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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 26 février 1996, n° 95-05332

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Quinton (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

MM. Guilbaud, Barthelemy

Avocats :

Mes Schermann, de Saint Genois

TGI Melun, 3e ch., du 24 mars 1995.

24 mars 1995

Rappel de la procédure :

La prévention :

F Bernard est poursuivi des chefs :

- de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis à Saint-Sauveur-sur-Ecole et sur le territoire national, du 9 décembre 1989 au 24 janvier 1990,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

- de remise de contrat non conforme au client - démarchage à domicile ou dans un lieu non commercial,

faits commis du 9 décembre 1989 au 24 janvier 1990, à Saint-Sauveur-sur-Ecole et sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-28, L.121-23, L. 121-24, L. 121-21 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation

Le jugement :

Le jugement, par jugement contradictoire, a :

Relaxé F Bernard du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

Déclaré F Bernard coupable de remise de contrat non conforme au client - démarchage à domicile ou dans un lieu non commercial,

Faits commis du 9 décembre 1989 au 24 janvier 1990, à Saint-Sauveur-sur-Ecole et sur le territoire national,

Infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-21 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation

Et, en application de ces articles,

L'a condamné à 10 000 F d'amende,

Dit que la mention de cette condamnation serait exclue du bulletin n° 2 de son casier judiciaire,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné,

Statuant sur l'action civile,

Reçu Quinton Eugène en sa constitution de partie civile,

Condamné F Bernard à payer à la succession de M. Quinton Eugène la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénal ;

L'a condamné aux dépens de l'action civile.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur F Bernard, le 30 mars 1995 contre M. Quinton Martial, M. Quinton Joël, Madame Quinton Maud, Monsieur Quinton Christian, Mademoiselle Quinton Michèle, Monsieur Quinton Pascal, Monsieur Quinton Philippe ;

M. le Procureur de la République, le 30 mars 1995 contre Monsieur F Bernard

Monsieur Quinton Joël, le 6 avril 1995 contre Monsieur F Bernard

Madame Quinton Maud, le 6 avril 1995contre Monsieur F Bernard

Mademoiselle Quinton Michèle, le 6 avril contre Monsieur F Bernard

Monsieur Quinton Pascal, le 6 avril 1995 contre Monsieur F Bernard

Monsieur Quinton Philippe, le 6 avril 1995 contre Monsieur F Bernard

Monsieur Quinton Christian, le 6 avril 1995 contre Monsieur F Bernard

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu, le Ministère public et les consorts Quinton à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention ;

Par voie de conclusions F Bernard sollicite de la cour, par infirmation, son renvoi des fins de la poursuite pour l'ensemble des faits visés à la prévention et le débouté des parties civiles de leurs demandes ;

Subsidiairement, il demande à la cour de prononcer une dispense de peine et d'ordonner la non inscription de la condamnation à intervenir au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ;

Il fait essentiellement valoir que l'emploi du vocable " étude " est exclusif de toute ambiguïté et que, d'autre part, la loi du 22/12/1992 modifiée par celle du 23 juin 1989 est inapplicable en l'espèce puisqu'il n'y a pas eu démarchage et que par ailleurs, l'activité de l'Etude Vibel fait l'objet d'une réglementation particulière à savoir des dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d'application de juillet 1972 ;

Il soutient en outre que les consorts Quinton sont irrecevables en leur action, par application de la règle una via electa, dès lors que leur auteur, Eugène Quinton, avait saisi le 26 avril 1990 le Tribunal de grande instance de Melun d'une action civile ;

Il affirme enfin que les consorts Quinton ne justifient aucunement que l'opération considérée aurait fait supporter un préjudice moral à M. Eugène Quinton ;

Monsieur l'Avocat général requiert pour sa part de la cour la confirmation du jugement déféré ;

Représentés par leur conseil les consorts Quinton sollicitent la cour de faire droit intégralement, par infirmation, aux demandes d'indemnisation par eux présentées en première instance et de condamner, en conséquence, le prévenu à leur verser la somme de 10 000 F au titre du préjudice moral subi par le défunt ainsi que celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de la procédure pénale ;

