Conseil Conc., 14 juin 1988, n° 88-D-25
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par différentes entreprises de génie climatique lors de l'attribution de marchés publics et privés dans les régions Provence, Côte d'Azur et Rhône-Alpes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en section, sur le rapport de M. J. Carole, où siégeaient M. Béteille, Vice-Président, présidant ; MM. Bon, Cerruti, Fries, Mme Lorenceau, M. Schmidt.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la saisine de la Commission de la concurrence par le ministre chargé de l'Economie du 10 février 1986, Vu les ordonnances nos 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et à la répression des infractions à la législation économique, Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application de cette ordonnance, Vu les observations présentées par les parties, Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, et les parties entendus, retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :
I Constatations
Les constatations résultent d'une enquête menée auprès de la société Bergeon et Cie. Cette enquête a permis la saisie, le 15 mai 1984, de différents carnets de notes rédigés par des responsables de la société Bergeon et Cie. Certaines de ces notes sont en rapport avec différents marchés publics ou privés dans les régions Provence, Côte d'Azur et Rhône-Alpes :
- le marché du loto national (centre de traitement de Vitrolles),
- le marché de l'établissement Ma Maison (pour le compte des Petites Soeurs des pauvres à Lyon),
- le marché de la gare de Marseille (Saint-Charles),
- le marché du centre Kléber (caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône),
- le marché du centre La Gavotte (caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône),
- le marché du centre Bonneveine (caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône),
- le marché du métro de Marseille.
Les marchés ci-dessus énumérés ont tous été lancés selon la procédure d'appel d'offres, qui suppose que les offres des divers soumissionnaires ne peuvent être connues avant l'ouverture des plis.
Dans le cas du marché du loto national, le dossier d'appel d'offres était adressé le 6 avril 1984 aux entreprises Laurent Bouillet Entreprise SA, Albouy SA, Etablissements Icart fils SA, Bergeon et Cie, Baret et société Marseillaise du froid. Seules les quatre premières ont déposé une offre entre le 20 et le 26 avril 1984. Parmi les documents saisis dans la société Bergeon et Cie figure une page du carnet tenu par le directeur commercial de cette entreprise, M. Mandicourt, qui comporte les initiales des sociétés Laurent Bouillet Entreprise SA, Albouy SA, Société marseillaise du froid ainsi que le nom des Etablissements Icart fils. En face du nom des trois premières entreprises figurent des montants. Les montants correspondant aux noms des sociétés Laurent Bouillet Entreprise SA et Albouy SA sont proches mais différents de ceux de leur offre effective.
Dans le cas du marché de l'établissement Ma Maison à Lyon, pour lequel l'ouverture des plis a eu lieu le 2 novembre 1982, dix noms de sociétés sont notés dans le carnet de M. Mandicourt en dessous de l'inscription soulignée " réunion Ma Maison 10-09-82 ". Des numéros d'ordre sont inscrits en face du nom des six entreprises suivantes : Danto Rogeat Entreprise, Installation thermique lyonnaise, Bergeon et Cie, Armand Interchauffage, Laurent Bouillet Entreprise SA et Sietra Provence. A propos de ces annotations, M. Mandicourt déclare : " les notes que j'ai prises concernent une réunion ayant trait au marché des Petites Soeurs des pauvres à Lyon. Je ne me souviens plus où a eu lieu cette réunion ". Il indique aussi que " la liste des entreprises, ainsi que les numéros figurant à côté de certains noms doivent concerner les résultats de l'appel d'offres ". Cependant, dans trois cas sur six, les numéros d'ordre du document saisi diffèrent de la place occupée par les entreprises compte tenu du montant de leur offre effective, et pour les quatre autres entreprises de la liste non accompagnée d'un numéro d'ordre, une a soumissionné et trois n'ont pas répondu à l'appel d'offres.
Pour le marché de la gare de Marseille, dont l'appel d'offres a été lancé le 12 mars 1982 et la remise des plis fixée au 2 avril 1982, les notes du carnet du directeur commercial de la société Bergeon et Cie portent les noms de sept entreprises à côté desquels Sont inscrites des sommes : Bergeon et Cie, Carrier, Albouy SA, Danto Rogeat Entreprise, Missenart-Quint, Chauffage et Climatisation Sulzer SA et Laurent Bouillet Entreprise SA M. Mandicourt a indiqué qu'il s'agissait des résultats connus après l'ouverture des plis. Cependant, les montants inscrits diffèrent des montants effectifs des offres. Pour l'entreprise Bergeon et Cie elle-même le montant de l'offre effectivement déposée est différent du montant noté par M. Mandicourt. En outre, l'entreprise Albouy SA n'a pas soumissionné, bien que son nom soit affecté d'un montant sur les notes saisies. A l'inverse, l'industrielle de chauffage entreprise a soumissionné bien que son nom ne figure pas sur le document saisi. Enfin, l'enveloppe contenant l'offre de la société Danto Rogeat Entreprise, parvenue deux jours après l'ouverture des plis du 5 avril 1982, n'a été ouverte à la demande de l'enquêteur que le 11 décembre 1984.
