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Décisions

Ministre de l’Économie, 20 mars 2003, n° ECOC0300183Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Feu Vert

Ministre de l’Économie n° ECOC0300183Y

20 mars 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dossier déclaré complet le 14 février 2003, le projet de prise de contrôle de l'activité des centres-autos Carrefour par la société Feu Vert a été notifié.

I. - LES PARTIES ET L'OPÉRATION

La société Feu Vert est une société anonyme de droit français dont 62 % du capital social est détenu par la société holding Cofidim, filiale à 100 % du groupe Monnoyeur. Le groupe Monnoyeur est contrôlé par la société holding Monnoyeur SCA, elle-même détenue à 100 % par des personnes physiques issues de la famille Monnoyeur. Le groupe Monnoyeur est actif dans la distribution et l'entretien de matériel de travaux publics (groupe Bergerat-Monnoyeur), la distribution, la maintenance et la location de groupes électrogènes et l'installation de centrales électriques (groupe Eneria), la distribution, l'entretien et la location de chariots élévateurs et matériels de manutention (groupe Aprolis), la distribution de biens d'équipements, véhicules utilitaires et agricoles (groupe Magellan), la création, le développement et la distribution de pièces et accessoires pour automobilistes, motocyclistes et cyclistes (groupe Impex) et enfin dans l'entretien automobile et la distribution de pièces de rechange et d'accessoires en centres de réparation (groupe Feu Vert). L'ensemble du groupe Monnoyeur a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 1,635 milliard d'euros en 2001, dont 1,4 milliard d'euros en France.

Le solde du capital de la société Feu Vert SA (38 %) est détenu par la société Casino Guichard Perrachon, filiale du groupe Casino, lui-même contrôlé par le groupe Rallye. Selon les parties, le contrôle de la société Feu Vert est exercé exclusivement par le groupe Monnoyeur. Toutefois, le pacte conclu entre les deux actionnaires comporte une clause disposant que [...]. Il en ressort que le groupe Casino dispose d'un droit de veto concernant certaines décisions stratégiques pour la conduite de la société Feu Vert.

Or, la communication de la Commission relative à la notion de concentration (cf. note 1) au sens du Règlement n° 4064-89, précise qu'" il y a contrôle en commun lorsque les actionnaires (les entreprises fondatrices) doivent s'entendre sur les grandes décisions concernant l'entreprise contrôlée (l'entreprise commune). Il y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise ". La même communication indique également que " par influence déterminante, on entend habituellement le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise ". En l'espèce, le droit de veto dont dispose le groupe Casino est susceptible de lui conférer un contrôle de droit sur la société Feu Vert SA, quand bien même ce droit n'ait encore jamais été exercé en fait.

Cependant, au cas présent, il n'est pas nécessaire de trancher la question d'un éventuel contrôle conjoint du groupe Casino (cf. note 2) et du groupe Monnoyeur sur le groupe Feu Vert dans la mesure où, en tout état de cause, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

La présente opération porte sur l'ensemble des centres-autos actuellement exploités par le groupe Carrefour. Ces derniers ont réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 120 millions d'euros, entièrement sur le territoire français. L'opération consiste en la cession par le groupe Carrefour de 100 % des titres de la société Covicar 3, qui détient les fonds de commerce de 54 centres-autos (cf. note 3), et en la mise en location gérance du centre-auto de Montesson au profit de la société Feu Vert SA.

L'opération entraîne par conséquent la prise de contrôle par le groupe Feu Vert de 54 centres-autos du groupe Carrefour. A ce titre, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Pour ce qui est du centre-auto de Montesson, la question de la nature du contrôle qu'y exercera Feu Vert (cf. note 4) peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions relatives à la contrôlabilité de l'opération dans son ensemble et à l'analyse concurrentielle demeureront inchangées. Compte tenu des chiffres d'affaires précités cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.

