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Décisions

CA Besançon, ch. corr., 26 novembre 1998, n° 792

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Procureur général près la Cour de Besançon; Beltrami; Bouton; Cuvillier; Gouget; Loisel; Petit; Rassemont; Ribeiro; Sinet; Verdin; Vuillaume

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonin

Conseillers :

M. Perron, Mme Vignes

Avocats :

Mes Masson, Rosselot, Giacomoni, Binoth, Duffet.

TGI Montbéliard, du 16 janv. 1998

16 janvier 1998

Par déclarations en date du 20 janvier 1998, 21 janvier 1998, 4 février 1998, Monsieur S Mario, le Procureur près le Tribunal de grande instance de Montbéliard, M. Petit Fabrice, Mme Bouton Sylvie ont régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 16 janvier 1998 par le Tribunal correctionnel de Montbéliard qui a:

Sur l'action publique

Déclaré Monsieur S Mario coupable des faits qui lui sont reprochés.

Prononcé à titre de peine principale l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer à titre personnel ou en qualité de dirigeant de personne morale, toute activité de vente de biens ou de prestations de services à des particuliers,

Condamné M. S Mario à la peine d'amende de 25 000 F.

Sur l'action civile

Déclaré les constitutions de partie civile de Mrs Beltrami Pierre, Cuviller Michel et Loisel Chrisitan irrecevables.

Reçu Mme Rassemont Thérèse, M. Petit Fabrice, Melle Bouton Sylvie, M. Gouget Jacques, M. Verdin Albert, M. Vuilaume Bernard, M. Sinet Christian, M. Ribeiro Antoine en leur constitution de partie civile.

Déclaré M. S Mario responsable du préjudice subi par ces parties civiles,

Condamné M. S Mario à payer à titre de dommages et intérêts à:

- Mme Rassemont Thérèse la somme de 4 000 F,

- M. Petit Fabrice la somme de 3 000 F et au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale la somme de 1 500 F,

- Melle Bouton Sylvie la somme de 3 375 F et au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale la somme de 500 F,

- M. Gouget Jacques la somme de 3 000 F,

- M. Verdin Albert la somme de 3 000 F,

- M. Vuilaume Bernard la somme de 4 725 F,

- M. Sinet Christian la somme de 4 000 F,

- M. Ribeiro Antoine la somme de 4 000 F.

Fixé la créance de M. Petit Fabrice à l'encontre de la société Atout Cuir, du fait des délits commis par S Mario, à la somme de 3 000 F et à la somme de 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant:

1° - Procédure et prétentions des parties

Régulièrement cité à personne, présent et assisté de son avocat, Me Binoth conteste les faits reprochés et sollicite sa relaxe et subsidiairement sollicite une diminution de la sanction.

Maître Guyon, ès qualités de liquidateur de la société Atout Cuir, est représenté par Maître Duffet qui s'en rapporte à justice.

Le Ministère public requiert la confirmation de la décision.

M. Bernard Vuillaume, partie civile, représentée par Maître Giacomoni demande la confirmation du jugement outre la somme de 3 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M. Fabrice Petit, partie civile, représentée par Maître Huyghe, demande la réformation du jugement et réclame la condamnation de M. S à lui payer la somme de 6 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1996, outre la somme de 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M. Christian Sinet, partie civile, représenté par Maître Rosselot, demande la confirmation du jugement outre la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M. Pierre Beltrami, régulièrement cité, n'est ni comparant, ni représenté.

M. Michel Cuvillier, régulièrement cité, n'est ni présent, ni représenté.

M. Jacques Gouget, régulièrement cité, n'est ni présent, ni représenté mais a écrit pour s'excuser de son absence.

M. Christian Loisel, régulièrement cité, n'est ni présent ni représenté mais a écrit pour demander le remboursement de la somme de 10 000 F.

Mme Thérèse Rassemont, régulièrement citée, n'est ni présente, ni représentée.

M. Antoine Ribeiro, régulièrement cité, n'est ni présent, ni représenté mais a écrit pour demander la confirmation du jugement.

