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Décisions

Conseil Conc., 8 novembre 1988, n° 88-D-43

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques constatées sur le marché des traverses et bois injectés pour voies ferrées

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en commission permanente, sur le rapport de M. B. Jean-Antoine, dans sa séance du 8 novembre 1988 où siégeaient M. Laurent, président ; MM. Béteille, Pineau, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 88-D-43

8 novembre 1988

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre de saisine du ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation, enregistrée le 25 juin 1986, Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique, Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application, Vu la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et a la répression des ententes illicites et des abus de position dominante, Vu la procédure engagee le 1er juin 1988 en application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance n° 86-1243 susvisée et les observations présentées par les parties sur la notification de griefs qui leur a été adressée, Vu les autres pièces du dossier, Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Coborail-Extrapo et de la société immobilière de Marthon entendus; Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées.

I. CONSTATATIONS

A. Les caractéristiques du marché

a) La demande

Trois types de traverses sont utilisés en France pour la construction de voies ferrées : la traverse en bois injecté par traitement chimique en autoclave appelé "créosotage"; la traverse en bois azobé d'origine africaine la traverse en béton.

Les traverses et bois créosotés sont produits par les entreprises qui font l'objet de la présente décision et sont achetés essentiellement par la SNCF et d'autres utilisateurs de voies ferrées (houillères, centrales EDF, métro-RER et usines diverses). La SNCF procède elle-même, sur deux chantiers lui appartenant, au traitement d'une partie des traverses dont elle a besoin.

Après une phase d'expansion qui a suivi la dernière guerre, la consommation nationale des traverses et bois injectés connaît une régression constante depuis les années 1960. Le marché à l'exportation s'est maintenu, représentant en 1983 près de 40 p. 100 de la production.

Pour les entreprises dont il s'agit, la régression du marché intérieur depuis 1960 apparaît irréversible avec l'accentuation de la pénétration du béton et de l'azobé, et le traitement par la SNCF d'une partie importante de ses besoins.

b) L'offre

Il existe aujourd'hui un nombre réduit d'entreprises (moins de quinze) disposant d'installations de créosotage, lesquelles sont, pour la plupart, agréées par la SNCF.

En 1960, sous l'égide du syndicat des fabricants et propriétaires de traverses et bois injectés pour voies ferrées, a été constituée une société anonyme à capital variable " Comptoir des bois sous rail injectés" dénommée Coborail. Elle s'est vu confier la planification de la distribution de produits injectés en maintenant à chaque chantier une charge adaptée à son potentiel de production et en cherchant à réduire les frais de transport. Elle a l'exclusivité commerciale de la vente de tous bois sous rail injectés. L'accord a été actualisé en 1971. En 1983 la société Coborail a fusionné avec la société Extrapo, fondée en 1954, spécialisée dans la vente à l'exportation et qui était devenue en 1960 une filiale de Coborail. Le groupement ainsi constitué a pris le nom de Coborail-Extrapo.

Les membres de l'accord étaient en 1983 au nombre de onze. Le chiffre d'affaires total de ces onze entreprises était en 1982 de 55 005 770 F (HT).

En dépit de l'existence de Coborail, la concurrence trouve néanmoins à se développer. Les trois principaux concurrents du groupement sont les entreprises Valar à Chavelot (Vosges), Idiart à Viodos (Hautes-Pyrénées), et Barret à Haybes (Ardennes).

Cette concurrence joue surtout dans les régions Nord-Est et Sud-Ouest. Elle concernait, à la fin de 1978, environ 25 à 30 p. 100 de la demande intérieure, SNCF exclue.

Par ailleurs, en 1961 a été créée, sous l'égide de Coborail, l'Association des injecteurs de bois sous rail (AIBR) devenue en 1980 l'Association des injecteurs de bois sous rails et poteaux de ligne (ALBRPL). Elle a pour but de favoriser la restructuration des entreprises par regroupements et fermetures de chantiers. Elle agit dans le cadre du décret n° 55-877 du 30 juin 1955 relatif aux avantages offerts à certains groupements industriels, complété par le décret n° 55-1369 du 18 octobre 1955 relatif à la procédure d'agrément et aux pouvoirs du commissaire du Gouvernement.