Pour le marché du centre Kléber, figurent, dans les notes de M. Mandicourt, sous le titre " résultat Kléber " une liste de douze noms d'entreprises dont les six suivants sont accompagnés d'un montant : Bergeon et Cie, Carrier, Albouy SA, l'industrielle de chauffage entreprise, Chauffage et climatisation Sulzer SA et Société marseillaise du froid. M. Mandicourt déclare qu'il s'agit des résultats de l'appel d'offres. A l'exception de l'industrielle de chauffage entreprise, les sommes notées ne correspondent pas aux offres réellement faites. De plus, les sociétés Carrier et Chauffage et climatisation Sutzer SA, dont les noms sont suivis dans les notes de M. Mandicourt d'un montant, n'ont pas déposé d'offres. Par ailleurs, cinq noms d'entreprises n'ayant pas participé à l'appel d'offres sont notés et le nom de la société Laurent Bouillet Entreprise SA, qui a participé à l'appel d'offres, est noté sans aucun chiffre.
Pour le marché du centre La Gavotte, sur une page du carnet de M. Mandicourt, sous le titre "résultat CPAM ", des sommes sont notées au regard du nom des sept entreprises suivantes : Bergeon et Cie, Albouy SA, société Marseillaise du froid, Laurent Bouillet Entreprise SA, Etabtissements Icart fils, Chauffage et climatisation Sutzer SA et Carrier. Les montants inscrits tant pour la société Bergeon et Cie elle-même que pour la société Chauffage et climatisation Sutzer SA ne correspondent pas aux résultats de l'appel d'offres. En outre, l'entreprise Carrier, en face du nom de laquelle figure un montant, n'a pas soumissionné.
Pour le marché du centre Bonneveine sont notés sur une page du carnet de M. Mandicourt, sous le titre résultat AO, les noms des huit entreprises suivantes accompagnés de montants : Bergeon et Cie, Atbouy SA, l'industrielle de chauffage entreprise, Baret, Laurent, Bouittet entreprise SA, Chauffage et climatisation Sulzer SA, Etabtissements Icart fils et Société marseillaise du froid. Les montants inscrits sont voisins mais différents des offres effectivement présentées pour les entreprises Bergeon et Cie et Société marseillaise du froid les sociétés Chauffage et climatisation Sulzer SA et Atbouy SA, pour lesquelles figurent des montants dans les notes saisies, n'ont, pour leur part, pas soumissionné.
Enfin, en ce qui concerne le marché du métro de Marseille, dont l'appel d'offres a été lancé à la fin de 1983 et la remise des plis fixée au 9 janvier 1984, des pages d'un carnet rédigées par M. Cienzo, ingénieur commercial de la société Bergeon et Cie, rapportent aux offres éventuettes de six entreprises : Anciens Ateliers Tetefort et Pic, Nouvelles Techniques du conditionnement d'air, Entreprises Gagneraud Père et Fils, Aulanier, Laurent Bouillet Entreprise SA et Chaniot SA M. Cienzo déclare que ces notes rendent compte des résultats de l'appel d'offres connus alors qu'il assistait à la séance d'ouverture des plis. Le jury d'appel d'offres chargé de l'ouverture des plis ne comprenait aucun représentant de l'une ou l'autre des entreprises soumissionnaires. Par ailleurs, un montant figure au regard du nom de l'entreprise Aulanier alors même que celle-ci n'a pas soumissionné. Enfin, le nom de l'attributaire du marché, l'entreprise SGAD, ainsi que le montant de son offre ne figurent pas sur ces notes.
L'enquête a également permis la saisie d'un échange de courrier entre la sociétés Sietra Provence et Bergeon et Cie, en rapport avec le marché de l'établissement Ma Maison à Lyon. La Sodeteg, maître d'œuvre pour le compte des Petites Soeurs des pauvres, après l'ouverture des plis du 2 novembre 1982, a adressé le 10 novembre 1982 aux entreprises retenues un questionnaire pour la mise en conformité de leurs offres avec les spécifications techniques de l'ouvrage. La société Sietra Provence a expédié ce questionnaire le 15 novembre à la société Bergeon et Cie qui le lui a renvoyé le 18 novembre après en avoir rempli la colonne " réponses ". Ainsi, l'offre définitive de la société Sietra Provence a, en fait, été établie par la société Bergeon et Cie.
