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Décisions

Ministre de l’Économie, 28 mars 2003, n° ECOC0300185Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Mecaplast

Ministre de l’Économie n° ECOC0300185Y

28 mars 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 21 février 2003, vous avez notifié le projet d'acquisition, par la société Mecacorp, d'une partie des actifs de la société Aries SAS ainsi que de certains actifs appartenant aux autres sociétés du groupe Aries.

Cette reprise s'inscrit dans le cadre de la procédure générale de redressement judiciaire ouverte par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 25 novembre 2002.

Mecacorp a remis son offre de reprise le 31 janvier 2003 à l'administrateur judiciaire désigné par le Tribunal de commerce de Paris.

L'administrateur judiciaire a déposé son rapport au greffe du Tribunal de commerce de Paris le 24 février 2003. En application des dispositions de l'article L. 621-57 du Code de commerce, Mecacorp était tenue par cette offre dès cette date et ne pouvait plus la retirer durant une période comprise entre la date de dépôt du rapport de l'administrateur judiciaire et la date du jugement arrêtant le plan de cession, à condition que ce dernier intervienne dans le mois du dépôt du rapport.

En date du 28 février 2003, le ministre a, sur le fondement de l'article L. 430-4 du Code de commerce, accordé une dérogation à la société Mecacorp pour l'autoriser à prendre toutes les mesures de réalisation de l'opération nécessaires à l'exécution du plan de redressement judiciaire prononcé par jugement du Tribunal de commerce de Paris si celui-ci retenait l'offre de reprise de Mecacorp.

Par jugement du 10 mars 2003, le Tribunal de commerce de Paris a retenu l'offre de Mecacorp.

I. - LES PARTIES ET L'OPÉRATION

Mecacorp est une filiale française de Mecaplast, elle-même société de droit monégasque à la tête du groupe Mecaplast-Neyr. Ce groupe (ci-après " Mecaplast ") est un équipementier automobile qui fabrique des pièces en plastique. Mecaplast a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 541 millions d'euros, dont 227,3 millions en France.

Aries SAS est également un équipementier automobile qui fabrique des pièces en plastique et, accessoirement, des pièces qui associent plastique et métal. Aries SAS est détenue par Aries Industries, elle-même détenue par Aries Group qui est la tête du groupe Aries. Aries Industries et Aries Group font également l'objet de la procédure générale de redressement judiciaire évoquée précédemment. Les activités du groupe Aries reprises par Mecaplast (ci-après " Aries ") ont réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total consolidé de 228,2 millions d'euros, dont 225 millions en Europe et 155,4 millions en France.

Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. - DÉFINITION DES MARCHÉS

Mecaplast et Aries fabriquent tous deux des pièces détachées en plastique pour l'industrie automobile.

Il ressort de la pratique décisionnelle du ministre et de la Commission européenne que chaque type de pièce détachée est susceptible de constituer un marché de produits (cf. note 1). La même pratique décisionnelle distingue généralement, d'une part, des marchés de la première monte (OEM - Original Equipment Manufacturer) et des pièces de rechange distribuées par les réseaux des constructeurs (OES - Original Equipment Services) et, d'autre part, des marchés regroupant les pièces de rechange distribuées par des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l'entretien de véhicules (IAM - Independant Aftermarket).

En ce qui concerne la dimension géographique des marchés, la Commission européenne et le ministre ont régulièrement délimité des marchés de dimension au moins communautaire. Le ministre a en effet noté que " ce secteur se caractérise habituellement par l'absence de barrières techniques ou douanières au commerce intra-communautaire et par le fait que les coûts de transport et la gestion des stocks en flux tendus ne font pas obstacle à une concurrence entre fournisseurs au niveau au moins européen, indépendamment de la localisation de leurs unités de production (cf. note 2). En outre, comme les constructeurs automobiles tendent de plus en plus à se fournir sur une base mondiale, la proximité de l'équipementier est un facteur moins déterminant dans le choix d'un fournisseur (cf. note 3) ".

Pour les besoins de la présente décision, il n'est pas besoin de définir et d'examiner les marchés correspondant aux activités pour lesquelles l'opération ne crée pas de chevauchement, dans la mesure où, quelles que soient les définitions de marchés retenues, l'opération ne posera pas de problème de concurrence. On distinguera donc un marché séparé OEM / OES (cf. note 4) pour chaque pièce détachée fabriquée concomitamment par Mecaplast et Aries : (1) pare-boue (ou protections intérieures d'ailes), (2) protections latérales (ceintures de caisse), (3) bas de caisse, (4) becquets, (5) pièces décorées pour planches de bord et panneaux de portes. La question de la délimitation exacte de ces marchés peut cependant rester ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Il sera par ailleurs retenu une dimension européenne pour les cinq marchés de produits définis précédemment.La question d'une délimitation géographique plus large desdits marchés peut être posée mais elle peut rester néanmoins ouverte, car, quelle que soit la délimitation plus large retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. - ANALYSE CONCURRENTIELLE

Les parts de marché en valeur de la nouvelle entité, sur les cinq marchés examinés, sont les suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

Il ressort de l'instruction du dossier que, sur chacun des cinq marchés, il existe des concurrents importants avec des parts de marché très significatives, et tout particulièrement pour le marché des pare-boue, où Mecaplast renforce sa première place (Linpac : 25 % ; Rehau : 10 % ; Maier : 10 % ; Ergom : 8 %). Ainsi, dans une décision récente (cf. note 5), le ministre a constaté que " les concurrents transformateurs de plastique et équipementiers restent nombreux sur les marchés, de taille significative, et pour certains, adossés à de grands groupes ".

Par ailleurs, dans la même décision récente, le ministre a constaté que " les clients, constructeurs de véhicules automobiles, sont concentrés et bénéficient, comme l'ont relevé la Commission et le ministre de l'Economie et des Finances lors des dernières opérations réalisées dans le secteur, d'un très fort pouvoir de négociation.

Ainsi, les procédures d'achat sont caractérisées par un système de référencement avec constitution d'un panel de fournisseurs agréés en fonction notamment de la faculté à répondre aux normes spécifiques adoptées par chaque constructeur. Cet agrément permet aux fournisseurs de postuler aux appels d'offres organisés par les constructeurs. De plus, les groupes de construction automobile achètent principalement les pièces directement auprès des fabricants et s'adressent dans une moindre mesure à des intégrateurs qui assemblent les différents éléments. La politique développée en la matière est caractérisée par la volonté de multiplier les fournisseurs afin, notamment, de garder la maîtrise du prix des pièces fournies. ".

Enfin, le ministre a noté dans la même décision que " les fournisseurs de produits de base tels que le polyamide ou le polypropylène sont également des groupes puissants (Dupont de Nemours, BASF) ".

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il ressort que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés, notamment par création ou renforcement de position dominante au profit de Mecaplast.

Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

NOTE (S) :

(1) Voir par exemple les lettres du ministre : (i) en date du 21 février 2002 au conseil du groupe Mann + Hummel relative à une concentration dans le secteur de l'équipement automobile (BOCCRF n° 15 du 21-10-2002) ; (ii) en date du 9 août 2002 au conseil de la société Matlin Patterson Global Opportunities Partners (Delaware) LP (" GOP ") relative à une concentration dans le secteur de l'équipement automobile (BOCCRF n° 17 du 25-11- 2002).

(2) Affaires n° IV/M.1196 du 24 juin 1998, Johnson Control / Becker et n° IV/M 1462 du 11 mars 1999 TRW/ Lucas Varity.

(3) Lettre du ministre en date du 21 février 2002, précitée.

(4) Seul Mecaplast commercialise, de manière très marginale (chiffre d'affaires de 27 000 euros en 2002), des pièces auprès des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l'entretien de véhicules (IAM).

(5) Lettre du ministre en date du 21 février 2002, précitée.