M. Albert Verdin est décédé.

2° - Prévention

S Mario est prévenu d'avoir à:

1) à Montbéliard (Doubs) siège social et Laon (Aisne), après avoir démarché:

- le 22 août 1996 M. Lebaron

- le 16 août 1996 M. Montfort Lucien

- le 14 septembre 1996 M. Herbert André

- le 23 juillet 1996 M. Aubriot Christian

- le 23 août 1996 Mme Planchart Madeleine

- le 22 août 1996 M. Marchand Lucien

- le 5 juillet 1996 M. Buret Daniel

- le 26 juillet 1996 M. Jasinski Wladimir

- le 12 septembre 1996 M. Dumay Emile

- le 26 juillet 1996 M. Duez Marc

- le 13 septembre 1996 Mme Deflorenne Gisèle

- le 12 septembre 1996 M. Beltrami Pierre

- le 23 août 1996 M. Chevry Antoine

- le 16 août 1996 M. Jonneaux Jacques

- le 5 août 1996 M. Maillet

- le 16 août 1996 M. Cauchy Pierre

- le 14 septembre 1996 M. Cuvillier Michel

- le 5 juillet 1996 M. Hauet Bernard

- le 24 juin 1996 Mme Rassemont Thérèse

- le 6 septembre 1996 M. Marceau Floquet

- le 6 septembre 1996 M. Petit Fabrice

- le 13 septembre 1996 M. Ferrari Cavro Yves, Mme Bouton Sylvie

- le 15 juillet 1996 M. Fetro Didier

- le 27 août 1996 M. Menesson Guy

- le 6 septembre 1996 M. Bretaudeau Denis

- le 16 août 1996 M. Dorigo Antoine

- le 22 juillet 1996 M. Mallon Michel

- le 16 août 1996 M. Gouget Jacques

- le 9 août 1996 M. Longatte Delhorbe

- le 9 août 1996 M. Lemaire Robert

- le 5 août 1996 M. Gosset Gérard

- le 2 août 1996 M. Duchene Claude

- le 6 septembre 1996 M. Sailly Pierre

- le 5 juillet 1996 M. Pain Jean-Pierre

- le 13 septembre 1996 M. Provo Michel

- le 2 août 1996 M. Verdin Albert

- le 6 septembre 1996 M. Triboulois Gérard

- le 26 juillet 1996 M. Tutin André

- le 22 août 1996 M. Deghaye Bernard

- le 22 juillet 1996 M. Vuillaume Bernard

- le 13 juillet 1996 M. Poulain Jean-Pierre

- le 22 juillet 1996 M. Seval Bernard

- le 22 juillet 1996 M. Bienfait Martin

- le 25 juillet 1996 M. Ledoux Daniel

- le 6 septembre 1996 M. Guisnet Monart Alexandre

- le 13 septembre 1996 M. Sinet Christian

- le 13 septembre 1996 M. Simon

- le 16 août 1996 M. Pochon Ludovic

- le 17 août 1996 M. Pavot Alfred

- le 6 septembre 1996 M. Girondelot Marc

- le 23 août 1996 M. Pepin Elysée

- le 26 juillet 1996 M. Gobeaut

- le 13 juillet 1996 M. Oudelet Francis

- le 26 juillet 1996 M. Loizeaux René

- le 20 août 1996 M. Lepage Maurice

- M. Ribero Antoine

- le 26 août 1996 M. Girardot Jacques

- le 13 juillet 1996 M. Dapsence Jean-Marie

- le 14 septembre 1996 M. Nedeau Jean-Michel

- le 22 juillet 1996 M. Lemaitre Jean

- le 16 août 1996 M. Vilain Désiré

- le 12 septembre 1996 M. Lefevre Jean-Luc

- le 14 septembre 1996 M. Lepot Michel

- le 13 juillet 1996 M. Hardy Robert

- le 3 août 1996 M. Fosse Robert

- le 29 août 1996 M. Guy Maurice

- le 26 juillet 1996 Mme Busson Lucie

- le 5 août 1996 Mme Kaiser Georgette

- le 16 août 1996 M. Pechot Pierre

- le 15 juillet 1996 M. Senicourt Gilbert

- le 13 septembre 1996 M. Picard Denis

- le 22 juillet 1996 M. Loisel Christian

- le 16 août 1996 M. Lampereur Maurice

- le 16 août 1996 M. Delflande Pierre

- le 3 août 1996 M. Adam Bernard

- le 26 juillet 1996 Mme Carlier Myriam

- le 8 juillet 1996 M. Dubois André

- le 23 août 1996 M. Bisson Gaston

- le 5 août 1996 M. Lallement Sylvain

- le 26 juillet 1996 M. Marchini Bruno

- le 26 juillet 1996 M. Gonnet Jean

- le 13 juillet 1996 M. Opin André

- le 22 juillet 1996 M. Noel Bernard

- le 13 juillet 1996 M. Journeaux André

- le 5 juillet 1996 M. Majchrzak Patrick

- le 16 août 1996 M. Wolstroff Albert

- le 5 août 1996 M. Gobeaut René

- le 29 juillet 1996 M. Landuyt André

- le 26 juillet 1996 M. Cotte Norbert

- le 26 juillet 1996 M. Marle René

- le 5 juillet 1996 M. Nicolle Alain

- le 15 juillet 1996 M. Beth Bruno

- le 5 juillet 1996 M. Lefranc Serge

à leur domicile, à leur résidence ou à leur lieu de travail, remis à ceux-ci un contrat ne comportant pas la mention de faculté de rétractation, les conditions à exercice de cette faculté et le texte intégral des articles (L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25, L. 121-26 du Code de la consommation) et ne comportant pas la formule détachable destinée à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation,

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-28 du Code de la consommation ,

2) dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, exigé ou obtenu des mêmes personnes, après les avoir démarchées à leur domicile ou par téléphone, directement ou indirectement, une contrepartie ou un engagement, en l'espèce un versement d'acomptes,

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation;

Discussion

A) Sur l'action publique

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de l'Aisne a adressé le 5 mai 1997 un procès-verbal de délits à l'égard de la SA Atout Cuir dont le siège social était à Montbéliard et concernant son magasin sis à Laon.

Le PDG de cette société M. Mario S.

Les agents devaient expliquer le fonctionnement d'un nouveau système de commerce dans le secteur du meuble, utilisé par M. S. Un établissement s'installe dans un site donné pour une durée limitée, en l'occurrence 3 mois (27 juin au 30 septembre 1997). Il pilonne alors la zone de commerce correspondante; en l'espèce il sollicite les personnes par téléphone (technique du " phoning ") à domicile suivi de courriers personnalisés où il est confirmé le gain d'une " superbe boîte à outils " qu'il est nécessaire de venir retirer en couple au magasin; il est également annoncé la possibilité de gagner de superbes lots.

Les personnes appâtées par ce mode d'intervention, lorsqu'elles se présentent au magasin, sont prises en main par une équipe de vendeurs et grâce à scénario bien rodé, les incitent fortement à l'achat en proposant notamment d'importantes remises de prix sur des salons, fauteuils et canapés.

Une fois la zone écrémée, l'établissement ferme et part s'installer dans une autre ville.

L'enquête à laquelle il a été procédé a permis de démontrer que 170 commandes avaient été enregistrée et le chiffre d'affaires réalisé s'est élevé à 3 917 279 F.

Il faut savoir que 25 000 personnes avaient été sollicitées à domicile par téléphone et par courrier, par la SARL Saphir qui avait sous traité une partie des appels à la SARL Lucas.

La première question qui doit être débattue est celle de savoir si ce système de vente est assimilable à une opération de démarchage à domicile au sens de l'article L. 121-21 du Code de la consommation.

La jurisprudence est bien fixée pour dire qu'est soumise à ce texte l'opération consistant à retirer un lot en magasin dès lors que, venu au magasin, le client y a été l'objet d'offres de vente:

Cour d'appel de Paris: 30 janvier 1992

Cour d'appel d'Agen: 18 février 1993

Cour d'appel de Poitiers: 30 juin 1995

Cour d'appel de Rouen: 13 septembre 1995

Cour de cassation: 18 septembre 1995

Cour de cassation: 10 janvier 1996

Monsieur Mario S qui nie les faits a prétendu qu'en réalité les pratiques commerciales qui ont fait l'objet de condamnations ne sont pas similaires aux siennes et que le texte susvisé ne s'applique pas.

Quant à la deuxième question, elle est relative aux violations des dispositions protectrices des intérêts des consommateurs.

Tout d'abord les bons de commandes des remises aux clients ne contenaient pas les mentions prévues et comprises par l'article L. 121-23 ni le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L. 124-24.

Des acomptes ont été versés en infraction à l'article L. 121-26.

Sur les 170 personnes ayant signé un bon de commande, 90 ont été victimes d'un démarchage à domicile ne respectant pas la législation en vigueur.

Celles-ci avaient versé pour un montant de 653 460 F des acomptes indus.

Les explications formées par Monsieur S aux enquêteurs ne laissaient aucun doute sur le fait qu'il connaissait parfaitement cette réglementation qu'il a sciemment contournée.

Sur ce, LA COUR,

1- Sur l'application de la loi sur le démarchage à domicile (article L. 122-21 du Code de la consommation)

Attendu qu'il ressort d'une jurisprudence bien établie et notamment de celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation (18 septembre 1995 - 10 janvier 1996), qu'en offrant un cadeau par message téléphonique et en demandant à son correspondant de venir au magasin pour le retirer, la société A avait pour seul but d'attirer un client potentiel dans ses locaux afin de l'inciter dans les meilleures conditions à acheter de la même manière que si ce dernier s'était rendu à domicile; que dès lors il y a bien eu une opération de démarchage au sens de l'article susvisé;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écouté l'argumentation soulevée par Monsieur S tendant à dire que cette législation en s'appliquait pas au cas d'espèce;

2- Sur les violations des droits des consommateurs reprochées à Monsieur S

Attendu qu'il est incontestable que le prévenu n'a pas respecté les modalités prévues et imposées par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, relatives au délai de réflexion, au formulaire détachable et a perçu des acomptes en infraction à l'article L. 121-26; qu'il y a bien lieu d'entrer en voie de condamnation à l'égard de Monsieur S;

3- Sur la sanction

Attendu que Monsieur S, averti par l'administration des fraudes de son non-respect des dispositions légales, les a sciemment violées;

Attendu que par son comportement il a gravement porté atteinte à l'ordre public économique tant à l'égard de ses concurrents que vis-à-vis des consommateurs;

Attendu que la sanction prononcée par le tribunal est particulièrement bien adaptée à la situation et qu'il convient de confirmer la décision;

B) Sur l'action civile

Attendu que le préjudice de Bernard Vuillaume, Chrisitan Sinet, Sylvie Bouton, Jacques Gouget, Thérèse Rassemont, Antoine Ribeiro a été parfaitement déterminé par les premiers juges; que dès lors la cour confirme la décision déférée et alloue à Monsieur Vuillaume et Monsieur Sinet la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu que, concernant Monsieur Fabrice Petit, il échet de réformer la jugement et de lui allouer en application de l'article L. 121-31 du Code de la consommation et compte tenu des justificatifs fournis la somme de 6 000 F outre intérêts au taux légal, outre la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu que Monsieur Loisel, n'étant pas appelant, ne peut obtenir aucune somme, sa demande ayant été jugée irrecevable;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de M. S, Maître Guyon, M. Vuillaume, M. Sinet, M. Petit et par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. Beltrami, Mme Bouton, M. Cuvillier, M. Gouget, M. Loisel, Mme Rassemont, M. Ribeiro, Déclare les appels recevables, Sur l'action publique: Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Constate que Mario S est redevable d'un droit fixe de procédure de huit cents F (800 F) auquel est assujetti le présent arrêt: Sur l'action civile: Confirme le jugement déféré en ce qui concerne M. Vuillaume, M. Sinet, Mme Bouton, M. Gouget, Mme Rassemont, M. Ribeiro, M. Loisel. Réforme le jugement et fixe le préjudice de M. Petit à la somme de six mille F (6 000 F), Y ajoutant, Condamne M. Mario S à payer la somme de mille cinq cents F (1 500 F) par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à M. Petit, M. Vuillaume et M. Sinet. Déclare l'arrêt opposable à Maître Guyon és qualité de liquidateur de la société Atout Cuir et fixe le montant des créances des parties civiles aux sommes ci-dessus, Condamne M. S aux dépens.