L'association AIBR, puis l'association AIBRPL qui lui a succédé, a bénéficié d'un agrément le 2 mai 1962 qui a été renouvelé jusqu'en 1983 et a pris fin en 1986.

Les diverses actions conduites par l'association et la société anonyme à capital variable ont permis la fermeture de onze entreprises et la suppression de vingt-deux chantiers de production.

B. Les pratiques relevées

I. Action sur les prix et sur la production du marché intérieur français (SNCF exclue)

L'accord Coborail-Extrapo réserve à cette société l'exclusivité des ventes et injections à façon. Les membres du groupement ont l'interdiction de négocier directement avec la clientèle sauf cas particuliers (petites commandes locales et urgentes par exemple). Son exposé des motifs précise que l'un des objectifs poursuivis est de " supprimer l'anarchie des prix qui désorientait les producteurs comme les utilisateurs ". Aussi l'article 6 de l'accord Coborail de 1960, actualisé en 1971, impose-t-il aux adhérents de " transmettre sans délai à Coborail toutes les demandes de prix ou appels d'offres qu'ils pourraient recevoir, émanant directement ou indirectement d'un acheteur éventuel ".

Les prix d'achat (appelés prix de cession) auxquels Coborail achète à ses membres les traverses et bois sont fixés par les règles définies à l'article 15 de l'accord et un barème des prix de vente est fixé annuellement par l'assemblée générale de Coborail. Son directeur général, assisté d'une commission des prix, propose chaque année à l'assemblée générale un barème de prix de cession et deux tarifs de vente un tarif " petits embranchés " et un tarif " entrepreneurs ". Le premier intéresse les sociétaires pour leur permettre de facturer les ventes directes de peu d'importance (moins de 1 000 pièces). Le second sert de base au service commercial du comptoir pour la détermination des prix aux entreprises de pose de voies ou aux gros embranchés. En 1983, une distinction géographique a été introduite dans ce barème pour faire face à la concurrence exercée par Valar et Barret dans le Nord et l'Est, et par Idiart dans le Sud-Ouest.

L'obligation de faire face à la concurrence a conduit Coborail à intervenir à plusieurs reprises auprès de certains concurrents pour essayer de les amener à de meilleures intentions en matière de prix. Elle ne semble toutefois jamais avoir réussi à infléchir leur comportement en ce domaine (réunions Coborail des 15 mai 1982, 17 mars 1982, 17 novembre 1982, 15 décembre 1982 et 23 septembre 1983).

Par ailleurs l'accord Coborail prévoit qu'un quantum de marché intérieur est fixé pour chaque adhérent (art. 10 à 14 de l'accord). Le droit attaché au quantum confère à l'adhérent une certaine part du marché. En contrepartie, l'adhèrent a l'obligation de mettre à la disposition de Corborail les marchandises nécessaires à la commercialisation de sa quote-part et d'exécuter les commandes. Les manquements à ces dispositions peuvent entraîner la révision du quantum de l'adhérent (art. 14).

Un mécanisme de location et de rachat de quantum entre adhérents a été mis en place pour assouplir les rigidités de la répartition théorique (art. 29).

Pour favoriser les cessions définitives de quantum à la collectivité des adhérents et pour favoriser un regroupement des entreprises, un fonds spécial de rachat a été institué et alimenté par une redevance, basée sur le volume des commandes de chaque firme (art. 30). Ce fonds est géré par l'association AIBRPL. Tout adhérent qui cède son quantum à la collectivité doit passer un contrat avec l'AIBRPL, laquelle assure le règlement des indemnités convenues.

Le retrait de l'entreprise de l'accord entraîne pour elle un dédit égal à 3 p. 100 de son chiffre d'affaires moyen des trois dernières années (art. 36).

Des sanctions financières sont prévues pour les adhérents qui ne respectent pas l'accord (art. 38 et 39).

Les nouveaux adhérents doivent au préalable être agréés à la majorité des trois quarts des adhérents de l'accord (art. 40).