Sur l'action publique

Considérant que le 23 mai 1991 Eugène Quinton déposait plainte, avec constitution de partie civile, contre le responsable de la SARL " Etude Vibel ", F Bernard, lui reprochant notamment de lui avoir fait signer à son domicile à Saint-Sauveur sur Ecole, le 19/12/1989 un mandat exclusif de vente de sa maison en viager, puis le 25/07/1990, un compromis de vente ferme au bénéfice de Victor Moatti, Marchand de Biens, sans respecter le formalisme de la loi du 22/12/1972, en particulier la notification de la faculté de renonciation et la fourniture du formulaire de rétractation ;

Qu'il précisait qu'il avait contacté cette société à la suite d'une publicité parue à la page 114 du n° 233 de mai 1989 du magazine " Notre Temps " qu'il dénonçait comme trompeuse et ainsi libellée :

" Assurez votre retraite - Etude Vibel - Spécialiste Conseil en Viager ";

Sur le délit de publicité mensongère

Considérant que la cour observe, comme les premiers juges, que le vocable " Etude " est couramment utilisé notamment par de nombreuses agences immobilières et ne concerne pas exclusivement - quoique flatteur - les charges d'officier ministériel ;

Que la cour confirmera donc la décision critiquée en ce qu'elle a, à bon droit, relaxé F Bernard du chef de publicité de nature à induire en erreur ;

Sur les infractions à la loi du 22/12/1972

Considérant tout d'abord que les engagements souscrits les 12/12/1989 et 24/01/1990 au domicile de F Bernard entrent bien dans le champ de la loi du 22/12/1972 qui concerne aussi bien l'achat que la vente;

Que la circonstance que le démarchage ait suivi la propre demande de la victime est radicalement indifférente ;

Que peu importe également que l'activité de la société " Etude Vibel " soit régie par la loi du 2 janvier 1970 réglementant la profession d'agent immobilier ;

Qu'en effet la loi du 2 janvier 1970 et celle du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage à domicile ne se contredisent aucunement et peuvent, bien au contraire, s'appliquer cumulativement;

Considérant d'autre part qu'il est constant et non contesté que le formalisme exigé par la loi du 22/12/1972 n'a pas été respecté lors de la souscription des engagements précités, en particulier en ce qui concerne la notification de la faculté de renonciation et la fourniture du formulaire de rétractation ;

Que, par voie de conséquence, la cour confirmera le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable d'infractions de la loi du 22/12/1972 ;

Que la cour confirmera le jugement entrepris sur la peine d'amende infligée qui constitue une juste application de la loi pénale, parfaitement adaptée à la relative gravité des agissements reprochés et à la personnalité du prévenu délinquant primaire ;

Sur l'action civile

Considérant que le plaignant est décédé en cours de procédure le 26/02/1994 ;

Que cependant, ses héritiers ont régulièrement repris l'action en cours ;

Considérant que le prévenu ne peut utilement invoquer pour la première fois en cause d'appel la règle " Una Via Electa " non soulevée en première instance ;

Qu'au demeurant la cour observe que l'application de cette maxime suppose que les deux demandes, portées devant le juge civil et le juge pénal, opposant les mêmes parties, aient le même objet et la même cause ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce ;

Considérant que la violation par le prévenu du formalisme exigé par la loi du 22/12/1972 a nécessairement fait subir au plaignant un préjudice moral ;

Que la cour qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par Eugène Quinton, et résultant directement des faits retenus à l'encontre de F Bernard, confirmera l'estimation équitable qu'en ont faite les premiers juges ;

Considérant que la cour confirmera donc le jugement dont appel sur les intérêts civils et, y ajoutant, condamnera le prévenu à verser aux consorts Quinton la somme supplémentaire de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré sur la relaxe partielle, la déclaration de culpabilité, la peine d'amende prononcée et les intérêts civils, Y ajoutant, condamne le prévenu à verser aux parties civiles la somme supplémentaire de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Vu l'article 775-1 du Code de la procédure pénale, Ordonne la non-inscription de la présente condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire de F Bernard, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.