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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 11 septembre 1996, n° 94-09645

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gasparina, Pharmacie de L'Etrier (EURL)

Défendeur :

Berthelot (ès qual.), Lyonnaise de Crédit Bail (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roy

Conseillers :

M. Froment, Mme Letourneur-Baffert

Avoués :

SCP Leroyer, Gauvain, Demidoff, SCP Chaudet, Brebion

Avocats :

Mes Parr, Tirlocq.

T. com. Rennes, du 18 oct. 1994

18 octobre 1994

Vu le jugement du 18 octobre 1994 par lequel le Tribunal de commerce de Rennes a notamment:

- prononcé, à compter du 18 août 1992, la résiliation d'un contrat de diffusion d'images publicitaires liant Claude Gasparina, née Bascle, à la société SDMT, en raison de la liquidation judiciaire de cette société;

- a débouté Claude Gasparina de ses prétentions à l'égard de SA Slibail;

- l'a condamnée à payer à cette dernière société la somme de 39 448,22 F, avec intérêts de droit à compter du 4 mars 1994, au titre de loyers impayés et de l'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail du 5 avril 1990 les ayant liées pour un matériel audio-visuel et informatique ayant servi à l'exécution du contrat de diffusion d'images publicitaires souscrit avec SDMT;

Vu l'appel de ce jugement par Claude Gasparina contre Me Berthelot, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de SDMT, et contre SA Slibail;

Vu les écritures d'appel par lesquelles Claude Gasparina:

- expose avoir été démarchée à son domicile pour 2 contrats, le premier la liant à SDMT et concernant la diffusion d'images dans l'officine de pharmacie qu'elle exploite, le second la liant à Slibail et concernant le crédit-bail du matériel audio-visuel et informatique destiné à la réception des images pour l'exécution du contrat souscrit avec SDMT;

- soutient que, les deux contrats souscrits étant indivisible, à tort les premiers juges, qui ont résilié le premier contrat, l'ont déboutée de ses prétentions à la résiliation de l'autre avec effet au 1er août 1992 et l'ont condamnée au paiement à Slibail d'impayés postérieurs à cette date et d'une indemnité de résiliation;

- soutient qu'en toute hypothèse le contrat la liant à Slibail a été souscrit, comme d'ailleurs le contrat la liant à SDMT, par un démarchage à domicile, que sa souscription est soumise à la loi du 22 décembre 1972 et que les dispositions de ce texte quant aux mentions obligatoires et aux modalités d'engagement et de renonciation n'ont pas été respectées, de sorte que le contrat est nul, qu'il y a lieu de la décharger des condamnations prononcées contre elle au profit de Slibail et de condamner cette société à lui restituer les loyers payés pour la période du 16 juillet 1990 au 15 août 1992, soit la somme de 42 243,24 F;

- soutient qu'en outre les clauses 15-3 et 15-4 du contrat de crédit-bail relatives aux conséquences de la résiliation pour non paiement de loyers sont abusives, en application de la loi du 10 janvier 1978;

- demande le paiement de la somme de 23 720 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile;

Vu les écritures d'appel par lesquelles SA Slibail:

- soutient que les lois du 22 décembre 1972 et du 10 janvier 1978 ne sont pas applicables à l'opération litigieuse pour avoir un rapport direct avec l'activité professionnelle de Claude Gasparina, s'agissant de matériels audio-visuels destinés à la diffusion de publicité de laboratoires pharmaceutiques et d'informations à l'intention de la clientèle de l'officine;

- soutient qu'à bon droit les premiers juges ont retenu qu'il n'y avait pas indivisibilité entre le matériel crédit-baillé et le contrat d'affichage d'images, dès lors que le crédit-bailleur est étranger à ce dernier contrat, que le seul lien existant entre Slibail et SDMT est le contrat de vente du matériel et que le crédit preneur a demandé au crédit-bailleur l'achat de ce matériel, en vue du crédit-bail, pour des raisons hors du champ contractuel de ce crédit bail, comme il ressort du fait que ce contrat ne se réfère pas au contrat d'affichage d'images et que Slibail n'a pas été partie à cette dernière convention;

