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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 13 septembre 1995, n° 94-02030

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Studer

Défendeur :

Prestige et Décoration (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Falcone

Conseillers :

MM. Charbonnier, Grandpierre

Avoués :

SCP Colin-Voinchet-Radiguet, SCP Gallière-Lejeune

Avocats :

Mes Cisterne, Baron.

TI Evreux, du 23 mars 1994

23 mars 1994

Faits, procédure et moyens des parties

Le 26 juin 1993, M. Studer s'est rendu dans le magasin de la société Prestige et Décoration après avoir reçu une communication téléphonique l'informant qu'il avait gagné un cadeau et l'invitant à le retirer au magasin.

Sur place il a signé un bon de commande portant sur un canapé d'une valeur de 12 554,88 F et a versé un acompte de 3 000 F.

M. Studer a annulé téléphoniquement sa commande quelques jours plus tard mais la société Prestige et Décoration n'a pas accepté cette annulation.

Par jugement du 23 mars 1994 le Tribunal d'instance d'Evreux a :

- condamné solidairement M. et Mme Studer à payer à la SARL Prestige et Décoration la somme de 9 554,88 F avec intérêts au taux légal ;

- autorisé la société Prestige et Décoration à ne procéder à la livraison des meubles qu'après paiement de l'intégralité du prix de vente et des intérêts ;

- autorisé M. et Mme Studer à s'acquitter de leur dette en 23 versements mensuels de 400 F outre un 24e comprenant le solde et les intérêts dûs ;

- condamné M. et Mme Studer à payer à la SARL Prestige et Décoration la somme de 700 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

M. Studer a interjeté appel de ce jugement.

Il demande à la cour de :

- constater la nullité du contrat ;

- débouter la société Prestige et Décoration de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Prestige et Décoration à lui restituer l'acompte de 3 000 F avec les intérêts et à lui payer une somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts.

Il soutient que s'agissant d'une vente avec démarchage à domicile le contrat n'est pas conforme aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 puisqu'il ne contient pas de faculté de renonciation et de formulaire détachable pour faciliter cette démarche.

La société Prestige et Décoration conclut à la confirmation du jugement sauf à débouter M. Studer de sa demande de délais et à le condamner au paiement d'une indemnité de 2 500 F pour les frais irrépétibles exposés en première instance et de 3 000 F pour ceux exposés en cause d'appel.

Elle soutient que les articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation sont inapplicables car la communication téléphonique n'avait pas pour objet de lui faire une offre de vente mais d'effectuer un sondage de notoriété avec remise d'un cadeau en remerciement de la participation à ce sondage.

Elle en déduit qu'il n'y a pas eu démarchage à domicile et que la vente souscrite dans le magasin est parfaite.

Motifs de l'arrêt

Attendu que les contrats souscrits à la suite d'un démarchage à domicile ou par téléphone sont soumis à des règles particulières codifiées sous les articles L. 121-21 à L. 121-33 du Code de la consommation et destinées à protéger le consommateur ;

Que pour apprécier la notion de démarchage il convient de s'attacher à l'économie globale du contrat sans en distinguer les étapes successives ;

Que le critère à prendre en considération est l'initiative prise par le vendeur en dehors du lieu de vente sans laquelle le consommateur ne se serait jamais rendu dans le magasin ;

Attendu que, quelque soit l'objet de la communication téléphonique reçue par M. Studer, il n'est pas contesté par la société Prestige et Décoration que M. Studer a été invité à venir retirer au magasin le cadeau qu'il avait gagné et que c'est à l'occasion de cette visite que le contrat de vente litigieux a été signé ;

Qu'en offrant un cadeau après un simple contrat téléphonique et en demandant à son correspondant de venir au magasin pour le retirer la société Prestige et Décoration avait pour seul but d'attirer un client potentiel dans ses locaux afin de l'entreprendre dans les meilleurs conditions psychologiques puisque, recevant un cadeau, sa vigilance se trouvait émoussée ;

Que dès lors la réglementation protectrice prévue par le Code de la consommation et notamment la mention d'une faculté de renonciation et la remise d'un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de cette faculté devait être respectée afin de laisser au consommateur un délai de réflexion suffisant avant que son engagement devienne définitif ;

Attendu qu'en faisant signer à M. Studer un contrat ferme et définitif, la société Prestige et Décoration a violé les articles L. 121-23 à L. 121-27 du Code de la consommation édictés à peine de nullité ;

Que le contrat est nul ;

Attendu que la société Prestige et Décoration sera déboutée de sa demande et condamnée à restituer l'acompte perçu ;

Attendu que la preuve du caractère abusif de la procédure n'est pas rapportée ;

Par ces motifs, La COUR, Statuant dans les limites de l'appel ; Infirme le jugement entrepris ; Dit que le contrat de vente souscrit le 26 juin 1993 est nul ; Déboute la société Prestige et Décoration de sa demande ; La condamne à restituer à M. Studer la somme de trois mille francs (3 000 F) avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1993 ; Déboute M. Studer de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne la société Prestige et Décoration aux dépens de première instance et d'appel. Dit que ces derniers seront recouvrés par la SCP Colin-Voinchet-Radiguet, Avoués, selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.