II. - LES MARCHÉS CONCERNÉS

1. Les marchés de produits et de services concernés

Les centres-autos Carrefour et les centres-autos du groupe Feu Vert sont présents simultanément sur le même secteur d'activité. Leurs prestations consistent à effectuer des opérations d'entretien et de réparations légères sur tout véhicule automobile (vidanges, changement de pneumatiques, contrôle et monte des amortisseurs, changement des freins, forfaits entretien, contrôle et changement des courroies, remplacement des filtres à air, etc.) et à distribuer des pièces détachées (pièces techniques, batteries, balais d'essuie-glaces, etc.) ainsi que des accessoires automobiles (autoradios, housses, sièges enfants, etc.) au consommateur final.

Les parties sont donc simultanément présentes, en tant qu'acheteurs, sur les marchés amont de l'approvisionnement en pièces détachées (i) et sur les marchés aval de l'entretien et de la réparation légère, d'une part, et de la vente au détail de pièces détachées et d'accessoires automobiles, d'autre part (ii).

(i) Les marchés amont de l'approvisionnement en pièces détachées et accessoires automobiles

Selon le nouveau Règlement communautaire " distribution automobile " n° 1400-2002 (cf. note 5), les pièces détachées de rechange et accessoires automobiles sont regroupées dans différentes catégories de produits. Le règlement distingue tout d'abord les pièces d'origine qui sont les pièces fabriquées par le constructeur automobile lui-même ou pour son compte ou par des équipementiers fabricants spécialisés en pièces détachées selon les spécifications et les normes de production fournies par le constructeur. Il distingue ensuite les pièces de qualité équivalente qui ne sont pas fabriquées sur la chaîne d'origine mais dont les composants sont de qualité équivalente ou supérieure. Les autres pièces détachées de rechange constituent une troisième et dernière catégorie. Les accessoires automobiles ne sont quant à eux pas considérés comme des pièces détachées mais comme " les produits qui ne sont pas indispensables à l'utilisation du véhicule automobile en question, tels qu'un poste de radio, lecteur de CD, dispositif mains libres pour téléphone portable, système de navigation ou porte-bagages. Toutefois, si ces produits sont montés sur le véhicule neuf au niveau de la chaîne de fabrication et intégrés avec d'autres pièces ou systèmes du véhicule, ils deviennent des composants de ce véhicule et les pièces nécessaires pour les réparer ou les changer sont des pièces de rechange (par exemple les commandes de la chaîne hi-fi intégrées au volant de la voiture) " (cf. note 6). Un même produit peut donc se voir qualifié de pièce détachée ou d'accessoire selon qu'il a ou non été intégré lors de la première monte du véhicule. La distinction entre les pièces détachées et les accessoires est donc particulièrement ténue.

L'offre de pièces détachées de rechange émane des constructeurs automobiles (pièces d'origine) et des équipementiers (pièces d'origine, pièces de qualité équivalente et autres pièces). L'offre d'accessoires émane généralement d'autres fabricants. Certains fabricants peuvent néanmoins fabriquer aussi bien des pièces détachées que des accessoires automobiles. C'est notament le cas du groupe Monnoyeur qui est également présent en tant qu'offreur en matière d'approvisionnement en pièces détachées et accessoires automobiles, par l'intermédiaire de sa filiale Impex qui fabrique des balais d'essuie-glace, des tapis, des barres de toit et accessoires de portage, des filtres à huile, des plaquettes de freins, des haut-parleurs, des produits d'entretien, des ampoules et autres produits électriques.

La demande de pièces détachées et d'accessoires automobiles émane quant à elle des différents opérateurs présents sur le marché de la distribution de pièces, à savoir les groupements d'achats (Autodistribution, Groupe 3G, Starexcel, etc.), les grossistes (distributeurs-stockistes auxquels s'adresseront ensuite les petits opérateurs tels que les mécaniciens-réparateurs automobiles, les garages indépendants ou les stations-services) ainsi que les centres-autos et les réseaux constructeurs. Ces différents réseaux de distribution entrent donc en concurrence lors de l'achat de gammes de pièces et d'accessoires automobiles.