- soutient que la contrepartie du crédit bail est le matériel crédit-baillé, qu'aucun vice ou mauvais fonctionnement de ce matériel n'est allégué et que le simple fait que ledit matériel soit désormais dépourvu d'utilité pour le crédit-preneur, en raison de la cessation de fourniture d'images par SDMT, ne saurait avoir d'effet sur le crédit-bail, en l'absence de volonté commune des parties à ce crédit-bail de lier le sort de celui-ci au sort de l'autre;

- demande la confirmation du jugement des chefs déférés et le paiement d'une somme de 20 000 F pour les frais non taxables d'appel;

Vu les assignations du 21 juin 1995 et du 25 septembre 1995, délivrées, au titre de l'appel, à Me Berthelot, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SDMT, assignations à la suite desquelles ce dernier n'a pas constitué avoué;

Considérant qu'il ressort des productions:

- que, comme en conviennent les parties, le contrat de crédit-bail litigieux a été convenu entre Claude Gasparina et Slibail;

- que Claude Gasparina exploite à La Loupe une officine de pharmacie et que Slibail a son siège Boulevard des Italiens à Paris et son centre de traitement des dossiers à Rillieux-La-Pape;

- que ce contrat a été souscrit le 5 avril 1990 à La Loupe;

- que le contrat d'images entre Claude Gasparina et SA SDMT, dont les établissements sont situés à Cesson Sévigné, a été souscrit le même jour, également à La Loupe;

- que Claude Gasparina a ainsi été démarchée, sur son lieu de travail, dans son officine de pharmacie de La Loupe, le 5 avril 1990, pour la souscription, d'une part, du contrat de crédit bail, sur la base de 48 mois de loyers et d'un loyer mensuel de 1 370 F HT, pour un matériel audio-visuel et informatique commercialisé par SA SDMT, et, d'autre part, du contrat, d'une durée de 48 mois renouvelable par tacite reconduction, par lequel cette dernière société devait fournir l'accès à son réseau d'images par le matériel crédit baillé, Claude Gasparina s'engageant à le faire fonctionner pendant les heures convenues et disposant de 5 pages" pour la communication de son choix, 20 autres " pages " étant destinées à des publicités de laboratoires pharmaceutiques ou para- pharmaceutiques ayant traité avec SDMT, pages pour lesquelles cette société s'engageait à rémunérer Claude Gasparina à hauteur de 1 000 F HT par mois, en contrepartie de l'utilisation du matériel pour la diffusion publicitaire;

Considérant que, ceci étant, à bon droit les premiers juges ont retenu qu'il n'y avait pas d'indivisibilité entre le contrat de crédit-bail liant Slibail à Claude Gasparina et le contrat liant celle-ci à SA SDMT, étant observé:

- que si, dans une opération de crédit-bail, la vente du matériel entre le fournisseur de celui-ci et le crédit-bailleur est de droit indissociable de l'opération engageant ce dernier et le crédit-preneur quant à l'objet vendu, de sorte que la résolution de la vente entraîne nécessairement résiliation du crédit-bail - ce dernier contrat pouvant, au besoin, régler les conséquences de ces événements entre crédit-bailleur et crédit-preneur - il n'en va pas de même de la résolution ou résiliation d'un contrat de prestations de service convenu entre le crédit- preneur et le vendeur du matériel crédit-baillé, même si c'est en considération de ce contrat que le crédit-preneur a traité avec le crédit-bailleur relativement audit matériel, sauf s'il apparaît de tout élément de la cause qu'il était dans la commune intention du crédit-preneur et du crédit-bailleur de lier la poursuite du crédit bail à celle du contrat de prestations de service;

- qu'en l'espèce, il ne ressort ni des documents contractuels, ni des autres productions que SA Slibail, dont le contrat de crédit-bail était de droit tributaire du sort de la vente du matériel crédit-baillé, ait accepté en outre que le sort de ce crédit-bail soit également tributaire du sort du contrat de prestations de service souscrit entre Claude Gasparina et SA SDMT;

Considérant qu'en revanche le contrat de crédit-bail litigieux, qui est une location avec option d'achat, étant intervenu entre Slibail et Claude Gasparina à la suite d'un démarchage de cette dernière à son lieu de travail, où le contrat a été souscrit, la loi du 22 décembre 1972, dans sa rédaction contemporaine de ce contrat, en ses dispositions protectrices désormais codifiées sous les articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation, est applicable à la cause, dès lors:

- que les opérations de location avec option d'achat, expressément visées à l'article 1er de la loi du 22 décembre 1972, ne sont pas expressément exclues des dispositions protectrices sus énoncées, l'article 8 I de cette loi, notamment son 2e alinéa "e", devenu l'article L. 121 22 4° du Code de la consommation, ne disposant, pour l'exclusion qu'il énonce, qu'en ce qui concerne les ventes, les locations, les locations-ventes de biens et les prestations de service, de sorte qu'une interprétation restrictive de cet article dérogatoire doit conduire à sa non-application aux locations avec option d'achat qui n'y sont pas visées

- qu'en toute hypothèse, s'agissant d'un matériel audio-visuel informatique destiné à la réception d'images d'un réseau de publicité et à l'émission accessoire d'images sur l'écran, il n'y a pas, au sens de l'article L. 121-22 4° du Code de la consommation, de rapport direct entre le crédit-bail ainsi démarché pour ce matériel et l'exploitation de l'officine de pharmacie, la destination principale dudit matériel, telle qu'elle ressort du démarchage lui-même, ne relevant pas de tout ce qui permet directement l'exploitation de cette officine et sa location avec option d'achat sortant ainsi du cadre spécifique de l'activité de Claude Gasparina;

Considérant qu'ainsi, à peine de la nullité prévue par l'article 2 de la loi du 22 décembre 1972, devenu l'article L. 121-23 du Code de la consommation, le contrat de crédit-bail devait comporter la mention de la faculté de renonciation légalement ouverte au crédit-preneur, et, de façon apparente, le texte intégral des articles 2, 3 et 4 de la loi du 22 décembre 1972, dans sa rédaction contemporaine du contrat; que, dès lors que ces éléments ne figurent pas au contrat litigieux, à bon droit il est soutenu en appel, par un moyen nouveau, que ce contrat est nul; qu'il s'ensuit que Claude Gasparina ne peut être tenue, ni des loyers impayés depuis le 14 octobre 1992, ni d'une quelconque indemnité de résiliation, de sorte que le jugement déféré doit être réformé sur ce point; qu'en outre, Claude Gasparina prétend, sans que la recevabilité de cette prétention soit discutée par l'adversaire, à la restitution d'une somme de 42 243,24 F au titre des loyers TTC payés depuis juillet 1990, ce qui est justifié en raison de la nullité du contrat de crédit-bail;

Considérant que l'équité ne commande pas l'octroi à l'une quelconque des parties d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Réformant le jugement des chefs déférés; Dit nul le contrat de crédit-bail liant Claude Gasparina à SA Slibail et déboute, en conséquence, SA Slibail de sa demande, au titre de ce contrat, en paiement d'une somme de 39 448,22 F, outre intérêts de droit à compter du 4 mars 1994, pour des loyers impayés depuis le 15 octobre 1992 et une indemnité de résiliation; Faisant droit à la demande de restitution des loyers payés en exécution du contrat nul; Condamne SA Slibail à restituer à Claude Gasparina la somme de 42 243,24 F; Condamne SA Slibail aux dépens de 1ère Instance afférents aux chefs du jugement déféré et aux dépens d'appel, ces derniers avec, pour l'avoué adverse, le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.