CA Paris, 1re ch. A, 10 mars 1988, n° ECOC8810043X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Groupement national des carrossiers réparateurs (GNCR)
Défendeur :
Le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Drai
Conseillers :
Mme Montagnier, M. Gourlet
Avocat :
Me Amblard.
LA COUR,
Considérant que par décision n° 87-D-36 du 7 octobre 1987, le Conseil de la concurrence a déclaré non recevable la saisine enregistrée sous le numéro C.52 présentée par le Groupement national des carrossiers réparateurs (GNCR) relative au comportement du bureau commun automobile et à l'organisation de l'expertise en matière de réparation automobile en estimant que :
1. Il ne lui appartient pas de veiller à l'application de la loi du 11 décembre 1972 relative à l'organisation de la profession d'expert automobile ni au respect des règles de droit civil invoquées ;
2. Seul le ministre chargé de l'Economie peut soumettre au conseil, pour avis, les concentrations ou projet de concentrations ;
3. Le GNCR se borne à formuler des allégations relatives aux pratiques anti-concurrentielles dénoncées " sans apporter d'éléments à l'appui de ses dires " ;
Considérant que, le 13 novembre 1987, le GNCR a saisi la Cour d'appel de Paris d'un recours tendant à obtenir que cette décision soit annulée ou réformée ;
Considérant que, par observations du 1er février 1988, le GNCR, renonçant à solliciter la réformation, limite sa demande à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de l'affaire devant le Conseil de la concurrence;
Qu'au soutien de cette prétention, il fait valoir essentiellement que:
1. La décision constitue un refus caractérisé d'examiner si les pratiques qui sont dénoncées au Conseil de la concurrence, conformément à l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, entrent ou non dans le champ d'application des articles 7 et 8 de cette ordonnance, refus allant même jusqu'à caractériser un déni de justice, contraire aux dispositions de l'article 4 du Code civil ;
2. Que cette décision, rendue après que la requête ait été soumise à l'examen préalable du Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, le commissaire du Gouvernement et le rapporteur général entendus, a méconnu le caractère contradictoire du débat exigé par l'article 18 de l'ordonnance, le demandeur n'ayant pas eu connaissance de la réponse de l'administration ni des observations formulées.
Considérant que le ministre chargé de l'Economie conclut au rejet du recours du GNCR, en soutenant que les pratiques alléguées n'entrent pas dans le champ de la compétence du conseil tel que précisé par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants;
Considérant qu'aucune réplique écrite n'a été opposée au grief concernant la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure;
Considérant qu'usant de la faculté prévue par l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, le Conseil de la concurrence a présenté des observations écrites au soutien de sa décision;
Sur quoi, LA COUR :
Considérant qu'en déclarant non recevable, par une décision motivée, la saisine du GNCR, le Conseil de la concurrence a fait application de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'au préalable, la requête du président du GNCR avait été communiquée par le Conseil de la concurrence, pour examen, au ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation et que, par lettre du 14 septembre 1987, le Directeur Général de la Concurrence et de la Répression des Fraudes avait estimé que la saisine pourrait être déclarée irrecevable ;
Considérant que cet avis n'a pas été porté à la connaissance du demandeur, lequel ne " l'a découvert " que devant la cour;
Considérant qu'en application de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'instruction et la procédure devant le Conseil de la concurrence sont pleinement contradictoires;
Considérant que la procédure commence avec le dépôt de la requête saisissant le Conseil de la concurrence, qu'elle doit donc, dès ce moment, prendre un caractère contradictoire, ce qui implique que les éléments recueillis par le conseil ou qui lui sont soumis soient connus du requérant;
Que, pour satisfaire à cette obligation, la lettre du Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes exprimant, de manière détaillée, l'avis que la requête pourrait être déclarée irrecevable aurait dû être communiquée au GNCR afin de lui permettre de répondre aux arguments développés;
Que l'omission de cette formalité essentielle constitue, en violation des dispositions impératives de l'article 18, une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure qui doit conduire à l'annulation de la décision entreprise.
Par ces motifs: LA COUR, Vu les articles 18 et 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Annule la décision n° 87-D-36 du 7 octobre 1987 du Conseil de la concurrence; Remet la cause au même état où elle se trouvait avant cette décision ; Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.