Compte tenu de ces éléments, une segmentation des marchés de l'approvisionnement en fonction des quatre catégories définies par le Règlement 1400-2002 (pièces d'origine, pièces de qualité équivalente, autres pièces de rechange et accessoires) pourrait être envisagée. Une segmentation encore plus fine des marchés pourrait également être retenue en distinguant autant de marchés que de types de pièces et accessoires non substituables.

Il n'est pas toutefois nécessaire en l'espèce de délimiter les marchés de l'approvisionnement en fonction de chaque catégorie de pièces ou de chaque pièce en elle-même, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

(ii) Le marché aval de l'entretien et de la réparation légère et de la vente au détail de pièces détachées et accessoires automobiles

Le réseau Feu Vert se compose de 251 centres-autos répartis sur le territoire français. L'opération porterait le nouvel ensemble à 306 centres, soit environ 27 % du total des centres-autos qui proposent la même gamme de prestations en France. Le premier concurrent direct, Norauto, représente 165 centres-autos (14,8 %), devant Stationmarché (14 %), FAP (9,9 %), Maxauto (6,6 %). Neufs autres réseaux de centres-autos et 90 centres indépendants se partagent le solde des centres-autos recensés en France.

Compte tenu de la spécificité de l'offre des centres-autos, la question de savoir si l'ensemble des prestations offertes par les centres-autos constitue un marché distinct peut être soulevée. Toutefois, en matière de réparation automobile et de distribution de pièces détachées et accessoires automobiles, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence françaises et communautaire a eu l'occasion de distinguer trois marchés pertinents (cf. note 7) : la réparation lourde, l'entretien et la réparation légère et la vente au détail de pièces détachées et d'accessoires automobiles.

Tout d'abord, la réparation lourde doit être distinguée de l'entretien/réparation légère. En effet, en cas de panne du véhicule, seuls les mécaniciens-réparateurs automobiles et les concessionnaires offrent des prestations de dépannage et effectuent des réparations lourdes. Les centres-autos n'interviennent donc pas sur ce marché.

En matière d'entretien et de réparation légère, les centres-autos entrent en concurrence avec les mécaniciens-réparateurs, les chaînes spécialisées (Midas, Speedy, Point S) qui ont diversifié leur activité sur l'ensemble des opérations d'entretien (vidanges, remplacement de pots d'échappement, batteries, bougies, amortisseurs, etc.), ainsi que certaines chaînes de réparation rapide mises en place par des constructeurs (Renault Minute, par exemple) dont l'objectif est de fidéliser la clientèle sur les véhicules de moins de cinq ans.

Enfin, l'activité de vente au détail de pièces détachées et d'accessoires porte sur toute une gamme de produits. Dans cette activité, les centres-autos entrent en concurrence avec les grandes surfaces alimentaires (rayon automobile, pour les consommables et les produits d'entrée de gamme ainsi que pour de nombreux accessoires automobiles), quelques points de vente spécialisés dans la vente de pièces détachées et accessoires automobiles (grossistes qui effectuent une part de vente au détail, garages indépendants), les stations-services (consommables), et les " réseaux constructeurs " incluant succursales et concessionnaires des constructeurs automobiles (pour les pièces d'origine principalement, à ce jour).

Dans cette perspective, les marchés de produits et services concernés en premier lieu par la présente opération sont donc les marchés de l'entretien et de la réparation légère, d'une part, et de la vente au détail de pièces détachées et accessoires automobiles, d'autre part.

2. La dimension géographique des marchés concernés

(i) La dimension géographique des marchés de l'approvisionnement

En ce qui concerne le marché de l'approvisionnement en pièces détachées et accessoires automobiles, la pratique décisionnelle de la Commission a indiqué, dans la décision Butler Capital/CDC/Axa/Finauto/Autodistribution/Finelist précitée, que le marché de la fourniture de pièces détachées et accessoires automobiles de remplacement " présente, en principe, une dimension géographique européenne dans la mesure où il n'existe pas de barrières techniques ou douanières intra-communautaires de ces produits et les coûts de transport ne font pas obstacle à une concurrence entre fournisseurs au niveau européen ". La Commission a néanmoins laissé la question de la délimitation géographique de ces marchés ouverte. En tout état de cause, il n'est pas non plus nécessaire de trancher cette question au cas d'espèce dans la mesure où, même si l'on considère que les marchés de l'approvisionnement sont nationaux, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