Cet accord a fonctionné conformément aux règles juridiques exposées dans la période non couverte par la prescription.

2. Actions concertées lors de négociations de marchés passés avec la SNCF

Pour la période du 29 septembre 1980 à 1983, il a été constaté quatre actions concertées entre certains adhérents de Coborail afin de proposer des niveaux de prix en réponse aux appels d'offres de la SNCF.

a) Appel d'offres de la fin de l'année 1980 portant sur des travaux à façon de traverses.

Des extraits de comptes rendus du bureau de Paris des établissements Beaumartin démontrent que, préalablement à un appel d'offres lancé par la SNCF, les Sociétés Beaumartin, Rollin et Dupret, Bois Imprégnés, Gaillard et Satib ont participé à des concertations visant à se répartir le marché et à proposer des hausses uniformes de prix à l'occasion de réunions tenues les 20 novembre, 12 et 18 décembre 1980. Les entreprises ont obtenu les quotas de travaux espérés sur la base d'une augmentation de prix de 11 p. 100 alors que la SNCF avait laissé entendre que son taux maximum d'acceptation des offres serait de 9 p. 100.

b) Appel d'offres de fournitures de traverses du début 1981.

Par lettre circulaire du 9 février 1981, M. Bernard, gérant de Coborail, informe les adhérents que la SNCF se propose d'acheter 80 à 90 000 traverses en 1981. Cette lettre précise : " Nous estimons très souhaitable, sinon nécessaire, que chacun étudie sérieusement son véritable prix de revient en vue de la consultation qui doit avoir lieu la semaine prochaine ". Au cours d'une réunion tenue à Coborail le 18 février 1981, les prix à émettre ont été fixés, par entente entre les représentants des sociétés Hudelot-Escalie, Bois Imprégnés, Beaumartin, Forrézienne d'imprégnation des bois, Corrèze-Bois, Rollin et Dupret, et Gaillard, à + 10 p. 100 par rapport à un marché précédent de 1980 et le quantum proposé fut de 100 000 traverses. Ces bases n'ayant pas été acceptées par la SNCF, une nouvelle concertation s'est ouverte en avril 1981.

c) Appel d'offres de fournitures de traverses de la fin 1981

La consultation lancée par la SNCF a donné lieu à de nouvelles concertations entre les représentants des sociétés Bois Imprégnés, Beaumartin, Rollin et Dupret, Gaillard et Satib. Ces concertations, développées à l'occasion d'une réunion Coborail du 26 novembre 1981, ont conduit à définir le niveau de prix proposé par le moins-disant.

d) Appel d'offres de la fin novembre 1982 pour travaux à façon

A l'occasion de cette consultation, des représentant des sociétés Beaumartin, Bois Imprégnés et Rollin et Dupret se sont accordés lors d'une réunion Coborail du 17 novembre 1982 pour faire des propositions identiques de hausse de prix arrêtées à + 7 p. 100.

Dans sa réponse, la société immobilière de Marthon (anciennement Satib) invoque la prescription prévue par l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Les autres parties ne contestent pas la réalité des concertations auxquelles elles se sont livrées. De son côté enfin, la SNCF soutient n'avoir pas cherché à faciliter l'accord préalable des fournisseurs, qu'au contraire elle a négocié avec fermeté la défense de ses intérêts propres.

II. A LA LUMIÈRE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Considérant que les faits ci-dessus décrits, antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doivent être appréciés au regard des articles 50 et 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, qui demeurent applicables en l'espèce.

En ce qui concerne la prescription

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, " le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ";

Considérant que s'il est exact que la société Satib, devenue la société immobilière de Marthon, n'a pas fait l'objet elle-même de saisies ou d'enquêtes sur place par les services de l'administration de la concurrence et de la consommation, il ressort du dossier que cette société ne conteste pas être partie à l'accord Coborail ; qu'ainsi les saisies de documents effectuées auprès de divers autres membres de cet accord et, notamment, la saisie effectuée le 29 septembre 1983 au siège de la société Coborail, ont eu pour effet de suspendre, y compris à son endroit, le délai de prescription fixé par l'article 27 précité ; que cette suspension du délai a été également prorogée par la saisine de la Commission de la concurrence le 25juin 1986 par le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget ; que le Conseil peut donc examiner les faits commis par la société Satib à compter du 29 septembre 1980;

