diffusion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panatard

Conseillers :

MM. Chesneau, Jutteau

Avoués :

Me Vicart, SCP Chatteleyn & George, SCP Gontier-Langlois

Avocats :

Mes Le Trouit, Heron, Delahaie.

TGI Le Mans, 1re ch., du 15 juin 1993

15 juin 1993

Le 28 septembre 1989, Josiane Gautier veuve Venot a signé un bon de commande concernant des éléments de cuisine d'une valeur de 37 425 F TTC qui lui furent donnés en location vente par la société Ufith, aux droits de qui est aujourd'hui la société Udeco Diffusion, après acquisition auprès de la société Etoile Cuisines Spacial depuis lors en liquidation judiciaire.

Les éléments de cuisine furent livrés le 3 mai 1991.

Par exploits des 4 et 9 juin 1992 Josiane Gautier fit assigner devant le Tribunal de grande instance du Mans, Me Di Martino en qualité de liquidateur de la société Etoile Cuisines Spacial et la société Udeco Diffusion devant le Tribunal de grande instance du Mans demandant que soit prononcée " la nullité du contrat souscrit le 28 septembre 1989 avec la SARL Etoile Cuisine et, par suite, la nullité du contrat de location souscrit avec la société Udeco et lié à la vente ".

La demanderesse exposait, au soutient de cette demande qu'elle avait fait l'objet d'un démarchage à domicile de la part d'un vendeur d'Etoile Cuisine et qu'elle avait, le jour même, donné son accord pour l'acquisition d'une cuisine intégrée et réglé un acompte de 3 700 F.

Le contrat de vente était nul pour violation de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile, le contrat ne mentionnant pas le délai légal de rétractation.

D'autre part, un acompte avait été encaissé avant l'expiration du délai de rétractation de sorte que le contrat de location vente était nul en application de la loi du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs.

A titre principal, les deux défendeurs soulevèrent l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal d'instance par application de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978.

Subsidiairement Me Di Martino conclut à l'irrecevabilité de l'action qui n'avait pas été engagée dans les deux ans de l'événement lui ayant donné naissance.

Il sollicitait la condamnation de la défenderesse à lui régler 3 000 F pour frais irrépétibles.

Il demandait pour le cas où il serait fait droit à la demande de nullité, que Josiane Gautier soit condamnée sous astreinte à restituer les éléments de cuisine.

La société Udeco Diffusion, conclut très subsidiairement au déboutement, faisant observer que Josiane Gautier avait acquitté quatre échéances mensuelles, " reconnaissant ainsi la validité du contrat souscrit et partant, la dette qu'elle avait contractée. "

Elle réclamait la condamnation de la demanderesse à lui régler 3 000 F pour frais irrépétibles.

Le tribunal s'est prononcé par jugement du 15 juin 1993.

Il note que l'action tend à titre principal à voir annuler la vente par application, non de la loi du 10 janvier 1978, mais de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des particuliers démarchés à leur domicile. Il rejette dès lors l'exception d'incompétence.

Au fond il observe que l'offre préalable de location-vente comportait un formulaire de rétractation et que le bon de commande laissé en la possession de Josiane Gautier rappelait les dispositions légales à cet égard. D'autre part ne peut être sanctionné que pénalement la règle selon laquelle nul ne peut recevoir un versement de la personne démarchée avant l'expiration du délai de rétractation.

Le tribunal déboute en conséquence la demanderesse de ses prétentions et la condamne à régler 2 500 F à chacun des défendeurs pour frais irrépétibles.

Josiane Gautier a fait appel de ce jugement.

Elle reprend sa demande originaire tendant à ce que soit prononcée l'annulation des deux contrats passés l'un avec Etoiles Cuisines, l'autre avec Udeco (Ufith). Elle estime que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, le non respect des dispositions de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 est sanctionné civilement par la nullité du contrat.

Elle sollicite la condamnation de la société Udeco Diffusion à lui rembourser 3 021,76 F, montant des échéances réglées par elle.

Elle soutient ne rien devoir à Udeco Diffusion, le capital de 33 725 F devant être restitué à celle-ci par Me Di Martino ès qualité selon les règles de la procédure collective.

A titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation solidaire d'Udeco et de Me Di Martino es qualités à lui régler 33 725 F à titre de dommages-intérêts, la compensation étant ordonnée entre cette somme et celle qu'aurait à restituer en conséquence, de l'annulation des contrats.

La société Udeco conclut au principal à l'irrecevabilité de l'action en raison de la forclusion encourue du fait de l'expiration du délai de deux ans imparti par l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978 pour engager la procédure.

Subsidiairement, elle sollicite le déboutement de l'appel.

Plus subsidiairement, et si les conventions devaient être annulées, Udeco demande que Josiane Gautier soit déclarée débitrice d'un équipement neuf de cuisine tel que décrit au bon de commande ou de la valeur actuelle d'un équipement neuf.