La société Bergeon et Cie, qui a participé aux sept marchés en cause, a été à six reprises la mieux placée du point de vue des prix pour l'emporter. Dans le septième cas, celui du marché du métro de Marseille, elle s'est trouvée cependant faire une offre plus élevée qu'une autre entreprise ne lui ayant pas fourni de renseignements sur le montant de sa soumission.
II. A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence
1. Sur la procédure
Considérant que dans sa lettre du 25 avril 1988 la société Nouvelles Techniques du conditionnement d'air prétend ne pas avoir reçu le rapport du 21 septembre 1987 que cependant il résulte du dossier que ce rapport a été adressé à la société intéressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 21 septembre 1987 que ce fait a été confirmé par les correspondances, jointes au dossier, des bureaux de poste émetteurs de Paris RP et récepteur de Marseille 08; qu'au surplus, une copie de ce rapport a été communiquée à la société à sa demande du 26 mai 1988 et qu'un délai raisonnable lui a été laissé après ce nouvel envoi pour leur examen.
Considérant, d'une part, que la société Danto Rogeat Entreprise expose qu'un procès-verbal de saisie de documents du 15 mai 1984, faisant partie du dossier, ne figure pas dans les annexes jointes au rapport que, cependant, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les documents saisis le 15 mai 1984 sur lesquels se fondait le rapporteur étaient joints en annexe à son rapport qu'en outre la société Danto Rogeat Entreprise avait pu consulter l'intrégralité du dossier pendant les deux mois ayant suivi la notification des griefs; qu'enfin, à la demande de la société, les procès-verbaux de saisie des documents susvisés lui ont été communiqués, ainsi qu'à l'ensemble des parties, cette commmunication étant assortie d'un délai raisonnable pour permettre leur examen.
Considérant, d'autre part, que la société Danto Rogeat Entreprise prétend que les procès-verbaux de saisie du 15 mai 1984 n'ont pas interrompu la prescription et que seuls interrompent la prescription les procès-verbaux de constatation; qu'il résulte d'une jurisprudence constante, d'ailleurs rappelée par la Commission de la concurrence dans son avis du 29 mars 1984 sur la " situation de la concurrence dans le secteur des plafonds en fibre minérale ", que des procès-verbaux de saisie constituent des actes de poursuite interruptifs de prescription.
Considérant, enfin, que la société Danto Rogeat Entreprise souligne que les procès-verbaux de saisie ont été établis, non pas dans ses locaux mais au siège de la société Bergeon et Cie qu'elle prétend que, dès lors, de tels actes ne sont pas de nature à interrompre la prescription à son encontre; que, cependant, les faits révélés étant susceptibles de constituer une pratique d'entente illicite entre plusieurs entreprises, ces actes interrompent la prescription à l'égard de l'ensemble des entreprises mises en cause.
Considérant que la société Danto Rogeat tire argument de ce que, dans le cas du marché Ma Maison, le rapporteur aurait été au-delà de l'analyse figurant au rapport administratif; que, cependant, le Conseil n'est pas lié par l'analyse de l'administration dès tors que les qualifications qu'il retient correspondent à des griefs qui ont été régulièrement notifiés aux parties conformément aux dispositions de l'article 21 du 1er décembre 1986.
2. Sur le fond
Considérant que, hormis le cas où ils se traduisent par le dépôt d'offres conjointes et solidaires, les échanges d'informations entre entreprises soumissionnaires à un même marché, préalablement au dépôt effectif, sont de nature à limiter l'intensité de la concurrence entre les entreprises en cause.
Considérant que, dans le cas du marché du loto national, les notes saisies, rédigées par M, Mandicourt, responsable de la société Bergeon et de, ne peuvent, contrairement à ses affirmations, correspondre à " des informations, données auprès l'ouverture des plis " qu'en effet les montants figurant sur ces notes ne correspondent pas aux montants des offres présentées par Laurent Bouillet Entreprise SA, ni par Albouy SA, ; que par ailleurs, un montant figure au regard du nom de la Société marseillaise du froid, alors que cette entreprise n'a pas présenté d'offre ; qu'enfin, les Etablissements Icart fils ont, quant à eux, présenté une offre qui ne figure pas sur les : - notes de M. Mandicourt, bien que le nom de cette entreprise soit noté.
Considérant que, de même, dans le cas du marché de l'établissement Ma Maison à Lyon, les informations concernant l'ordre de classement des entreprises n'ont pas été établies, contrairement à ce que soutient M. Mandicourt, postérieurement à l'ouverture des plis qu'en effet celle-ci n'est intervenue que le 2 novembre 1982 alors que la réunion à l'occasion de laquelle ces notes ont été prises, et dont la réalité n'est pas contestée par M. Mandicourt, a eu lieu, selon ses indication écrites, le 10 septembre 1982 ; qu'en outre, trois noms d'entreprises sont inscrits alors qu'elles n'ont pas répondu à l'appel d'offres; que, dans trois cas sur six, les numéros d'ordre du document saisi diffèrent de la place occupée par les entreprises compte tenu du montant de leur offre; qu'enfin, le nom d'une entreprise n'est pas affecté d'un numéro d'ordre, bien qu'elle ait soumissionné.
Considérant que, pour le marché de la gare de Marseille, les notes saisies ne peuvent pas non plus correspondre, contrairement à ce qu'affirme toujours M. Mandicourt, aux résultats connus après l'ouverture des plis ; qu'en effet, les montants inscrits au regard du nom des entreprises diffèrent des montants effectifs des offres y compris pour l'entreprise Bergeon et de elle-même ; qu'en outre, l'entreprise Albouy S,A, n'a pas soumissionné, bien que son nom soit accompagné d'un montant sur les notes ; qu'à l'inverse, l'industrielle de chauffage entreprise a déposé une offre sans que son nom soit noté qu'enfin, l'enveloppe contenant l'offre de la société Danto Rogeat Entreprise, parvenue deux jours après l'ouverture des plis du 5 avril 1982, n'a été ouverte à la demande de l'enquêteur que le Il décembre 1984, alors que les notes saisies reprennent le nom de Danto Rogeat affecté d'un montant, d'ailleurs différent du montant contenu dans l'enveloppe.
Considérant que les déclarations de M. Mandicourt selon lesquelles les notes figurant sous l'intitulé " Résultats Kléber auraient été établies au vu des résultats de l'appel d'offres concernant le marché Kléber ne peuvent être retenues ; qu'en effet, à l'exception du cas de l'Industrielle de chauffage entreprise, les sommes notées ne correspondent pas aux offres réellement faites ; qu'en Outre, la société Carrier et la société Chauffage et climatisation Sulzer SA voient leur nom suivi d'un montant, bien qu'elles n'aient pas soumissionné ; que cinq noms d'entreprises sont notés alors qu'aucune d'entre elles n'a participé à l'appel d'offres ; qu'enfin, le nom de la société Laurent Bouillet Entreprise SA, qui a participé à l'appel d'offres, est noté sans aucun chiffre.
Considérant que les notes prises à propos du marché du centre La Gavotte, et figurant sous la mention Résultat CPAM ", ne peuvent correspondre au résultat de l'ouverture des plis ; qu'en effet, les montants inscrits tant pour la montants inscrits tant pour la société Bergeon et Cie elle- même que pour la société Chauffage et climatisation Suizer SA sont différents des soumissions qu'elles ont présentées ; qu'en outre, l'entreprise Carrier, dont le nom est affecté d'un montant, n'a pas soumissionné.
Considérant que, pour le marché du centre Bonneveine, les notes saisies, figurant sous la mention "résultat AO ", ne peuvent correspondre au résultat de l'ouverture des plis ; qu'en effet, les montants inscrits diffèrent des offres définitives pour les sociétés Bergeon et Cie et Société marseillaise du froid ; qu'en outre, les sociétés Chauffage et climatisation Sulzer SA et Albouy SA n'ont pas soumissionné bien que leur nom soit affecté d'un montant sur les notes saisies.
Considérant que, dans le cas du marché du métro de Marseille, les notes saisies, rédigées par M. Cienzo pour le compte de la société Bergeon et Cie, ne peuvent pas davantage correspondre au résultat de l'ouverture des plis ; que M. Cienzo déclare à cet effet qu'il s'agit des résultats de l'appel d'offres connus alors qu'il assistait à la séance d'ouverture des plis ; que le jury d'appel d'offres chargé de l'ouverture des plis ne comprenait aucun representant de l'une ou l'autre des entreprises soumissionnaires ; qu'en outre, un montant figure dans ces notes au regard du nom de l'entreprise Aulanier qui n'a pas soumissionné; qu'enfin, le nom de l'attributaire du marché ainsi que son offre ne figurent pas sur les documents rédigés par M. Cienzo.