Considérant qu'il ressort du dossier que la société des établissements Hudelot-Escalie a fait l'objet de deux procès-verbaux de saisie qui ont été dressés le 29 septembre 1983; que ces saisies ont eu pour effet de suspendre le délai de prescription fixé par l'article 27 précité; que cette suspension du délai a été prorogée par la saisine de la Commission de la concurrence le 25 juin 1986 par le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget; qu'ainsi le Conseil peut connaître des faits commis par la société des établissements Hudelot-Escalie à compter du 29 septembre 1980.

En ce qui concerne la détermination du marché en cause

Considérant qu'en raison des caractéristiques des produits, de la spécificité des techniques mises en œuvre et de l'individualisation de la demande de la part des utilisateurs, la commercialisation des traverses et bois injectés correspond à un marché au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée.

En ce qui concerne l'accord Coborail

Sur l'application des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483

Considérant que la constitution en 1960 de la société Coborail et l'application de ses statuts actualisés en 1971 ont conduit les adhérents de cette société à s'entendre pour confier à celle-ci l'exclusivité des ventes de traverses et bois d'appareil pour voies ferrées ainsi que des injections à façon de ces mêmes matériaux; que, notamment, la société est chargée de facturer aux acheteurs les commandes reçues par chacun, de fixer les conditions de livraison et de paiement qu'en outre un barème national des prix de vente ou services a été élaboré chaque année par Coborail; que ce barème comportait, pour la période litigieuse, des différenciations géographiques pour faire face à la concurrence exercée principalement par des entreprises localisées dans le Nord, l'Est et le Sud-Ouest; qu'il résulte notamment du procès-verbal de la réunion Coborail du 17 mars 1982 que les prix Coborail étaient supérieurs de 10 à 15 p. 100 à ceux de la concurrence ; qu'ainsi l'adoption d'un barème unique a entraîné un alignement des prix de vente sur la base des prix de revient les plus élevés de la profession et a eu pour effet de favoriser une hausse artificielle des prix; que si certaines affaires se sont conclues sur la base de prix inférieurs aux prix " tarif" et si certains contrats ont été souscrits directement par les membres affiliés sans intervention de Coborail, ce qui au demeurant est prévu dans certains cas par les statuts de Coborail, ces circonstances ne sont pas de nature à infirmer les constatations précitées.

Considérant que ces pratiques tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 quelle que soit la structure juridique qui leur a servi de support; que Coborail n'est pas fondée à se prévaloir, pour échapper à l'application de ces dispositions, de celles de l'article 4 de la loi du 19 juillet 1977 susvisée ; qu'en effet, à supposer même que la constitution de Coborail revête les caractères d'une concentration au sens de ce dernier article, cette circonstance serait sans influence sur l'appréciation qu'il y a lieu de porter sur des comportements anticoncurrentiels par application de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945.

Sur l'application des dispositions de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483

Considérant que la société Coborail-Extrapo et les autres membres du groupement exposent que la société Coborail puis Coborail-Extrapo ont été l'instrument commercial de l'association ALBR, puis AIBRPL, dont les objectifs étaient de permettre l'assainissement de la profession par une réduction de la capacité globale de production, la recherche d'une meilleure productivité, la spécialisation et les fermetures d'entreprises en surnombre, la régulation du marché et le développement des actions à l'exportation ; que cette association a notamment été créée pour mettre en application les dispositions du décret n° 55-877 du 30 juin 1955 et, qu'à ce titre elle a été agréée et contrôlée par l'administration de 1962 à 1986;

Considérant, d'une part, que les intéressés ne peuvent invoquer le 1° de l'article 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 pour faire valoir qu'ils se sont bornés à faire application d'un texte réglementaires ; qu'en effet, en application du 1° de cet article, les textes de forme réglementaire intervenus avant le 31 octobre 1967 ont cessé de pouvoir être invoqués à décharge depuis le 1er janvier 1969 ; que d'ailleurs le décret du 30 juin 1955 n'a eu ni pour objet ni pour effet d'autoriser des pratiques faisant obstacle au jeu de la concurrence;

