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Décisions

Ministre de l’Économie, 7 novembre 2002, n° ECOC0300167Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Uralita

Ministre de l’Économie n° ECOC0300167Y

7 novembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dossier déclaré complet le 3 octobre 2002, vous avez notifié la prise de contrôle des activités de fabrication et de commercialisation de matériaux d'isolation ainsi que d'ingénierie en matière de planification de sites de production de matériaux d'isolation du groupe allemand Pfleiderer par le groupe espagnol Uralita.

I. - les parties et l'opération

Le groupe Uralita comprend plus de 50 sociétés présentes en Europe, aux USA, au Brésil et en Australie. Le groupe est contrôlé par la société Uralita, société anonyme de droit espagnol cotée aux bourses de Madrid, Barcelone et Valence. L'intégralité du capital de la société Uralita est réparti dans le public et aucun des cinq actionnaires détenant plus de 5 % du capital n'est en mesure de contrôler, individuellement ou conjointement, la société Uralita.

Le groupe Uralita est actif dans le secteur des matériaux de construction et dans le secteur de la chimie. L'activité est répartie en 7 divisions correspondant aux différents matériaux fabriqués : matériaux d'isolation, toitures et tuiles, couvertures et panneaux de façades, céramique et sanitaire, tuyauterie, plâtre, et enfin chimie. En 2001, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 1 120 millions d'euros. En France, les activités du groupe sont principalement exercées au travers des divisions isolation, tuyauterie, couvertures et panneaux de façades. En matière d'isolation, l'activité du groupe Uralita en France s'exerce par l'intermédiaire de la société Poliglas SA qui contrôle les deux sites de fabrication de produits isolants situés à Beaucaire (Sud de la France) et à Saint-Avold (Nord-Est). Le chiffre d'affaires réalisé en France s'est élevé en 2001 à [>15] millions d'euros.

Le groupe Pfleiderer est pour sa part contrôlé par la société Pfleiderer AG, société anonyme de droit allemand cotée à la bourse de Francfort. Traditionnellement présent dans le secteur du bois, le groupe Pfleiderer a développé ses activités dans d'autres matériaux de construction comme les matériaux d'isolation, les portes et fenêtres, les infrastructures (pylônes, éoliennes, traverses de chemins de fer, infrastructures pour les communications téléphoniques et la distribution d'énergie) et les panneaux mélaminés et stratifiés. Le groupe ne possède aucun site de production en France. Toutefois, les produits fabriqués par le groupe Pfleiderer sont commercialisés en France par la filiale française du groupe, la société Pfleiderer France SA.

Les ventes en France réalisées par la société Pfleiderer France SA, seule entité à exercer une activité en France, se sont élevées à [>15] millions d'euros.

L'opération envisagée consiste pour la société Uralita à prendre le contrôle de l'ensemble des activités de fabrication et de commercialisation de matériaux d'isolation ainsi que d'ingénierie en matière de planification de sites de production de matériaux d'isolation du groupe Pfleiderer. L'opération comprend ainsi la prise de contrôle de 20 sociétés du groupe Pfleiderer, notamment de la société Pfleiderer France SA par acquisition de 100 % de ses titres, cette société étant la seule qui exerce une activité en France. Les parties ont précisé que cette dernière ne poursuivra pas la distribution de produits autres que matériaux d'isolation (notamment les produits " infrastructures " et " produits stratifiés et mélaminés ") fabriqués par le vendeur. Les produits d'isolation Pfleiderer, vendus en France sous la marque Ursa, sont fabriqués dans des usines situées en Belgique et en Allemagne.

Compte tenu de ces éléments, l'opération constitue bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du du Code de commerce. Cette opération est contrôlable, dans la mesure où les chiffres d'affaires ci-dessus précités dépassent les seuils prévus à l'article L. 430-2 du même du Code.

II. - les marchés concernés

1. Le marché de produits

Les parties à l'opération sont toutes deux présentes dans les secteurs de la fabrication de matériaux d'isolation. Les groupes Uralita et Pfleiderer ne réalisent aucune vente directe aux consommateurs des matériaux qu'ils fabriquent. Leurs produits sont distribués par des grossistes dont le métier consiste à proposer à leur clientèle (professionnels du bâtiment ou bricoleurs lourds) un assortiment de gammes de matériaux de construction.

En premier lieu, les matériaux d'isolation regroupent les laines minérales (laine de verre et laine de roche) et les mousses plastiques (le polystyrène expansé (PSE), le polystyrène extrudé (XPS) et le polyuréthane (PUR). Dans sa décision BPB/Isover (cf. note 1) la Commission a considéré que ces différents matériaux étaient interchangeables dans la grande majorité des applications et qu'en conséquence le marché pertinent était celui des isolants comprenant à la fois les laines minérales et les mousses plastiques.