Considérant que certaines des parties allèguent qu'à supposer que les notes trouvées au siège de la société Bergeon et Cie retranscrivent des informations qui auraient été fournies à cette société antérieurement à la remise des plis de chacun des marchés considérés, ce fait n'établit pas pour autant l'existence d'un échange d'informations entre entreprises soumissionnaires ; qu'elles soutiennent que ces informations auraient pu être transmises soit par certains de leurs employés indiscrets, soit par les maîtres d'ouvrage, soit encore par des bureaux d'études techniques communs à plusieurs entreprises soumissionnaires, chargés d'étudier les conditions des offres ; que ces hypothèses ne peuvent être retenues ; qu'à supposer que les informations aient été transmises à la société Bergeon et Cie par des employés des entreprises en cause, ce ne serait pas de nature à modifier l'appréciation des faits ; que les parties n'apportent aucun élément établissant que les divers maîtres d'ouvrage auraient pu avoir connaissance des offres qu'elles se proposaient de déposer avant la remise effective des plis ; qu'elles n'apportent aucun élément établissant qu'elles ont eu recours pour les marchés en cause à des bureaux d'études communs.
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour chacun des marchés susvisés, un faisceau d'indices précis et concordants établit que la société Bergeon et Cie a procédé avec certains de ses concurrents à des échanges d'informations sur les soumissions qu'ils projetaient de déposer ; qu'ont ainsi participé à des pratiques pouvant avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur ces marchés, outre la société Bergeon et Cie.
La société Laurent Bouillet entreprise SA, à l'occasion de six marchés : le marché du loto national, celui des Petites Soeurs des pauvres, celui de la SNCF (gare Saint-Charles à Marseille), ceux des centres La Gavotte et Bonneveine (CPAM des Bouches-du-Rhône) et celui du métro de Marseille ;
La société Albouy SA, à l'occasion de trois marchés : le marché du loto national, ceux des centres Kléber et La Gavotte (CPAM des Bouches-du-Rhône);
La Société marseillaise du froid, à l'occasion de trois marchés ceux des centres Kléber, La Gavotte et Bonneveine (CPAM des Bouches-du-Rhône);
La société Chauffage et climatisation Sutzer SA, à l'occasion de deux marchés : celui de la SNCF et celui du centre La Gavotte (CPAM des Bouches-du-Rhône);
La société Danto Rogeat Entreprise, à l'occasion de deux marchés : celui des Petites Soeurs des pauvres à Lyon et celui de la SNCF;
La société L'industrielle de chauffage entreprise (ICE), à l'occasion de deux marchés : ceux des centres Kléber et Bonneveine (CPAM des Bouches-du-Rhône);
La société Etablissements Icart fils, à l'occasion de deux marchés : ceux des centres La Gavotte et Bonneveine (CPAM des Bouches-du-Rhône);
La société Carrier (devenue société Haden), à l'occasion du marché de la SNCF;
La société l'Installation thermique lyonnaise (ITL), à l'occasion du marché des Petites Soeurs des pauvres à Lyon ;
La société Armand Interchauffage, à l'occasion du marché des Petites Soeurs des pauvres à Lyon ;
La société Missenart-Quint, à l'occasion du marché de la SNCF;
La société Baret, à l'occasion du marché du centre Bonneveine (CPAM des Bouches-du-Rhône) ;
Les sociétés Chaniot SA, Nouvelles techniques du conditionnement d'air (NTCA), Anciens ateliers Tetefort et Pic, et d'Exploitation des entreprises Gagneraud père et fils, à l'occasion du marché du métro de Marseille.
Considérant en outre que, à l'occasion du marché Ma Maison, l'échange de courriers datés du 15 et du 18 novembre 1982, et donc postérieur à l'ouverture des plis du 2 novembre 1982, entre les sociétés Sietra Provence et Bergeon et Cie, qui a rempli pour le compte de Sietra Provence un questionnaire émanant du maître d'œuvre destiné à la mise en conformité des offres avec les spécifications techniques liées à la réalisation de l'ouvrage, constitue également une pratique concertée qui a eu pour objet et pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre ces entreprises.
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les pratiques relevées tombaient sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; qu'en l'espèce aucun fait ne peut être invoqué aux fins de bénéficier des dispositions de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; que de telles pratiques sont également prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Considérant qu'il y a lieu d'appliquer des sanctions pécuniaires aux sociétés Bergeon et Cie et Sietra Provence, en raison de leur comportement dans la présente affaire,
Décide
Art. 1. Il est infligé une sanction pécuniaire de 300 000 F à la société Bergeon et Cie et une de 100 000 F à la société Sietra Provence.
Art. 2. Dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, le texte intégral de celle sera publié aux frais de la société Bergeon et Cie dans Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment.