Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. A, 17 décembre 1998, n° 97-000440

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bordeaux International School

Défendeur :

Van Der Leck (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bizot

Conseillers :

M. Cheminade, Mme Carbonnier

Avoués :

SCP Boyreau, SCP Claverie-Taillard

Avocats :

Mes Baret, Babin.

TI Bordeaux, du 13 déc. 1996

13 décembre 1996

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

1. Suivant contrat en date du 15 août 1995, M. et Mme Eric Van Der Leck ont scolarisé leur fille Rachel à l'association Bordeaux International School (BIS).

Ayant été informée le 29 janvier 1996 du départ sans préavis de Rachel, ladite association, soutenant que les époux Van Der Leck n'ont pas respecté leurs obligations, les a assignés par acte du 13 mars 1996 aux fins d'obtenir paiement de la somme de 22 019 F avec intérêts de droit à compter du 31 janvier 1996, et la somme de 21 667 F pour les frais de scolarité du troisième trimestre ainsi que diverses indemnités et le paiement de la somme de 352 F au titre d'une facture de livres.

Les époux défendeurs ont conclu à titre principal au débouté de l'ensemble des demandes, ont fait valoir à titre subsidiaire qu'ils étaient débiteurs de la seule somme de 7 340 F et ont sollicité diverses indemnités.

2. Par jugement contradictoire en date du 13 décembre 1996, le Tribunal d'instance de Bordeaux a dit que l'article 2 du contrat conclu entre les parties le 15 août 1995 constitue une clause abusive et doit être réputée non écrite, a débouté l'association BIS de sa demande en paiement de la somme de 21 667 F à titre de frais de scolarité, a débouté les deux parties de leurs demandes en dommages et intérêts, a ordonné l'exécution provisoire, a condamné l'association BIS à payer aux défendeurs la somme de 2 000 F en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et, avant dire droit sur la demande de paiement de la somme de 352 F au titre de la facture de livres du 15 novembre 1995, a ordonné la réouverture des débats au vu des articles 14 à 16 du Code de procédure civile, en sursoyant à statuer sur la demande de ce chef et en réservant les dépens.

3. L'association BIS a régulièrement interjeté appel par déclaration en date du 17 janvier 1997.

Elle demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement entrepris, de condamner les époux Van Der Leck à lui payer la somme principale de 21 667 F avec intérêts de droit à compter du 31 janvier 1996 au titre du trimestre de préavis contractuellement dû, et de lui donner acte de ce qu'en cours d'instance, les époux Van Der Leck ont réglé la somme de 352 F correspondant à la facture de livres. Elle sollicite une somme de 4 000 F à titre de dommages et intérêts, outre le somme de 8 000 F au titre de ses frais irrépétibles et la condamnation des intimés aux entiers dépens.

Les époux Van Der Leck demande à la cour de constater que l'association BIS n'a pas justifié de sa qualité à ester en justice, de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à leur payer la somme de 15 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 4 000 F au titre de leurs frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

L'instruction a été close le 31 août 1998.

MOTIFS

1. Sur la capacité à agir en justice.

- Tout en contestant que l'association BIS dispose de la capacité à agir en justice au regard des articles 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901, les époux Van Der Leck, par conclusions réitérées, se bornent à solliciter la confirmation du jugement déféré et ne tirent pas les conséquences juridiques de ce grief en s'abstenant d'invoquer la nullité de fond des actes de procédure exécutés par cette association par application des articles 117 et suivants du Code de procédure civile.

- Il convient, en conséquence, de passer outre, l'exception de nullité pour défaut de capaciter d'ester en justice n'étant pas soutenue, et la présente cour n'ayant pas l'intention de soulever d'office ladite exception de nullité, qui n'est pas d'ordre public, ainsi qu'il est dit à l'article 120 du même Code.

2. Sur l'application de la clause contractuelle de préavis :

- Sur la fiche d'inscription de Rachel Van Der Leck du 15 août 1995, valant contrat entre les époux Van Der Leck et l'association BIS, il est clairement précisé dans une clause 2 que dans tous les cas où un étudiant quitte l'école, un préavis de trois mois pleins s'avère nécessaire, quelques soient les raisons du départ, que ce préavis doit parvenir par écrit à l'association au plus tard le 1er octobre pour le 2e trimestre, le 1er janvier pour le 3e trimestre et le 1er avril pour le 1er trimestre de l'année scolaire suivante, et que si ce préavis de trois mois n'est pas respecté, le cocontractant de l'association BIS s'engage à payer tous les frais de scolarité du trimestre ainsi visé (frais de scolarité, cantine, frais d'Internet si l'étudiant est pensionnaire ou logé dans une famille). Cette clause doit s'interpréter en ce sens qu'en cas de départ d'un élève au cours d'un trimestre donné sans préavis aucun avant la date fixée visant ce trimestre, les parents sont tenus de supporter les frais de la totalité de ce trimestre, quelque soit le temps restant à courir depuis le départ de l'élève mais qu'à l'inverse, lorsque le délai de préavis a été respecté, les frais du trimestre au cours duquel le départ se produit ne sont pas dus en entier mais à proportion du temps écoulé entre le début du trimestre et la date du départ, en sorte que, les frais trimestriels étant payables d'avance, l'association BIS est alors tenue de restituer la part des frais indue au prorata du temps scolaire trimestriel restant à courir. Enfin le terme "préavis" doit s'entendre comme l'annonce dans un certain délai préalable à l'évènement, du futur départ de l'élève au cours du trimestre visé. Cette qualification ne saurait dépendre de la seule opinion de l'association BIS et doit être caractérisée par les circonstances de fait. Cette clause, qui impose un délai de préavis raisonnable pour l'annonce de tout départ prévisible à l'avance au cours d'un trimestre donné, et qui n'impose aux parents de l'élève, en cas d' absence de préavis ou de non-respect du délai de préavis, que le seul paiement des frais scolaires afférents au trimestre au cours duquel l'élève quitte l'établissement, ne revêt aucun caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. C'est donc à tort que le premier juge l'a considérée comme abusive et l'a réputée non écrite.

