Livv
Décisions

CA Riom, ch. com., 24 avril 2002, n° 01-02134

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Granone

Défendeur :

Ricoux (SA), Renault (SA), Axa Assurances IARD (Cie)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardel

Conseillers :

M. Despierres, Mme Jean

Avoués :

Mes Rahon, Lecocq, SCP Goutet Arnaud

Avocats :

SCP Chassaigne-Pailloncy, Mes Nakache, Tournaire.

CA Riom n° 01-02134

24 avril 2002

Attendu que l'ordonnance de clôture a été rendue le 31/01/2002 ; que par conclusions du 26 mars 2002 Mme Granone demande sa révocation; que la SA Renault s'y oppose;

Attendu que l'appelante se prévaut d'un rapport d'expertise de M. Cetabannes qui stigmatiserait les risques encourus du fait de l'utilisation d'un airbag;

Attendu qu'il n'est ni justifié, ni même allégué que cet élément serait parvenu à la connaissance de Mme Granone postérieurement à l'ordonnance de clôture;

Attendu de surcroît qu'il n'est pas établi en quoi ce rapport intéressant une autre affaire serait indispensable à la solution du litige;

Attendu qu'il n'existe aucune cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture;

Attendu que le 12 mars 1999 Mme Granone a acquis un véhicule Renault Twingo auprès des établissements Ricoux ; que le 2 novembre 1999, alors qu'elle circulait sur la RI) 41, elle perdait le contrôle du véhicule qui entrait en collision avec un camion arrivant en sens inverse; que sous l'effet du choc le coussin gonflable de sécurité, dit airbag, se déclenchait ; que Mme Granone subissait alors diverses brûlures du pavillon de l'oreille droite, de la joue droite, du menton et du nez, des brûlures avec dermabrasion et hématome cutané du front;

Attendu qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire Menes que les lésions constatées sur l'oreille, la joue, une partie du menton et la partie droite du cou peuvent être considérées comme conséquences directes certaines et exclusives du fonctionnement du coussin gonflable;

Attendu que l'expert judiciaire Delarbre expose que l'airbag s'est déclenché de manière tout à fait normale ; que le ballon s'est gonflé ; qu'ensuite les évents se sont ouverts, laissant échapper l'air chaud qui le remplissait; que lors de l'accident, les roues étant braquées, les évents se sont ouverts dans une position verticale en haut et en bas,

Attendu qu'il considère qu'il n'y a eu, sur un plan technique aucune défectuosité du système;

Attendu qu'il n'est pas contestable que Mme Granone a subi des brûlures lors de l'évacuation de l'air chaud remplissant le coussin étant observé par l'expert que le gaz produit par le générateur pyrotechnique sort dans le coussin à une température de 1500° à 3000° selon le type de combustible, la température à la sortie des évents étant d'environ 80° C;

Attendu qu'aux termes de l'article 1386-4 du Code civil un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité â laquelle on peut légitimement s'attendre; que dans l'appréciation de cette sécurité il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation;

Attendu en outre que l'article 1386-10 dudit Code dispose que le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans les règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative;

Attendu en l'espèce qu'il est constant que si le coussin gonflable équipant le véhicule de Mme Granone permettait d'amortir un choc et de limiter les dommages corporels subis par le conducteur. Il n'en demeure pas moins que du fait de sa conception, notamment du positionnement des évents d'évacuation de l'air chaud en fonction de la position du volant, il était de nature à créer un danger pour l'utilisateur susceptible d'être atteint de brûlures;

Attendu que l'utilisateur d'un véhicule équipé d'un coussin gonflable de sécurité ne peut légitimement s'attendre â être brûlé, étant de surcroît observé qu'il n'est pas contesté que ni le fabricant, ni le vendeur ne l'ont informé des risques encourus à cet égard;

Attendu qu'au moment de la mise en circulation du produit Mme Granone pouvait raisonnablement s'attendre à une limitation des effets de l'impact; qu'elle ne pouvait cependant subodorer que le système mis en place lui causerait un dommage corporel spécifique, indépendant des séquelles entraînées directement par le choc;

Attendu que la circonstance que le coussin gonflable ait considérablement atténué les dommages corporels, autres que les brûlures, à la supposer démontrée, ne saurait exclure la mise en œuvre de la responsabilité au titre du produit défectueux;

Attendu que ni la société Renault, ni la société Ricoux, vendeur et responsable du défaut de sécurité du produit eu application de l'article 1386-7 du Code civil, ne prouvent une cause exonératoire ; qu'il n'est notamment pas démontré que l'état des connaissances techniques et scientifiques au moment de la mise en circulation ne permettaient pas de déceler l'existence du défaut;

Attendu dans ces conditions que l'appelante prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que surabondamment elle se prévaut à juste titre d'un manquement à l'obligation d'information due par le vendeur;

Attendu enfin que la directive du 25 juillet 1985 n'a pas interdit au législateur national de soumettre le vendeur de produit à l'action en réparation qu'elle prévoit et d'édicter à son égard une responsabilité de plein droit du fait d'un produit défectueux;

Attendu qu'il s'ensuit que les SA Ricoux et Renault doivent être tenues in solidum à réparation; que la SA Ricoux et sa Compagnie d'assurances la société AXA, seront relevées et garanties à ce titre par la SA Renault, agent producteur, laquelle ne conclut du reste pas sur cette demande en garantie;

Attendu que la demande de Mme Granone étant accueillie, il ne saurait être question d'abus de procédure de sa part;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement contradictoirement ; Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ; Réforme le jugement entrepris ; Dit les SA Renault et Ricoux tenues in solidum de réparer les dommages causés à Mme Granone par le fonctionnement du coussin gonflable de sécurité équipant son véhicule ; Dit que la SA Renault garantira la SA Ricoux et la Compagnie Axa Assurances IARD au titre de ces dommages ; Déboute la société Ricoux de sa demande de dommages-intérêts ; Sursoit à statuer sur l'évaluation du préjudice jusqu'à constatation de la consolidation de la victime â laquelle il appartiendra de saisir la cour ; Vu l'article 700 du NCPC condamne in solidum la SA Renault et la SA Ricoux garantie par la SA Renault à payer à Mme Granone la somme de 1 000 euros ; Rejette les demandes des autres parties fondées ni cette disposition ; Condamne in solidum les SA Renault et Ricoux aux dépens de première instance et d'appel; Dit que la Société Ricoux sera garantie de ce chef par la SA Renault ; Dit que la SA AXA Assurances IARD supportera ses propres dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC ; Ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour, Mme Granone ayant eu tout loisir de conclure sur le préjudice, un nouvel examen étant prévu par l'expert en novembre 2000.