Considérant, d'autre part, que les intéressés se prévalent également des dispositions du 2° de l'article 51 de la même ordonnance; qu'ils font valoir que de 1961 à 1987 le nombre des entreprises a été ramené de vingt et un à huit, que le nombre de chantiers a été réduit de trente-trois à huit et que les effectifs du personnel sont passés de 579 à 54 personnes, par l'action conjuguée de l'association et de Coborail, laquelle a permis de maintenir en activité les quelques entreprises capables de répondre à la demande résiduelle du marché et d'assurer une présence à l'étranger tout en maintenant une industrie qui présente un intérêt économique certain;

Considérant toutefois que, si la demande, du moins sur le marché français, a connu, au cours des années, une régression qui pouvait appeler une réorganisation de la production, il n'a pu être produit, à l'instruction du dossier, de programme délibéré de restructuration industrielle de ce secteur ; qu'il faut d'ailleurs noter que trois entreprises nouvelles sont entrées sur le marché ; qu'il n'est en outre pas établi que la contraction constatée de l'appareil de production, qui résulte d'ailleurs de décisions spontanées des entreprises, n'aurait pu être observée sans le recours à la fixation préalable et concertée de quotas de production et des prix de vente; qu'en conséquence la société Coborail-Extrapo ne saurait bénéficier de l'exception prévue au 2° de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945;

En ce qui concerne les marchés passés avec la SNCF,

Considérant, d'une part, que, pendant la période non prescrite, des réunions de concertation ont eu lieu pour présenter à la SNCF des propositions communes de prix et de quantités en réponse à des appels d'offres lancés par ce client ; que les entreprises Bois Imprégnés, Beaumartin et Rollin et Dupret ont participé aux réunions concernant quatre appels d'offres ; que l'entreprise Gaillard a participé aux réunions concernant trois appels d'offres que la société Satib a participé aux réunions relatives à deux appels d'offres ; les sociétés Hudelot-Escalie, Forèzienne d'imprégnation des bois et Corrèze-Bois ont participé à une réunion concernant un appel d'offres ; que l'importance et l'influence du client sur le marché ne sauraient justifier de telles concertations qui faussent le libre jeu de la concurrence et entraînent une hausse artificielle des prix ; que le fait que la SNCF n'ait pas retenu certaines des propositions présentées n'est pas de nature à faire disparaître l'infraction commise ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas du dossier que la SNCF ait favorisé ces ententes par le biais de négociations préalables qu'elle aurait suscitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pratiques examinées tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et qu'elles ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 51 de ladite ordonnance ;

Sur les suites à donner

Considérant que les pratiques constatées imputables à Coborail-Extrapo et aux entreprises précitées et qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 susvisée sans pouvoir bénéficier de celles de son article 51, sont également visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il y a lieu, par application de l'article 13 de ladite ordonnance, et en tenant compte des circonstances propres à l'espèce, de prononcer des sanctions pécuniaires,

Décide

Art. 1er. Il est enjoint à la société Coborail-Extrapo de cesser d'établir et de mettre en œuvre par quelque voie que ce soit des quotas de production applicables à ses membres et des barèmes de prix de vente de produits et de services du type de ceux mentionnés dans la présente décision.

Art. 2. Il est infligé à la société Coborail-Extrapo une sanction pécuniaire de 300 000 F.

Art. 3. Du fait des comportements d'entente portant sur les appels d'offres de la SNCF, sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- 40 000 F à chacune des sociétés Bois Imprégnés, Beaumartin, Rollin et Dupret et Etablissements Gaillard;

- 20 000 F à la société immobilière de Marthon et à chacune des sociétés Corréze-Bois, Forèzienne d'imprégnation des bois et Hudelot-Escalie.

Art. 4. Le texte intégral de la présente décision sera publiée aux frais de la société Coborail-Extrapo dans les revues La Vie du rail et Le Moniteur du bâtiment et des travaux publics.

La justification de cette publication sera adressée au Conseil dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.