Les parties à l'opération ne sont simultanément actives en France que sur le segment relatif à la fabrication et commercialisation de laine de verre. Toutefois, la question d'une délimitation plus fine du marché des matériaux d'isolation, en fonction du matériau utilisé, peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la dimension produit retenue, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

En second lieu, il convient de s'interroger sur une délimitation plus fine du marché selon le canal de distribution. Le groupe Uralita est fournisseur en produits isolants des enseignes nationales ([...]), des groupements d'achats nationaux ([...]) ou multirégionaux ([...]), des négociants indépendants, ainsi que des grandes surfaces de bricolage ([...]). Les produits d'isolation Pfleiderer sont quant à eux distribués par l'enseigne nationale Pinault Bois & Matériaux et par les groupements d'achats multi-régionaux précités.

Ces catégories d'intermédiaires diffèrent seulement en raison de leur taille et de leur implantation plus ou moins étendue sur le territoire français. Aucun d'entre eux ne constitue un débouché spécifique pour les fabricants de produits isolants. Il n'y a donc pas lieu de considérer que chacune de ces catégories constitue une demande distincte.

En conséquence, le marché concerné est donc celui de la fabrication et de la commercialisation de matériaux d'isolation.

2. La dimension géographique du marché concerné

La décision précitée de la Commission considère que la dimension géographique du marché des matériaux d'isolation ne peut être mondiale, mais au plus européenne.

En effet, la Commission a souligné que les matériaux d'isolation peuvent être adaptés aux différentes spécificités nationales à un coût qui n'empêche pas un commerce intracommunautaire rentable.

En l'espèce, les centres de production du groupe Uralita sont situés dans le Sud (Beaucaire) et dans le Nord-Est (Saint-Avold) de la France. Ils desservent la totalité du territoire français. Les sites de production des matériaux d'isolation Pfleiderer commercialisés en France se situent en Belgique et en Allemagne et ces produits sont également distribués sur l'ensemble du territoire français. Toutefois, la question d'une délimitation plus large ou plus restreinte que la dimension nationale peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation géographique retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. - l'analyse concurrentielle

Sur le plan européen, les parties estiment que les groupes Pfleiderer et Uralita se placent respectivement au cinquième rang ([0-10] %) et au sixième rang ([0-10] %) des ventes totales de matériaux d'isolation. L'opération leur permettrait de passer à la troisième place ([0-10] %) devant Paroc ([0-10] %) et derrière Isover/Saint-Gobain ([20-30] %) et Rockwool ([10-20] %).

Sur le plan français, Uralita, via sa filiale Poliglas, réaliserait environ [0-10] % des ventes de matériaux d'isolation, tandis que Pfleiderer en réaliserait [0-10] %. La nouvelle entité atteindrait donc [10-20] % des ventes en France, devant Rockwool ([0-10] %), mais loin derrière Isover/Saint-Gobain ([30-40] %).

Si l'on ne considère que les ventes de laine de verre en France, les parties estiment qu'elles réaliseront ensemble [20-30] % des ventes, toujours loin derrière Isover ([50-60] %) et juste devant Rockwool ([10-20] %).

En tout état de cause, quelle que soit la délimitation géographique retenue, Isover demeure un concurrent particulièrement puissant. Ce dernier est adossé à un groupe industriel de taille qui dispose d'un outil de production réparti sur toute l'Europe, en particulier en Europe du Nord. Isover/Saint-Gobain possède également en France des usines de fabrication de matériaux isolants à la frontière belge, en Bourgogne, dans le Sud et dans l'Ouest du territoire. Les parties à l'opération font valoir en outre que le groupe Isover/Saint-Gobain détient les principaux brevets relatifs à la fabrication des matériaux de construction, ce qui le place en position de force sur le marché.

Les matériaux fabriqués par Isover sont distribués en France en premier lieu par le biais d'un réseau intégré de points de vente de proximité (Point P), dont le maillage permet d'assurer l'écoulement régulier des produits Isover sur l'ensemble du territoire. Les filiales étrangères de Saint-Gobain permettent également de distribuer aisément les produits Isover dans les pays limitrophes. Ils sont en outre largement distribués par les négociants clients des parties à l'opération. La nouvelle entité issue de la présente opération demeurera par conséquent exposée à une forte concurrence, tant sur le plan national que sur le plan européen.

L'instruction permettant de conclure que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, je vous informe que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) Aff. M. 735, BPB/Isover du 3 juillet 1996.