(ii) La dimension géographique des marchés de l'entretien et de la réparation légère et de la vente au détail de pièces détachées et accessoires automobiles

La pratique décisionnelle précitée des autorités de concurrence a reconnu que les marchés de l'entretien et de la réparation légère et de la vente au détail de pièces détachées et accessoires automobiles pouvaient être considérés comme locaux, tout en laissant la question ouverte. Les parties partagent cette opinion et considèrent que les marchés concernés s'étendent sur un rayon allant de 6 kilomètres maximum en zone fortement urbanisée (région parisienne notamment) à 15 kilomètres maximum en zone rurale, sachant que le trajet que sont prêts à effectuer les clients ne doit pas dépasser vingt minutes en voiture. Le test de marché effectué a permis de confirmer cette affirmation. En l'espèce, l'analyse porte donc sur chacune des zones de chalandise des 55 centres-autos objets de l'opération.

III. - L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

1. Sur les marchés de l'approvisionnement

Le montant cumulé des achats des parties à l'opération a atteint, en 2002, environ [...] millions d'euros. En l'absence de statistiques précises sur le montant des achats de pièces détachées et accessoires automobiles effectués par les différents réseaux de distribution auprès des constructeurs, équipementiers et autres fabricants, il n'est possible d'apprécier le poids que représente la nouvelle entité en termes d'achats sur les marchés amont de l'approvisionnement qu'en examinant sa part dans les ventes de pièces détachées de rechange et d'accessoires en aval.

Selon les estimations de la partie notifiante, le montant total de ventes de pièces détachées de rechange et d'accessoires automobiles au détail (hors main d'œuvre) aurait atteint sur le plan national environ 10,9 milliards d'euros en 2001. Parmi les différents réseaux de distribution des pièces détachées et accessoires automobiles, l'ensemble des centres-autos aurait représenté, au 1er janvier 2002, 11 % des ventes, derrière les réseaux constructeurs (31,6 %) et les garagistes traditionnels (20,9 %). Les ventes réalisées par Feu Vert auraient atteint une part de 0,6 % du montant total de ces ventes et celles des centres-autos Carrefour 0,12 %. Compte tenu du poids que représente le réseau de distribution du nouvel ensemble sur le marché aval, force est de constater que ce dernier ne disposera pas d'une puissance d'achat susceptible de porter atteinte au fonctionnement des marchés amont de l'approvisionnement, quelle que soit la dimension retenue.

Sur le plan vertical, il convient de prendre en considération le fait que le groupe Monnoyeur est également présent en tant que fournisseur de pièces détachées et d'accessoires automobiles par le biais de sa filiale Impex. Toutefois, le chiffre d'affaires d'Impex n'a atteint que [...] millions d'euros lors du dernier exercice clos. Il ne représente par conséquent qu'un acteur marginal en matière de fourniture de pièces détachées et accessoires automobiles. Les ventes d'Impex auprès du groupe Feu Vert et des centres-autos Carrefour n'ont représenté respectivement que [0-10] % et [0-10] % de son chiffre d'affaires, ses principaux clients étant les hypermarchés et les supermarchés. Compte tenu du faible poids que représente Impex en matière d'approvisionnement en pièces détachées et accessoires automobiles et du fait que les réseaux de distribution combinés des parties à l'opération n'absorbent qu'une très faible part de ses ventes, il convient de conclure que l'opération n'emporte pas de modification substantielle sur le fonctionnement des marchés amont et aval de la distribution de pièces détachées et d'accessoires automobiles.

2. Sur les marchés de l'entretien et de la réparation légère et de la vente au détail de pièces et accessoires automobiles

Sur les 55 zones de chalandise correspondant aux 55 centres-autos Carrefour objets de l'opération, 26 zones ne présentent aucun chevauchement d'activité avec les centres-autos Feu Vert.

Sur les 29 zones où les activités des parties se chevauchent, il est impossible de connaître les montants en valeur ou en volume des marchés concernés, dans la mesure où les données disponibles ne sont pas suffisamment précises à un niveau local aussi fin. Une autre méthodologie doit donc être mise en œuvre pour mener l'analyse concurrentielle.

A titre liminaire, on notera qu'une analyse en termes d'effets unilatéraux semble devoir être écartée si l'on tient compte du fait que, selon les termes de la notification, les centres-autos Carrefour " doivent progressivement être exploités sous l'enseigne Feu Vert " et que le protocole signé entre les parties précise que le changement d'enseigne devra être réalisé dans les trente jours suivant la reprise de chacun des centres-autos. Il y donc peu de chances que deux centres-autos d'une même enseigne et relativement proches géographiquement pratiquent des prix substantiellement différents au risque de compromettre la cohésion du réseau aux yeux de la clientèle.

Si l'on mène une analyse en termes de position dominante, il faut noter que, sur 11 des 29 zones où les activités des parties à l'opération se chevauchent, plusieurs centres-autos appartenant à des réseaux concurrents (deux enseignes au moins) sont également présents. Sur ces 11 zones, on peut conclure que les parties seront directement confrontées à des concurrents présentant une offre similaire. Sur ces 11 zones, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Sur 13 zones, les parties ne seront confrontées qu'à une seule enseigne de centres-autos concurrente. La création ou le renforcement d'une position dominante simple peuvent être exclus dans la mesure où la nouvelle entité demeurera confrontée à la pression concurrentielle d'un concurrent similaire et de nombreux autres substituts imparfaits tels que mécaniciens-réparateurs, garages, centres spécialisés, concessionnaires et distributeurs de pièces détachées et accessoires automobiles. Une analyse en termes de position dominante collective sur les marchés de l'entretien et de la réparation légère et de la vente au détail de pièces détachées et accessoires automobiles doit par ailleurs être menée, afin d'écarter le risque d'un équilibre collusif. En l'espèce, si les critères de transparence du marché et de faible élasticité des prix (la demande est surtout sensible à la proximité, la rapidité et la disponibilité des opérateurs plutôt qu'au prix) semblent être remplis, celui des possibilités de rétorsion en cas de déviation est plus difficile à démontrer car les centres-autos concurrents ne sont pas nécessairement adossés à de puissants groupes industriels ou de distribution capables de supporter une guerre des prix. En outre, les centres-autos sont souvent exploités par des franchisés, qui ont des stratégies de maximisation individuelle de leur profit. S'agissant des barrières à l'entrée, l'analyse est nuancée. On peut relever d'une part que l'activité ne nécessite pas d'investissements très élevés et que le règlement communautaire 1400-2002 a notamment pour objet de favoriser le développement de la filière indépendante de distribution des pièces détachées. A contrario, on relève la nécessité d'obtenir l'accord d'une ouverture au public de la commission communale de sécurité et, dans certains cas, un accord de la CDEC (Commission départementale d'équipement commercial) pour ouvrir une nouvelle surface. En outre, l'implantation à proximité des flux de trafic générés par les grandes surfaces alimentaires semble constituer un avantage concurrentiel non négligeable.

En tout état de cause, il convient de constater la présence de nombreux substituts, même imparfaits, qui exercent une pression concurrentielle forte, ce point ayant été fréquemment mis en avant par les enseignes de centres-autos ayant répondu au test de marché, que sont les mécaniciens-réparateurs, les distributeurs de pièces détachées et les concessionnaires, même si ces derniers n'exercent qu'une concurrence partielle, puisque spécialisée par marque. Toutefois, compte tenu de l'intensité de la concurrence inter marques en matière automobile, et compte tenu du maillage territorial des marques Renault, Peugeot et Citroën, qui représentent ensemble environ 60 % du marché de la vente de véhicules neufs en France, la pression concurrentielle exercée par les concessionnaires semble pouvoir être prise en compte. On pourrait certes faire valoir que l'offre de pièces des concessionnaires et des autres fournisseurs est différenciée, dans la mesure où, à ce jour, les concessionnaires proposent quasi-exclusivement des pièces d'origine, au sens du règlement 1400-2002, tandis que les autres fournisseurs proposent plus des pièces dites de qualité équivalente, moins onéreuses mais non revêtues de la marque du constructeur ou de l'équipementier d'origine. Toutefois, le règlement précité pourrait avoir pour effet d'estomper progressivement cette distinction, la possibilité pour les concessionnaires de proposer des pièces de qualité équivalente en complément des pièces d'origine étant reconnue par le règlement. En outre, la définition de la notion de pièces d'origine a été précisée, et s'étend désormais clairement aux pièces revêtues de la marque de l'équipementier d'origine, et non seulement aux pièces commercialisées sous la marque du constructeur.

Dès lors, à ce stade de l'analyse, il apparaît que les éléments permettant de démontrer que l'opération pourrait conduire à la création d'une position dominante collective ne sont pas réunis sur aucune des 13 zones concernées en l'espèce.

Enfin, sur les 5 dernières zones concernées par l'opération, les parties ne seront confrontées à aucune enseigne de centres-autos concurrente. Néanmoins, sur le marché de l'entretien et de la réparation légère, d'une part, et de la vente de pièces détachées, d'autre part, elles seront confrontées à la pression concurrentielle d'autres opérateurs.

Sur la zone d'Aix-en-Provence (13) :

Le centre-auto Carrefour se trouve au sud-ouest d'Aix-en-Provence et le centre Feu Vert à quelques kilomètres à peine à l'ouest d'Aix-en-Provence. Les deux centres sont donc relativement proches. Ils sont également situés à proximité de l'agglomération d'Aix-en-Provence, que l'on peut rejoindre en moins de dix minutes. Sur le plan de la réparation, on peut recenser sur l'agglomération d'Aix-en-Provence un grand nombre de réparateurs (plus de trente), dont deux centres Midas et un Point S. Sur le plan de la vente de pièces, on compte également de nombreux concessionnaires (plus de vingt) et six points de vente spécialisés dans la distribution de pièces détachées. On peut noter la présence d'un hypermarché Géant-Casino dans la zone de chalandise susceptible de renforcer la part du nouvel ensemble en matière de vente de pièces détachées et accessoires automobiles, sans perdre de vue que le centre-auto Carrefour est situé sur le parking de l'hypermarché Carrefour.

Sur la zone de Compiègne (60) :

Le centre-auto Carrefour et le centre Feu Vert sont très proches l'un de l'autre, en périphérie ouest de Compiègne. Sur la zone géographique la plus restreinte autour des parties (Jaux, Venette et Compiègne), on compte une vingtaine de garages, ainsi qu'un centre Midas, un centre Speedy, un centre Point S et un centre Renault Minute. On notera également la présence d'une dizaine de concessionnaires et de huit points de vente de pièces détachées et accessoires automobiles.

Sur la zone de Sainte-Luce-sur-Loire (44) :

Le centre-auto Carrefour et le centre Feu Vert sont très proches l'un de l'autre, en périphérie nord-est de la ville de Nantes. Sur la seule agglomération de Sainte-Luce-sur-Loire, on compte déjà quatre garages indépendants, trois concessionnaires et un spécialiste de la vente de pièces détachées (Distribution Auto Pièces). Sur l'agglomération de Nantes, à moins de dix minutes en voiture, on compte également un centre Midas, trois centres Speedy, ainsi que de très nombreux garages (plus de trente), plus de dix concessionnaires dont un qui offre une prestation Renault Minute ou une dizaine de distributeurs de pièces (dont France Auto Pièces).

Sur la zone de Flins-sur-Seine (78) :

Le centre-auto Carrefour est distant de quatre ou cinq kilomètres du centre Feu Vert, situé à Orgeval, dans la direction de Saint-Germain-en-Laye. La zone de chalandise la plus restreinte autour des parties à l'opération est assez urbanisée et compte de nombreux garages (plus d'une vingtaine), des concessionnaires situés à Orgeval, Aubergenville ou Mantes la Ville. On notera la présence de trois distributeurs de pièces détachées et accessoires aux Mureaux (dont Autopièces), distants de cinq kilomètres de Flins-sur-Seine et de treize kilomètres d'Orgeval et que l'on peut rejoindre en moins de quinze minutes à partir de ces deux villes. De même, on relève la présence d'un centre Renault Minute et d'un centre Norauto à Mantes-la-Jolie qui se trouve à vingt et un kilomètres de Flins-sur-Seine et que l'on peut rejoindre en vingt minutes en voiture.

Sur la zone de Carré-Sénart (77) :

Le centre-auto Carrefour est situé à l'ouest de Corbeil-Essonnes et le centre Feu Vert est situé à quelques kilomètre au sud, à Savigny-le-Temple. La zone concernée est également fortement urbanisée et proche de grandes agglomérations que sont Corbeil-Essonnes et Melun, toutes deux à environ dix minutes en voiture. On notera la présence à Melun de deux centres Speedy et Midas, d'un centre Axto, ainsi que celle de huit réparateurs, de cinq concessionnaires et d'un spécialiste de la distribution de pièces et accessoires (Melun Pièces Access). Sur l'agglomération de Corbeil-Essonnes, on compte également un centre Axto, un centre Speedy et un centre Renault Minute, sans compter les nombreux réparateurs (plus de dix), ainsi qu'une dizaine de concessionnaires et trois distributeurs de pièces, dont un centre Autopièces Service et un centre Autodistribution.

Il s'en conclut que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés, aussi bien en matière d'entretien et de réparation légère que de vente au détail de pièces détachées et d'accessoires automobiles, sur ces cinq zones.

Compte tenu de ces éléments, il apparaît que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur aucun des marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché remplacée par une fourchette.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) Voir paragraphes 18 et suivants de la communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.

(2) Le groupe Casino est contrôlé pour sa part par le groupe Rallye, lui-même contrôlé in fine par M. Jean-Charles Naouri. Le groupe Rallye est actif dans la grande distribution via le groupe Casino qui représente l'essentiel de son chiffre d'affaires consolidé (94,3 %), ainsi que la distribution d'articles et de vêtements de sport via le groupe Go Sport et la société Athlete's Foot. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe Rallye s'est élevé en 2001 à 22,8 milliards d'euros, dont 17 milliards en France et 858 millions dans les autres pays européens.

(3) Carrefour reste propriétaire des murs.

(4) L'article L. 144-1 du Code de commerce définit la location-gérance comme étant " tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls ". Bien que le loueur puisse imposer au locataire de veiller à empêcher toute dépréciation, diminution de rendement ou cessation d'exploitation du fonds et que le locataire doive, a priori, sauf disposition contraire, respecter la destination du fonds, il peut être admis que, dans le cadre d'un contrat standard et d'une façon générale, le locataire-gérant contrôle bien la conduite de la stratégie de l'entreprise.

(5) Règlement (CE) 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, JOCE L 203 du 1er août 2002, p. 30 à 41.

(6) Cf. brochure explicative de la Commission :

http//euroa.eu.int/comm/competition/car_sector/explanatory_ brochure-fr.pdf

(7) Lettres d'autorisation Gueudet/Degand du 17 septembre 2002 (en instance de publication) ; GGBA/SNAT du 25 octobre 2002, BOCCRF n° 19 du 31 décembre 2002 ; RFA Nord/VTE Réparation du 8 novembre 2002 (en instance de publication) ; Losange Autos/ Garage du Rempart du 20 novembre 2002, BOCCRF n° 19 du 31 décembre 2002, Autodistribution/groupe Berdah, du 7 mars 2003.

Décisions M. 1526, Ford/Kwik-Fit, du 31 mai 1999 ; M. 1893 Butler Capital/CDC/AXA/Finauto/Autodistribution/Finelist, du 10 avril 2000 ; M. 2087 Feu Vert/Carrefour/Auto Center Delauto, du 11 septembre 2000.