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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. des urgences, 31 mai 1991, n° 89-7234

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

RL France (Sté)

Défendeur :

Romanelle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge (faisant fonction)

Conseillers :

Mme Pierre-Decool, M. Ancel

Avoués :

Mes Huyghe, Gibou-Pignot

Avocats :

Mes Bernard, Bachelot

T. com. Corbeil-Essonnes, 2e ch., du 7 f…

7 février 1989

Dans des circonstances relatées par les premiers juges, Monsieur Romanelle avait formé opposition à une ordonnance d'injonction de payer une somme de 20 162 F TTC outre les intérêts et les frais.

Par son jugement contradictoire du 7 février 1989 qui a exposé les faits, moyens et prétentions des parties antérieurs la 2e chambre du Tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes a dit bien fondée l'opposition et condamné le créancier RL France, ci-après RL à payer à l'opposant la somme de 3 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens. L'exécution provisoire était ordonnée.

RL a relevé appel par déclaration du 16 mars 1989 et saisi la cour le 17 avril 1989. Monsieur Romanelle a banalement conclu au débouté. RL a conclu à l'infirmation et au paiement, en exécution du contrat du 11 juin 1987 (article 12) de la somme de 20 162 F avec intérêts, d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et des dépens.

Monsieur Romanelle a conclu à la confirmation et subsidiairement à la réduction " au franc symbolique " de la clause pénale et au paiement par RL d'une somme de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et des dépens.

RL a conclu le jour de la clôture " avant audience " pour demander la révocation d'une ordonnance de clôture qui n'était pas encore prise et pour répondre brièvement aux écritures adverses.

RL allègue que les clauses du contrat passé entre professionnels sont " parfaitement valables ", que l'engagement de Monsieur Romanelle était ferme et définitif et que la résolution n'était due qu'au changement d'avis de l'acquéreur du matériel, changement d'avis que RL n'a pas accepté. Monsieur Romanelle ayant expressément souscrit aux conditions générales de vente, il serait débiteur d'une somme de 20 % du prix de vente outre les frais judiciaires et intérêts légaux. D'autre part, Monsieur Romanelle aurait remis, à la commande un chèque d'acompte qui a été rejeté par suite d'opposition du tireur. La résiliation devrait être prononcée aux torts de l'intimé.

Monsieur Romanelle fait au contraire valoir qu'ayant été démarché par un vendeur " habile et peu scrupuleux " il a signé un contrat mais dès le lendemain, il a annulé sa commande et notifié l'annulation à l'organisme qui devait financer un crédit-bail. La commande ne lui a pas été livrée. Il soutient qu'il a retiré son acceptation, sans avoir versé aucun acompte à la commande, dans le délai pendant lequel RL se réservait d'accepter ou refuser la commande et avant que Loca France, qui en a pris acte, ait accordé le crédit-bail. Le contrat n'aurait donc " jamais existé ". Subsidiairement, en n'exigeant aucun acompte RL aurait renoncé à toute indemnité en cas de résiliation et la clause pénale " parfaitement abusive " devrait être réduite conformément à l'article 1152 du Code civil.

Sur ce, LA COUR qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel,

Considérant que le contrat du 11 juin 1987 est passé entre RL et Monsieur Romanelle exerçant le commerce à l'enseigne Loryce Chausseur ; que l'objet du contrat est une " roue de la fortune ", machine née, selon le dossier de presse, de la " rencontre du tarot et de l'informatique " et qui permet, après introduction d'une pièce de monnaie et définition d'un thème général et d'une question particulière d'obtenir " en moins de 5 minutes une réponse... sous la forme d'un ticket imprimé " ; qu'il résulte de la lettre de dénonciation du 12 juin 1987 que Monsieur Romanelle, bien qu'il ne fût pas un professionnel de la divination et de la voyance, avait acquis l'objet à titre professionnel puisqu'il énonçait qu'il devait vendre son commerce et que se " retrouvant sans commerce, cette roue ne pourrait être exploitée mon acheteur n'étant pas intéressé " ; qu'il s'ensuit que la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 qui ne concerne pas les locations ventes pour les besoins d'une activité professionnelle (a. 8-1-E) et la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, qui comporte la même exclusion (article 3) ne sont pas applicables ;

