Cass. crim., 5 octobre 1987, n° 86-92.194
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Vlasseman
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ledoux
Rapporteur :
M. Souppe
Avocat général :
M. Dubois de Prisque
Avocats :
M. Pradon, SCP Waquet.
LA COUR: - Sur le pourvoi formé par Vlasseman Loïc, partie civile, contre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 7 avril 1986 qui, dans une poursuite exercée contre Alain B du chef d'infractions à la loi relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, a relaxé le prévenu, mis hors de cause la société anonyme X prise en qualité de civilement responsable et débouté la partie civile de sa demande; - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972, 2 et 4 de ladite loi, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:
" en ce que, par l'arrêt infirmatif attaqué, la cour a relaxé Alain B des fins de la poursuite pour des faits constituant une infraction à la loi du 22 décembre 1972 et a débouté M. Vlasseman, plaignant, de sa constitution de partie civile et de sa demande en paiement de dommages-intérêts;
" aux motifs qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 22 décembre 1972 l'acquéreur a un délai de sept jours pour renoncer, par lettre recommandée avec accusé de réception, à sa commande, qu'en l'espèce le bon de commande avait été signé le 23 mars 1984, que le délai de sept jours expirait le 29 mars 1984 et que la rétractation du 30 mars 1984 était irrecevable comme tardive, qu'en conséquence M. Vlasseman, acquéreur, était mal fondé à soutenir que B, vendeur, se trouvait en infraction avec la loi du 22 décembre 1972;
" alors que le délai de sept jours énoncé à l'article 3 de la loi du 22 décembre 1972 commence à courir à compter de l'achèvement du dies a quo, en l'espèce le 23 mars 1984, date à laquelle la commande a été signée, qu'il expire à 24 heures le dernier jour, dies ad quem, en l'espèce le 30 mars 1984, date à laquelle M. Vlasseman a adressé la lettre recommandée avec accusé de réception rétractant la commande et que la cour n'a pu déclarer la rétractation irrecevable comme tardive qu'en violation par fausse application de l'article 3 de la loi du 22 décembre 1972 ";
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 4 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale:
" en ce que, par l'arrêt infirmatif attaqué, la cour a relaxé Alain B des fins de la poursuite pour des faits constituant une infraction à la loi du 22 décembre 1972 et a débouté M. Vlasseman, plaignant, de sa constitution de partie civile et de sa demande en paiement de dommages-intérêts;
" aux motifs que le délai de rétractation de la commande passée par Vlasseman le 23 mars 1984 expirait le 29 mars 1984 et que sa rétractation du 30 mars 1984 était irrecevable comme tardive;
" alors que, d'une part, M. Vlasseman avait soutenu dans des conclusions de ce chef délaissées que la société X avait encaissé le chèque d'acompte de 70 000 francs avant même l'expiration du délai de rétractation de sept jours, en violation de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 et qu'un tel fait constituait une infraction à la loi du 22 décembre 1972, et que n'ayant pas répondu au moyen de défense tiré d'une violation de l'article 4 précité, l'arrêt devra être cassé pour violation de l'article 593 du Code de procédure pénale;
" alors que, d'autre part, étant acquis que la société X avait encaissé le chèque d'acompte de 70 000 francs avant l'expiration du délai de rétractation de sept jours, la cour n'a pu relaxer B qu'au prix d'une violation de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 ";
Les moyens étant réunis; - Vu lesdits articles; - Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception; que sauf disposition législative contraire, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte qui le fait courir ne compte pas;
Attendu, d'autre part, que les juges sont tenus de statuer sur tous les faits et sur tous les chefs de conclusions dont ils sont saisis;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 23 mars 1984, Loïc Vlasseman, qui avait été démarché à son domicile par Alain B, président de la société anonyme X, a passé commande d'un bateau à cette société; que le jour même il a remis à B un chèque de 70 000 francs à titre d'acompte sur le prix; que par lettre recommandée en date du 30 mars 1984, il a notifié au vendeur sa décision de renoncer à l'achat; que B, qui avait déjà encaissé le chèque, a refusé de restituer la somme; que Vlasseman l'a fait citer directement devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'infraction à la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage à domicile et la société anonyme X prise en qualité de civilement responsable;
Attendu que pour relaxer le prévenu B des fins de la poursuite, mettre hors de cause la société anonyme X et débouter la partie civile de sa demande, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que le bon de commande étant daté du 23 mars, le délai de réflexion de sept jours prévu par la loi du 22 décembre 1972 expirait le 29 mars; que la rétractation du 30 mars est irrecevable comme tardive;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs et alors que la réception du chèque à titre d'acompte, constituait une contrepartie interdite selon les dispositions de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 visée à la citation de la partie civile et invoquée dans les conclusions de cette dernière, la cour d'appel qui d'une part a omis de statuer sur ces faits également réprimés par l'article 5 du texte susvisé et qui d'autre part a inclus dans le délai fixé par la loi pour l'accomplissement de la renonciation, le jour de la commande qui faisait courir ce délai, a méconnu les textes susvisés et les principes sus-énoncés; d'où il suit que la cassation est encourue;
Par ces motifs: casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Versailles, en date du 7 avril 1986, mais en ses seules dispositions civiles, et pour être à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée: renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris.