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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 5 mai 2000, n° 1999-08135

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Taroglass di Carametti et Lusardi (SNC)

Défendeur :

Azerglass (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Karsenty

Conseillers :

Mme Robert, M. Santelli

Avocats :

Mes Bonsirven, Hilbert.

T. com. Villefranche, du 16 déc. 1999

16 décembre 1999

Vu le jugement en date du 16 décembre 1999 qui s'est déclaré compétent pour trancher le litige ;

Vu les conclusions de la société Taroglass Di Carametti et Lusardi tendant à faire constater que le Tribunal civil de Parme est compétent territorialement et renvoyer les parties à se mieux pourvoir ;

Vu les conclusions de la société Azerglass tendant au rejet du contredit et à la condamnation de la société Taroglass, à lui payer la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts pour contredit abusif et la somme de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que par acte en date du 4 janvier 1999, la société Azerglass a demandé au tribunal de condamner la société Taroglass à lui payer les sommes suivantes :

- 220 024 F à titre de rappel de commissionnement, outre intérêts au taux légal à compter de la demande,

- 463 305,24 F à titre de rappel de commissionnement sur préavis, outre intérêt,

- 1 853 221 F à titre d'indemnité de rupture, outre intérêt de droit à compter de la demande ;

Attendu que la société Azerglass soutient qu'en se contentant d'indiquer que les juridictions civiles de Parme en Italie seraient compétentes sans préciser de quelle juridiction civile il s'agirait, la société Taroglass ne se satisfait pas aux exigences de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile, de telle sorte que ces exceptions sont irrecevables ;

Mais attendu qu'il apparaît qu'en Italie, il n'existe qu'un tribunal civil et que le contraire n'est pas démontré ;

Qu'il s'ensuit que le contredit se trouve être recevable ;

Attendu que le contrat d'agent commercial comporte un article 1 qui est ainsi rédigé : "ce mandat d'intérêt commun est conforme au statut des agents commerciaux selon la loi du 25 juin 1991 ;

Que l'article 14 est ainsi libellé "Litiges" ;

"A défaut de solution à l'amiable, tout différent découlant du présent contrat sera soumis aux lois et règlements en vigueur 3 dans le pays de l'agent" ;

Que l'article 15 "Loi Applicable" stipule : "le présent contrat est régi par la loi française" ;

Attendu que la société Azerglass revendique la compétence du Tribunal de commerce de Villefranche et la société Taroglass revendique la compétence du Tribunal civil de Parme;

Attendu qu'en premier lieu, doit être déterminé la juridiction compétente au titre de la compétence ratione materiae ;

Attendu que la société Taroglass inscrite à la section ordinaire, notée aussi dans la section spéciale du registre des artisans, soutient qu'elle a une activité artisanale et qu'en application de l'article 631 du Code du commerce, le tribunal de commerce est incompétent pour connaître du présent litige ;

Attendu qu'à cet égard, la société Azerglass se prévaut de l'article 1er de la loi du 24 juillet 1966 ;

Or, attendu que si l'article 1er de la loi du 24 juillet 1966 dispose en son alinéa 2 "sont commerciales à raison de leur forme et quelque soit leur objet les sociétés en nom collectif, il ne peut être déduit qu'il doit être fait abstraction des effets de l'inscription de la société Taroglass au registre des artisans, alors qu'aucun accord n'est intervenu quant au droit applicable à la société elle-même, et qu'il a été seulement convenu que la loi française s'appliquerait au contrat" ;

Que dès lors, la compétence des juridictions civiles doit être retenue ;

Attendu qu'en ce qui concerne la compétence territoriale, l'article 17 de la convention de Bruxelles dispose "si les parties dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un état contractant sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un état contractant pour connaître des différents nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet état sont compétents;

Attendu toutefois que les clauses attributives de compétence territoriale ne sont opposables qu'à la partie qui en a eu connaissance et l'a acceptée;

Or, attendu que l'article 4 précité qui ne vise que la législation française et ne comporte même pas le terme de juridiction est ambigu, et il ne peut être retenu que la société Taroglass a entendu souscrire une clause d'attribution de compétence territoriale;

Qu'il s'ensuit que la clause invoquée par la société Azerglass ne peut recevoir application;

Attendu que dès lors, doit être prise en considération, la convention de Bruxelles qui dispose en son article 5 ;

"Le défendeur domicilié dans un état contractant peut être attrait dans un autre état contractant en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécuté";

Que le lieu ou l'obligation qui sert de base à la demande doit être exécutée, doit être déterminée conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie en l'espèce la loi française selon la volonté des parties;

Attendu que l'obligation à prendre en considération est celle correspondant au droit contractuel sur lequel se fonde l'action du demandeur;

Qu'en ce qui concerne l'indemnité compensatrice qui constitue l'obligation principale, il appartient à la juridiction de rechercher s'il s'agit d'une obligation contractuelle autonome ou d'une obligation remplaçant celle inexécutée;

Or attendu que l'indemnité compensatrice est due indépendamment du caractère licite ou non de la rupture, en cas de cessation du contrat notamment en cas de maladie de l'agent, que de même les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent;

Que l'obligation de régler une indemnité compensatrice constitue une obligation autonome;

Que s'agissant d'une obligation au paiement, elle doit s'exécuter en application de l'article 1247 au domicile du débiteur;

Qu'il en résulte que le Tribunal civil de Parme se trouve être compétent pour connaître de la demande;

Attendu que la société Azerglass réclame le paiement de commissions et des commissions sur préavis ;

Or, attendu que le paiement de l'indemnité de rupture constitue l'obligation principale ;

Que dès lors, la demande en paiement de commissions et d'indemnité de préavis ne constituant pas des obligations équivalentes, la juridiction italienne est compétente pour connaître de l'ensemble du litige ;

Attendu que la procédure suivie n'a pas eu un caractère abusif ou malicieux mais n'a constitué que l'exercice légitime d'un droit ;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que la société Taroglass doit être condamnée aux dépens;

Par ces motifs : LA COUR, Dit la société Taroglass fondée en son contredit ; Renvoie la société Azerglass à se mieux pourvoir; Dit n'y avoir lieu à paiement de dommages et intérêts et à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Azerglass aux dépens.