Il convient en conséquence, d'infirmer le jugement déféré et de statuer sur les conditions d'application de ladite clause.

- Il ressort des productions et explications non contestées des époux Van Der Leck que leur fille Rachel a suivi les cours scolaires de l'association BIS durant la totalité du 1er trimestre de l'armée scolaire 1995-1996 (octobre à décembre 1995); qu'ils ont payé en septembre 1995 la somme de 21 667 F au titre des frais de ce premier trimestre, puis le 19 octobre 1995 une somme identique au titre des frais du second trimestre (janvier à mars 1996) ; qu'à l'issue du premier trimestre et des vacances scolaires de fin d'année 1995 (Noël et Nouvel An), Rachel Van Der Leck n'est pas revenue dans l'établissement de l'association BIS au début du second semestre scolaire ; que les époux Van Der Leck ont avisé cette association par téléphone le 29 janvier 1996 de ce que l'enfant n'y reviendrait pas.

- Il apparaît ainsi que Rachel Van Der Leck a quitté l'école de l'association BIS sans préavis. L'appel téléphonique de ses parents du 29 janvier 1996, alors que cette enfant n'avait pas repris du tout la scolarité au début du second trimestre, ne valait pas préavis de départ comme le soutient à tort l'association BIS, mais seulement information et confirmation d'un départ effectif déjà réalisé.

- Il suite de là que conformément à la clause 2 du contrat, en l'absence d'un préavis donné au plus tard le 1er octobre 1995 pour le second trimestre scolaire, les époux Van Der Leck étaient tenus de supporter la totalité des frais du trimestre au cours duquel leur fille Rachel a effectivement quitté l'établissement, soit en l'espèce, la somme de 21 667 F. Cette somme ayant été payée d'avance, l'association BIS ne saurait en réclamer à nouveau le paiement. De plus, l'information donnée par les époux Van Der Leck le 29 janvier 1996 n'étant pas constitutive d'un "préavis" donné tardivement en vue du troisième trimestre, mais, comme dit plus haut, la simple confirmation d'un départ antérieurement acquis, l'association BIS est encore moins fondée à solliciter paiement des frais de ce troisième trimestre.

- L'association BIS doit, en conséquence, être déboutée de sa demande.

3. Sur les demandes annexes et les dépens :

- Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'association BIS

- Aucune faute ne peut être retenue contre l'appelante au titre de l'exercice du droit d'agir en justice. Les époux Van Der Leck doivent être déboutés de leur demande incidente en réparation. La pareille demande de l'association BIS, qui perd le procès, est sans objet.

- L'article 700 du Code de procédure civile doit être appliqué, en équité, au seul bénéfice des époux Van Der Leck, comme précisé ci-après.

Par ces motifs, LA COUR, Recevant en la forme l'appel de l'association Bordeaux International School ; Vu les articles 1134, 1156 et suivants du Code de procédure civile et L. 132-1 du Code de la consommation ; Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau ; Rejette le moyen tiré par les époux Van Der Leck de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; Dit qu'en application de la clause 2 du contrat d'inscription scolaire du 15 août 1995, les époux Van Der Leck sont tenus d'acquitter, du chef du départ sans préavis de leur fille Rachel, les frais de scolarité du second trimestre de l'année scolaire 1995/1996 (janvier à mars 1996) ; Constate que les époux Van Der Leck se sont acquittés de cette dette le 19 octobre 1995 ; Déboute l'association Bordeaux International School de sa demande en paiement des frais de scolarité du troisième trimestre de l'année scolaire 1995/1996 (avril à juin 1996) ; Dorme acte à l'association Bordeaux International School de ce qu'elle reconnaît avoir reçu des époux Van Der Leck la somme de 352 F au titre de frais de livres ; Déboute les parties de leurs demandes incidentes respectives en réparation du chef de l'abus d'exercice du droit d'agir en justice ou de la résistance abusive à l'exercice d'un droit ; Condamne l'association Bordeaux International School à payer aux époux Van Der Leck la somme de 4 000 F en application de l'article 700 du Code de procédure civile et la déboute de sa pareille demande ; Autorise la SCP Claverie-Taillard, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.