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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 20 septembre 1989, n° 88-21909

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

More O'Ferral (SA)

Défendeur :

Boitelle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Péraud

Conseillers :

M. Défault, Mme Agussol

Avoués :

Me Ribaut, SCP Bernabe

Avocats :

Mes Virally Legros, Barbier Audouze.

TI Aulnay-sous-Bois, du 29 sept. 1988

29 septembre 1988

LA COUR, statue sur l'appel interjeté par la société More O'Ferral d'un jugement du Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois en date du 29 septembre 1988 qui a :

- prononcé la nullité du contrat du 13 octobre 1987, signe entre ladite société et M. Boitelle et en conséquence débouté celle-ci de toutes ses demandes,

- condamné M. Boitelle à lui rembourser la somme de 5 500 F,

- dit que le défendeur pourra s'acquitter de sa dette par versements mensuels égaux de 300 F, le premier devant intervenir dans le mois de la signification de la présente décision et qu'à défaut de respect d'une seule de ces échéances, l'intégralité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible,

- condamné le défendeur aux dépens.

Les faits et la procédure antérieure peuvent se résumer ainsi :

Le 13 octobre 1987, M. Boitelle, propriétaire d'un jardin, sis 47 avenue Gambetta à Blanc-Mesnil et la société de publicité internationale More O'Ferral qui sera dénommée ci-après " la société " ont signé un bail de 6 ans pour l'installation d'un dispositif publicitaire dans ce jardin, moyennant un loyer annuel de 5 500 F, la première année étant payée d'avance.

M. Boitelle a demandé à la société de lui régler, par avance, le montant des 5 autres annuités prévues au contrait et sur le refus de celle-ci par lettre recommandée en date du 6 janvier 1988 il a rompu ledit contrat indiquant qu'il ferait parvenir à la société dès que possible, le loyer d'une année perçu d'avance.

C'est dans ces conditions que la société a fait assigner M. Boitelle et qu'est intervenu le jugement déféré.

Au soutien de son appel, la société fait valoir que c'est à tort que le premier juge a fait application, en l'espèce, de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile et a prononcé la nullité du bail ;

Qu'il s'agit en réalité d'un contrat de location immobilière, ne figurant pas parmi les actes protégés par ladite loi, et dont M. Boitelle n'a pas respecté les engagements, ce d'autant moins qu'il a souscrit un autre contrat avec une autre société d'affichage la société Lutèce, au mépris des droits qui sont les siens en vertu du contrat.

Elle demande l'exécution pure et simple du bail, ainsi qu'elle y est autorisée aux termes de l'article 4 du contrat et conclut à l'infirmation de la décision, la condamnation de M. Boitelle à exécuter les termes du bail, l'enlèvement des deux panneaux mis en place par la société Lutèce, sous astreinte de 500 F par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, la condamnation de M. Boitelle au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à trois fois la redevance relative à la période de non jouissance (article 4-5 du bail), et d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En voie contraire, M. Boitelle expose qu'il s'agit bien d'un contrat de démarchage à domicile qui peut s'analyser en une " prestation de services ", soumis à la protection de la loi de 1972 (article 1).

Il conclut au principal, à la confirmation du jugement déféré et subsidiairement, si la cour ne le suit pas dans ses explications, à l'octroi d'un maximum de délais pour s'exécuter, à ce que le montant de la clause pénale soit ramené à des proportions compatibles avec le préjudice effectivement subi par la société et avec les situations économiques respectives des parties, la sienne étant particulièrement précaire, et que la société soit déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi, LA COUR

Considérant qu'il résulte des productions qu'un bail a été signé le 13 octobre 1987 entre la société et M. Boitelle, propriétaire d'un jardin à Blanc-Mesnil, pour y installer " un dispositif publicitaire éclairé " sur deux panneaux d'une surface de 16 m² ;

Que ce bail a été conclu, pour une durée de 6 ans, à compter du 1er novembre 1987, moyennant une redevance annuelle de 5 500 F, la première année étant payée d'avance par chèque ;

Qu'il comprenait notamment en son article 4-5°, une clause aux termes de laquelle " en cas de privation définitive de jouissance provenant du fait du bailleur, celui-ci sera tenu de verser au preneur une indemnité forfaitaire égale à 3 fois la redevance pour la période de non-jouissance sans préjudice du droit, pour le preneur, d'exiger l'exécution du bail " ;

Considérant que lorsque le démarchage a pour but d'inciter la personne démarchée à conclure un bail sur les murs de son immeuble, aux fins d'apposer de la publicité, cette opération ne rentre pas dans le cadre de la loi sur le démarchage du 22 décembre 1972 ;

Considérant qu'il s'agit là d'un contrat de louage d'emplacement publicitaire, réglementé comme tel par la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes ; qu'ainsi le moyen soulevé par M. Boitelle, auquel le tribunal a fait droit, ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'en rompant unilatéralement le contrat le 6 janvier 1988 pour un motif personnel, après avoir perçu une année de loyer d'avance, et en acceptant de louer le même emplacement à une autre société d'affichage, M. Boitelle s'est ainsi opposé à l'installation de panneaux publicitaires à laquelle il s'était conventionnellement engagé ; qu'il a de ce fait commis une faute contractuelle rendant la société bien fondée à poursuivre l'exécution forcée du contrat du 13 octobre 1987 ;

Considérant dans ces conditions qu'il y a lieu de réformer le jugement déféré et de faire droit à la demande de la société tendant à la poursuite du bail, à l'enlèvement des 2 panneaux publicitaires mis en place par la société Lutèce, et ce, sous astreinte et de faire application de la clause pénale prévue à l'article 4-5° du contrat, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'en diminuer la portée ;

Considérant qu'en raison des circonstances de la cause, il n'y a lieu à délais de paiement ;

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société More O'Ferral, les frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau, Condamne M. Pierre Boitelle à exécuter les termes du contrat du 13 novembre 1987 signé par les parties ; Ordonne l'enlèvement des deux panneaux érigés par la société Lutèce dans le mois de la signification de l'arrêt, et ce, sous astreinte provisoire de 300 F par jour de retard ; Dit qu'il y a lieu de faire application de la clause visée à l'article 4-5° du contrat et en conséquence ; Condamne M. Boitelle à régler à la société More O'Ferral une indemnité forfaitaire égale à trois fois la redevance relative à la période de non jouissance, et ce, avec intérêts légaux à compter du présent arrêt ; Dit n'y avoir lieu à paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société More O'Ferral ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires; Condamne M. Boitelle aux dépens de première instance et d'appel ; Admet Me Ribaut, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.