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Décisions

Cass. crim., 16 octobre 1996, n° 95-84.814

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Perfetti

Avocat :

Me Roger.

TGI Metz, ch. corr., du 9 juin 1994

9 juin 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par A Benoît, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, du 10 mai 1995, qui, pour publicité comparative illicite, l'a condamné à 20 000 F d'amende et a ordonné une mesure de publication. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ; - Et sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation du principe du contradictoire et de l'article 427 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Benoît A coupable de l'infraction de publicité trompeuse, et rejeté le moyen soulevé relatif à la liberté d'expression, et de l'avoir condamné à 20 000 F d'amende ;

" aux motifs que le prévenu soutient que les limites apportées à la publicité comparative par l'article 10 de la loi du 18 janvier 1992 (dispositions reproduites dans les articles L. 121-8 à L. 121-12 du Code de la consommation) seraient contraires au principe de la liberté d'expression posé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est exact que ce texte s'applique aux informations d'ordre commercial, et que, dès lors, le tribunal a cru pouvoir en faire état pour fonder sa décision de relaxe ; mais attendu que cette motivation est erronée et procède d'une analyse incomplète de l'article 10, dont l'alinéa 2 est presque totalement occulté par le jugement entrepris, qui se borne à évoquer, pour l'écarter, la limitation motivée par le souci d'éviter la divulgation d'informations confidentielles ; que l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui insiste sur le lien entre droit et devoir entre liberté et responsabilité, y puise la justification des restrictions qu'il pose au principe proclamé par le premier alinéa du même article, selon l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que " l'exercice de ces libertés peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui " ; qu'il en est ainsi en l'espèce, puisque les conditions auxquelles est soumise la publicité comparative en droit interne français, sont destinées à protéger les droits de la réputation des concurrents potentiels c'est-à-dire autrui en l'occurrence la SARL " Aldi Marché ", qui avait d'ailleurs déposé plainte ;

" alors que la cour ne pouvait relever un moyen qui ne se trouvait pas dans les débats ni dans les conclusions de l'intimé sans l'inviter, même oralement, à présenter ses observations, qu'en ne précisant pas quels moyens avaient été développés dans le réquisitoire du substitut général, qu'en l'absence de note d'audience tenue par le greffier ou de tout autre élément de nature à déterminer si les moyens soulevés par la cour avaient pu être discutés contradictoirement, la cour n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, que, ce faisant, la cour a violé les principes précités " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le prévenu, poursuivi pour publicité comparative illicite, a excipé, devant les juges du fond, de l'incompatibilité de la législation applicable avec l'article 10, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour rejeter cette exception, la juridiction du second degré, se fondant sur les dispositions de l'article 10, 2, de la Convention, énonce que la réglementation de la publicité comparative constitue une mesure nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, justifiant une restriction à la liberté d'expression ;

Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel n'a ni méconnu le principe du contradictoire ni porté atteinte aux droits de la défense; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 485 du Code de procédure pénale et d'un manque de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 18 janvier 1992 :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Benoît A coupable de l'infraction de publicité trompeuse, de l'avoir condamné à une amende de 20 000 F ;

" aux motifs qu'il résulte d'un procès-verbal établi le 17 mai 1993 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, et relatant des constatations faites le 7 mai 1993 qu'à l'occasion d'une opération dénommée " le prix le plus bas " réalisée entre le 4 février et le 7 mars 1993, 7 affiches ont été exposées dans le magasin X de Sarrebourg, dont Benoît A est le directeur ; que les affiches mentionnaient les désignations et le prix de 30 produits " X ", au regard desquels étaient indiqués les prix correspondants d'un concurrent local " Aldi Marché ", dont la plainte du 24 février 1993 avait provoqué l'intervention de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes ; que la publicité comparative a été soumise à certaines conditions par la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 ; que, lorsque la comparaison porte sur les prix, la loi exige qu'il s'agisse de produits identiques vendus dans les mêmes conditions ; qu'il résulte tant des constatations du procès-verbal de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que de celles de Me Metzger, huissier de justice (constat du 5 mars 1993), que l'ensemble de ces conditions, à l'exception d'une, n'était pas respecté ; qu'en outre, que l'annexe 6 du procès-verbal de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (D 15) dresse une liste de produits vendus par les 2 distributeurs et repris par les affiches ; qu'il apparaît que les produits de même nature n'avaient pas la même origine et ne sont pas " identiques " ;

" alors que la cour d'appel ne pouvait appliquer les dispositions de l'article 10 de la loi du 18 janvier 1992 aux termes desquelles la publicité comparative doit porter sur les produits identiques pour sanctionner la publicité réalisée en affirmant que les produits n'étaient pas identiques, dès lors que l'affiche incriminée ne mentionnait aucune marque, et que la cour ne relevait pas les éléments de preuve permettant d'affirmer que les produits comparés n'étaient pas de marque identique, qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 10 de la loi précitée et violé l'article 485 du Code de procédure pénale " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au cours d'une opération commerciale organisée en 1993 dans un magasin à grande surface X, dénommée " le prix le plus bas ", des affiches, mettant en comparaison les prix d'une trentaine d'articles offerts à la vente avec ceux pratiqués par un magasin concurrent Aldi, ont été apposées dans les rayons de l'hypermarché ; que Benoît A, directeur de l'établissement, est poursuivi pour avoir procédé à une publicité comparative en méconnaissance des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation, délit réprimé par l'article L. 121-14 de ce Code ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction, les juges relèvent que, contrairement aux prescriptions légales, les produits dont les prix étaient comparés n'étaient pas identiques quant à leur marque ou leur origine; qu'ils énoncent que les affiches ne précisaient pas la durée pendant laquelle étaient maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur; qu'ils ajoutent que le prévenu s'est abstenu de communiquer, préalablement à sa diffusion, l'annonce comparative au professionnel visé ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.