Me Di Martino, ès qualité, soutient également que l'action est irrecevable en raison de la forclusion. Il observe que toute créance de l'appelante contre lui se trouve éteinte puisqu'elle n'a formalisé aucune déclaration entre ses mains à ce sujet.

Il conclut au déboutement de Josiane Gautier ou, à défaut, à sa condamnation sous astreinte à lui restituer le bien livré.

Enfin, il sollicite la condamnation de l'appelante à lui régler 3 000 F pour frais irrépétibles.

Répondant au moyen tiré de la forclusion, Josiane Gautier soutient qu'elle a engagé la procédure dans un délai utile :

l'événement donnant naissance au délai est la date d'annulation du contrat principal et non pas la date du prêt.

Attendu que selon l'article 27 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs, les actions doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ;

Attendu que cette disposition légale est applicable en l'espèce puisque Josiane Gautier, qui sollicite le prononcé de la nullité de la vente des éléments de cuisine pour violation de la loi du 22 décembre 1972 relative au démarchage et à la vente à domicile, demande aussi que soit annulé le contrat de crédit conclu avec Udeco ; qu'elle se prévaut de l'article 9 (alinéa 2) de la loi du 10 janvier 1978 selon lequel le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ;

Attendu, cela étant, qu'il résulte de cette dernière disposition légale, d'ordre public comme l'ensemble de la loi du 10 janvier 1978 (art. 28) que la résolution ou l'annulation du contrat de crédit est la conséquence de la résolution ou de l'annulation par voie judiciaire du contrat qualifié de " principal " ; que c'est donc la résolution ou l'annulation du contrat principal qui constitue " l'événement " donnant " naissance " à l'action relative au contrat de crédit et dès lors le point de départ du délai de deux ans;

Attendu que la loi ne mériterait pas son titre et que le consommateur serait mal protégé si, ayant abouti à l'annulation du contrat principal en procédant selon les règles le concernant, il se voyait contraint, étant forclos pour recourir contre l'organisme prêteur, de continuer à rembourser ; qu'à l'évidence le législateur a voulu que les deux contrats étroitement imbriqués dans leurs modalités, ne soient pas anéantis ou maintenus l'un sans l'autre ;

Attendu qu'en l'espèce Josiane Gautier a engagé son action en temps utile ; que le moyen des intimés tiré de la forclusion doit être écarté ;

Attendu au fond, que l'appelante ne reprend pas devant la cour son argumentation originaire selon laquelle elle n'aurait pas eu connaissance, par la lecture des contrats, de la faculté de rétractation qui lui était réservée durant le délai de sept jours, prévu par la loi du 22 décembre 1972 (art. 3) ;

Attendu qu'elle se plaint essentiellement de ce que, en violation de l'article 4 de cette loi, on lui a fait régler un acompte de 3 700 F avant l'expiration du délai de rétractation, ce qui l'a empêchée " d'exercer sereinement " cette faculté qui lui était offerte de renoncer ;

Attendu que l'infraction aux dispositions de l'article 4 n'est pas sanctionnée par l'annulation du contrat ; que la loi prévoit une sanction pénale (ar. 5) et ouvre la possibilité au " client qui s'est constitué partie civile " de réclamer la condamnation du prévenu à lui régler " une somme égale au montant des paiements effectués ou des effets souscrits sans préjudice de tous dommages-intérêts " ;

Attendu qu'en l'espèce les contrats de vente et de location sont du 28 septembre 1989 ;

Attendu que les éléments de cuisine n'ont été livrés que plus d'un an et demi après soit le 3 mai 1991 date à laquelle a été dressée la facture et signé le bon de livraison par la cliente ;

Attendu que celle-ci ne prétend pas avoir protesté ni pendant toute cette période ni à l'arrivée de ces éléments ni même plus tard puisqu'elle a commencé à régler les échéances de location ; qu'elle demande en effet à la cour de condamner la société Udeco à lui rembourser la somme de 3 021,76 F représentant quatre de ces échéances ;

Attendu que l'appelante ne peut dès lors raisonnablement soutenir s'être trouvée engagée par son paiement de la somme de 3 700 F dans une situation dont elle ne pouvait plus se dépêtrer ;

Attendu que la cour estime que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Josiane Gautier des fins de son action en nullité ;

Attendu qu'il paraît équitable de laisser à la charge de Me Di Martino ès qualité, les frais irrépétibles exposés par lui à l'occasion de la présente instance ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Dit Madame Josiane Gautier épouse Venot mal fondée en son appel. Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise. Déboute Me Di Martino ès qualité de sa réclamation sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne Madame Josiane Gautier épouse Venot aux dépens d'appel ; accorde à la SCP Chatteleyn & George et à la SCP Gontier Langlois le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.