CA Paris, 8e ch. A, 22 juin 1999, n° 1996-07292
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Magnier
Défendeur :
Crédit Lyonnais (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sauteraud
Conseillers :
MM. Mazières, Piquard
Avoués :
Me Careto, SCP Hardouin-Herscovici
Avocat :
Me Renavand.
Mme Ho Chun Chang épouse Magnier cliente du Crédit Lyonnais soutient avoir effectué le 5 octobre 1994 un dépôt d'espèces d'un montant de 30 000 F au guichet libre service de l'Agence de Levallois-Perret de cette banque.
Ce dépôt d'espèces contesté dans sa matérialité par le Crédit Lyonnais n'a pas été crédité sur le compte de Mme Magnier qui a assigné la banque devant le Tribunal d'instance du 13e arrondissement de Paris lequel par jugement du 16 novembre 1995 s'est ainsi prononcé :
- déboute Mme Ho Chun Chang épouse Magnier de l'ensemble de ses demandes,
- la condamne à payer au Crédit Lyonnais 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamne aux dépens.
Le juge a estimé qu'il appartenait à Mme Magnier d'apporter la preuve du dépôt effectif de la somme prétendue.
Le ticket délivré par l'appareil ne peut constituer un quelconque commencement de preuve alors qu'il est renseigné par la personne même du déposant.
Ledit ticket porte la mention claire du fait que " la reconnaissance des espèces et des remises de chèques effectuée à posteriori par le Crédit Lyonnais fera seule preuve de la réalité et de la consistance des fonds et chèques déposés ".
Mme Ho Chun Chang épouse Magnier appelante a ainsi conclu son argumentation :
- dire le Crédit Lyonnais responsable pour n'avoir pas inscrit au crédit du compte de Mme Ho Chun Chang épouse Magnier la somme de 30 000 F déposée par elle, ceci en méconnaissance de l'obligation de sécurité et de vigilance à sa charge, et de l'obligation déterminée de sécurité qui pèse sur lui en raison du service rémunéré qu'il a proposé à sa cliente, ceci sur le fondement des articles 1147, 1927 et suivants et 1992 et suivants du Code civil, de l'article L. 132-1 annexe c) du Code de la consommation et de l'article 7-1 de la Recommandation européenne du 17 novembre 1988,
- condamner le Crédit Lyonnais à payer à Mme Magnier :
- 30 000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 1994,
- 5 000 F à titre de dommages-intérêts en suite du trouble porté à la jouissance paisible de ses finances par l'appelante,
- 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens.
Mme Magnier a fait valoir :
- qu'elle est en possession d'un récépissé qui établit, jusqu'à preuve contraire, que la somme a été déposée,
- que la matérialité du dépôt et le montant de la somme sont attestés par un témoin présent sur les lieux,
- la réserve mentionnée sur le ticket délivré par l'appareil aurait un caractère abusif: l'exécution des prestations par le professionnel est assujetti à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté,
- le Crédit Lyonnais serait débiteur d'une obligation de garantir la fiabilité du service qu'il propose,
- la Recommandation européenne du 17 novembre 1988 article 7-1 dispose que la banque est responsable de l'exécution fautive des opérations, même lorsqu'elles sont effectuées par un appareil électronique sur lequel il n'a pas de contrôle direct et exclusif.
Le Crédit Lyonnais a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme Ho Chun Chang épouse Magnier à lui payer la somme de 6 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les dépens.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'il appartient à la déposante de rapporter la preuve de la matérialité du dépôt qu'elle prétend avoir effectué ;
Considérant que le ticket délivré par l'appareil précise : "la reconnaissance des espèces et des remises de chèques effectuée a posteriori par le Crédit Lyonnais fera seule preuve vis-à-vis du remettant de la réalité et de la consistance des fonds et chèques déposés... les versements sont crédités sous réserve de vérification" ;
Considérant qu'il n'a été trouvé aucune trace du versement prétendu;
Considérant que le ticket délivré par l'appareil automatique, avant la remise effective des fonds, ne peut valoir preuve de la réalité du dépôt ni de son montant alors qu'il est renseigné pour le seul usager lequel peut volontairement ou involontairement indiquer un montant inexact ou ne procéder à aucun dépôt dans l'appareil après la délivrance du ticket ;
Considérant que le témoignage versé aux débats d'un certain Raphaël Demanesse n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile en ce qu'il ne comporte pas l'état civil exact du témoin, n'indique pas qu'il est établi en vue de sa production en justice et n'est accompagné d'aucun document justificatif d'identité ;
Considérant que ce témoignage est en outre écrit de la même main que la réclamation signée par Mme Magnier adressée au Crédit Lyonnais; qu'il comporte une erreur manifeste dans la relation de la procédure d'émission et de dépôt du ticket délivré par l'appareil, relation qui ne correspond pas au mode de fonctionnement effectif de la machine : la délivrance du ticket à placer dans l'enveloppe contenant les fonds et de l'exemplaire à conserver par le déposant est simultanée et non successive comme le prétend l'attestation ;
Considérant que la clause par laquelle le Crédit Lyonnais se réserve de vérifier la réalité et le montant effectif des dépôts comme de ne créditer les comptes du déposant qu'après encaissement effectif des chèques n'a aucun caractère abusif et n'est aucunement spécifique des seules opérations traitées à partir d'un guichet automatique ;
Considérant que l'espèce ne révèle aucun dysfonctionnement de l'appareil, aucune exécution fautive des opérations dont la banque devrait être tenue responsable, aucune défaillance du service proposé à la clientèle, laquelle peut au demeurant préférer procéder à ses dépôt aux guichets de la banque et bénéficier ainsi, s'agissant d'espèces, d'un comptage immédiat ;
Considérant que dans le cas d'une remise de fonds ou de chèques dans un guichet automatique, la vérification est nécessairement différée jusqu'à l'ouverture des containers par le Crédit Lyonnais ou son mandataire habilité ; qu'il a été constaté en l'espèce l'absence de tout dépôt correspondant à celui prétendu ;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du Crédit Lyonnais ses frais irrépétibles d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris ; Condamne Mme Ho Chun Chang épouse Magnier aux dépens d'appel ; Admet la SCP Hardouin-Herscovici, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.