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Décisions

CA Douai, ch. corr., 22 mai 1968, n° 288

DOUAI

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Huin

Conseillers :

MM. Kleiner, Thill

Avocat :

Me Hug

T. corr. Lille, du 12 févr. 1968

12 février 1968

Les 15 et 16 février 1968 le prévenu et le Ministère public ont relevé appel d'un jugement rendu le 12 février 1968 par le Tribunal correctionnel de Lille.

Par lequel et par les motifs y exprimés, le tribunal a déclaré P Gérard coupable d'infraction à la loi sur les loteries,

Délits commis dans le département du Nord et du Pas-de-Calais en 1965, 1966, 1967,

Prévu et puni par la loi du 21 mai 1836 modifiée par la loi du 18 avril 1924 et l'article 410 du CP et par application des articles précités,

Vu l'article 463 du Code pénal à raison des circonstances atténuantes a condamné : P Gérard à une amende de mille francs, a prononcé la confiscation des trois appareils loteries et du carton comprenant divers objets saisis et déposés au greffe du tribunal de ce siège sous le n° 279 de 1967.

Et aux dépens liquidés à 141,45 F plus 6 F pour droits de poste.

A fixé au minimum la durée de la contrainte par corps ;

LA COUR vidant son délibéré

Statuant en audience publique sur les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public du jugement sus énoncé,

Attendu que les appels sont recevables

1°) En fait

Attendu que le premier juge a dressé des faits de la cause un exposé exact et complet que la cour adopte expressément, en précisant simplement que l'appareil exploité par P, qui rentre dans la catégorie dite " perce-trous ", était toujours placé, dans les salles mêmes des débits, sur les comptoirs à la vue du public ;

2°) En droit

Attendu que P Gérard verse en cause d'appel des conclusions aux fins de relaxe dans lesquelles il développe les mêmes moyens ou arguments précédemment avancés, mais qu'il présente sous une forme légèrement différente ;

Attendu qu'il y insiste essentiellement sur le point suivant : la loi du 21 mai 1836 exigerait, pour qu'il y ait loterie interdite, un enjeu susceptible d'être perdu au profit de joueurs gagnants, le tout avec l'espérance d'un gain disproportionné à la mise, ce qui ne correspondrait pas au cas d'espèce où le mécanisme s'analyse purement et simplement en une vente publicitaire, sur laquelle se greffe, dans certains cas favorables, une véritable libéralité de la part du propriétaire exploitant de l'appareil, seul ainsi à en supporter les frais ;

Attendu en réalité, ainsi que noté dans l'exposé des motifs de la décision entreprise en conformité avec la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que la loi du 21 mai 1836 a entendu prohiber de manière générale toute opération, de quelque dénomination qu'elle soit, offerte au public, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû au hasard ;que tels sont les seuls éléments constitutifs du délit à l'exclusion de tout enjeu véritable ;

Et attendu que, pour mettre à néant l'objection de P - la disproportion du gain eu égard à l'apport - il y a lieu de considérer que c'est précisément pour couper court à un certain flottement jurisprudentiel, dont l'intéressé ne manque pas de se prévaloir, que la loi du 18 avril 1924 a expressément ajouté à l'article 2 de la loi de 1834 qu'il suffisait que le bénéfice soit dû " partiellement " au hasard ;

Attendu encore qu'on ne peut accepter la thèse de P visant à faire admettre qu'il aurait fait à certains " acheteurs " une pure libéralité, les autres obtenant de toute manière un objet correspondant à la somme versée, alors qu'il a dû reconnaître que l'article de pacotille obtenu par chaque client contre la somme de un franc lui revenait à lui-même à trente ou quarante centimes, seuls les lots intéressants - pour lesquels l'accusation a pu sans contradiction adverse avancer que l'on n'avait qu'une chance sur vingt huit de les obtenir - lui coûtant de quinze à seize francs ; que, dans cet ordre d'idées, la qualification appliquée à l'appareil de " vente publicitaire " apparaît comme tout à fait illusoire, l'utilisateur, qui lui ne s'y trompait pas, n'ayant bien évidemment en vue que l'espoir d'un lot sérieux lorsqu'il actionnait le mécanisme ;

Attendu en tout cas que, s'il est exact que la jurisprudence ait traditionnellement exclu de l'application de la loi des " libéralités ", l'on entend par là le seul cas où le joueur, bien qu'il y ait loterie, n'a effectué aucun débours, ni sacrifice pécuniaire, ceci couvrant les opérations de publicité par pure distribution gratuite, d'où il suit que l'on ne peut sérieusement soutenir que tel serait le cas d'espèce où justement le client déclenche l'opération par une pièce de monnaie,

Attendu enfin, que dans ses conclusions, le prévenu tend à soutenir avoir agi de bonne foi avec manque d'intention frauduleuse ;

Mais attendu que l'on s'accorde à considérer que l'infraction à la loi de 1836 constitue un délit contraventionnel, le délinquant étant répréhensible du seul fait de l'organisation en connaissance de cause d'une loterie prohibée ; que, de toute manière, en eut-il été autrement, l'intention coupable au sens où elle est entendue généralement serait amplement caractérisée en fait, P reconnaissant, depuis qu'il a repris l'exploitation des mains de Morali en 1965, se débattre dans des difficultés judiciaires à propos desquelles Morali a été amené à lui fournir quelques décisions jurisprudentielles favorables, et lui-même admettant malgré cette situation avoir continué l'exploitation litigieuse au moins jusqu'à la décision de première instance ;

Attendu en définitive qu'il convient en rejetant les conclusions de la défense de confirmer dans son principe la décision entreprise, y compris le bénéfice des circonstances atténuantes, mais en réduisant le montant de l'amende eu égard aux bons renseignements fournis sur l'intéressé ;

Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme - Reçoit les appels, Au fond - Déclare Gérard P coupable du délit prévu par la loi du 21 mai 1836 modifiée par celle du 18 avril 1924, portant prohibition des loteries et réprimée par l'article 410 du Code pénal, avec circonstances atténuantes ; En conséquence le condamne à une amende ferme de cinq cents francs, Prononce la confiscation des trois appareils de loterie et du carton comprenant divers objets saisis et déposés au greffe du Tribunal de grande instance de Lille sous le n° 279 de 1967 ; Le condamne aux frais de première instance et d'appel, Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.