Considérant qu'il résulte d'une mention du contrat figurant immédiatement au dessus de la signature de Monsieur Romanelle sur la première page que la commande est " ferme et définitive " ; que si le chèque de 1 423,20 F ne correspond pas à un acompte puisqu'il résulte des énonciations du contrat qu'il s'agit des " frais de port et de mise en route " à régler à la commande, Monsieur Romanelle ne peut tirer aucun argument du fait qu'aucun acompte n'ait été exigé à la commande ; qu'en effet, l'acquisition étant réalisée par crédit-bail (Loca France) le règlement au vendeur n'incombait pas à Monsieur Romanelle mais à la société qui finançait l'acquisition ;

Considérant que Monsieur Romanelle ne peut pas non plus invoquer les dispositions de l'article 2 du contrat selon lesquelles RL se réserve d'accepter ou non le contrat dans un délai de 30 jours à compter de la signature ; qu'en effet, dans ce contrat conclu entre professionnels de la vente et pour les besoins de la profession, l'engagement ferme et définitif d'acheter peut licitement coïncider avec un engagement conditionnel réservant au vendeur la faculté de vérifier le contrat pendant un délai déterminé ; qu'il n'appartenait pas à Monsieur Romanelle de dénoncer unilatéralement un engagement ferme et définitif ; que Monsieur Romanelle ne peut invoquer le fait que le contrat de crédit-bail n'était pas conclu dès lors que Loca France n'a " classé " le dossier que sur la demande de l'intimé et qu'il résulte du " télex " qu'elle a adressé le 19 juin 1987 à RL qu'elle donnait " son accord de principe " ;

Considérant que Monsieur Romanelle n'allègue pas être victime d'un vice du consentement ;

Considérant que le refus par Monsieur Romanelle de passer le contrat de crédit-bail qui devait assurer le paiement au vendeur de la marchandise commandée s'analyse en un défaut de paiement au sens de l'article 12 du contrat (conditions générales) sur lequel Monsieur Romanelle a porté la mention " lu et approuvé " et sa signature ; que cet article stipule que le défaut de paiement pourra entraîner une action contentieuse et l'application au titre des dommages-intérêts d'une indemnité égale à 20 % de la somme due outre les frais judiciaires et intérêts légaux ; qu'une telle clause pénale est applicable ;

Considérant que s'il est loisible aux parties de prévoir en cas d'inexécution du contrat qu'une somme forfaitaire sera allouée à titre d'indemnité, cette clause, en l'espèce est manifestement excessive dans son montant au sens de l'article 1152 alinéa dernier du Code civil ; qu'en effet, elle aboutit à faire payer à Monsieur Romanelle, qui n'a eu que le tort de céder aux sollicitations d'un démarcheur entreprenant, une somme de 20 162 F avec intérêts au taux légal alors que le préjudice de RL compte tenu de la dénonciation immédiate du contrat et en l'absence de livraison de l'objet commandé, se limite à un trouble commercial et à quelques frais de correspondance ; que la cour a des éléments pour évaluer à la somme de 5 000 F, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1987, date de la mise en demeure ; qu'eu égard aux circonstances il n'apparaît pas inéquitable que les parties conservent leurs frais non taxables ; que Monsieur Romanelle qui succombe sera condamné aux dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement du 7 février 1989 et statuant à nouveau ; Dit que la clause pénale, qui est applicable, a un effet manifestement excessif ; Réduit le montant de l'obligation ; Condamne Monsieur Romanelle à payer à la société RL France la somme de 5 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1987 et les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement par Maître Huyghe, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes.