CA Toulouse, 3e ch. civ., 9 janvier 1996, n° 3639-94
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Microconcept (Sté)
Défendeur :
Bouchard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Chauvin
Conseillers :
MM. Helip, Lamant
Avoués :
SCP Boyer Lescat, SCP Malet
Avocats :
Mes Dumas, Thévenot
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
Le 18 octobre 1991, Mme Bouchard qui exerce la profession de masseur kinésithérapeute a passé commande, auprès le la société Microconcept, à l'occasion d'un démarchage à domicile, d'un logiciel pour une valeur de 16 680 F et quelques jours plus tard Mme Bouchard a prétendu annuler sa commande,
Sur l'assignation en paiement de la société Microconcept, le Tribunal d'instance de Toulouse, par jugement du 30 mai 1994, a débouté la société Microconcept de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 1 500 F à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1 800 F pour autres frais de procès,
Le tribunal a retenu que la vente avait été conclue par démarchage à domicile et que l'objet de la vente n'avait pas de rapport direct avec l'activité professionnelle de Mme Bouchard de sorte qu'elle se trouvait soumise à la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile et qu'elle avait été conclue en contravention avec ces dispositions législatives, en raison d'un versement partiel immédiat du prix, de sorte que la vente devait être annulée et ce d'autant plus que la cliente avait usé de sa faculté de rétractation dans le délai prévu,
La société Microconcept est appelante de cette décision et devant la cour reprend ses demandes initiales, outre le paiement de la somme de 5 000 F pour frais de procès, en faisant valoir que la loi sur le démarchage à domicile n'a pas à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où le logiciel vendu était spécialement conçu pour la comptabilité des masseurs kinésithérapeutes et que par suite la vente a bien un caractère professionnel la faisant échapper à la loi sur le démarchage à domicile du 22 décembre 1972,
Mme Bouchard conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 15 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 5 000 F pour frais de procès,
Elle soutient à cette fin que la loi sur le démarchage à domicile du 22 décembre 1972 trouve bien à s'appliquer à l'espèce, que l'exclusion prévue à l'article 8 ne concerne que les ventes ayant "un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une profession", ce qui ne serait pas le cas ici, puisque si le logiciel a bien été acheté pour son activité professionnelle, il n'y a toutefois pas de lien direct entre cet achat de logiciel informatique destiné à la comptabilité et l'activité professionnelle de masseur kinésithérapeute,
Elle ajoute qu'elle a usé de son droit de rétractation dans le délai légal prévu à la même loi et que de surcroît le vendeur a obtenu d'elle un paiement partiel dès la commande en contravention avec les dispositions légales applicables dans ce type de vente,
MOTIFS DE LA DECISION
En droit la loi du 22 décembre 1972, modifiée notamment par la loi du 31 décembre 1989 (actuellement L. 121-21 et suivants du Code de la consommation) a réglementé la vente par démarchage à domicile en imposant notamment:
- la faculté pour l'acquéreur de renoncer au contrat dans un délai de sept jours à compter de son engagement,
- l'interdiction pour le vendeur, pendant ce délai, de percevoir tout ou partie du prix,
Ces dispositions protectrices de l'acheteur ne sont toutefois pas applicables selon l'article L. 121-2 du même Code aux ventes et autres prestations "lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession",
En l'espèce, la vente portait sur un logiciel destiné à Mme Bouchard, masseur kinésithérapeute, seul utilisateur déclaré de ce logiciel, avec formation incluse dans le prix de vente, étant précisé que selon le vendeur ce logiciel avait quatre fonctions essentielles à savoir: la tenue de l'agenda, la rédaction de l'entente préalable avec la sécurité sociale, la facturation et la tenue de la comptabilité,
Il est également précisé que ce logiciel avait pour but de permettre aux professionnels de santé de se passer d'un expert comptable dans le cadre de leur activité professionnelle libérale, et les plaquettes publicitaires argumentent entre autres "la comptabilité progressive c'est comprendre que si vous êtes kiné, vous n'êtes pas forcément comptable".
Il s'en déduit que si cette acquisition avait bien un caractère professionnel, elle n'avait pas, en l'espèce, de rapport direct avec l'activité de kinésithérapeute de l'acheteuse, puisque ce logiciel avait précisément pour objet de lui permettre de se passer des services d'un autre professionnel exerçant une activité différente de la sienne et que l'acquéreur n'avait pas une spécialité lui permettant d'apprécier l'opportunité voire le prix de l'achat proposé,
Il est par ailleurs constant que Mme Bouchard a manifesté sa volonté de rétractation dans un délai inférieur à sept jours et qu'un acompte avait été perçu à la commande par un chèque en définitive non encaissé,
Il s'ensuit que la cour approuve la décision du premier juge et qu'il y a lieu de confirmer sa décision en toutes ses dispositions,
L'appelant qui succombe doit les dépens et il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les autres frais de procès lesquels seront indemnisés par l'allocation d'une somme de 5 000 F en sus de la somme allouée de ce chef en première instance,
Il n'est pas démontré que l'appelant ait abusé de son droit de faire appel de sorte que la demande complémentaire de dommages et intérêts sera rejetée,
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Microconcept aux dépens et autorise la SCP Malet & Malet, avoué à recouvrer directement ceux d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ; Condamne la société Microconcept à payer une somme complémentaire de 5 000 F (cinq mille francs) à Mme Bouchard sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.