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Décisions

CA Paris, 8e ch. B, 30 janvier 1992, n° 91-3870

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ideco (SA)

Défendeur :

Amarge (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dorly

Conseillers :

M. Piquard, Mme Parenty

Avoués :

Me Kieffer Joly, SCP Bollet-Baskal

Avocats :

Mes Fleischel, François.

TI Melun, du 3 juill. 1990

3 juillet 1990

Le 28 septembre 1989, Edmond Amarge et Liliane Oster son épouse, qui avaient fait l'objet d'un démarchage à domicile de la société Ideco, commandèrent au magasin de Dammarie-Les-Lys de celle-ci l'installation d'une cuisine et versèrent la somme de 5 500 F à titre d'acompte.

Le 1er octobre suivant, ils annulèrent cette demande et demandèrent la restitution de la sus-visée.

A la suite d'un refus notifié le 4 octobre 1989 par la société Ideco, ils assignèrent celle-ci devant le Tribunal d'instance de Melun, sur le fondement de la loi du 22 décembre 1972 aux fins de voir :

- constater que les prescriptions de ce texte n'avaient pas été respectées,

- condamner la défenderesse à leur rembourser l'acompte de 5 500 F et à leur payer la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 03/07/1990, ce tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Ideco ;

Sur contredit formé par celle-ci, un arrêt de cette cour du 30/01/1991 (ch. des urgences) a confirmé ce jugement et évoqué l'affaire au fond, invitant les parties à se mettre en état.

Suite à quoi les époux Amarge concluent :

à voir constater au principal la nullité du contrat, subsidiairement l'exercice de leur droit de repentir, en tous cas à la condamnation d'Ideco à leur rembourser 5 500 F, et à leur payer 15 000 F de dommages-intérêts, 10 000 F en application de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile, enfin 10 000 F pour les frais irrépétibles.

Ideco demande le rejet des prétentions adverses, à voir dire et juger que les époux Amarge devront prendre livraison des éléments de leur commande dans les deux mois du commandement qui pourra leur être délivré à cet effet, que passé ce délai ils y seront contraints sous astreinte définitive de 500 F par jour de retard et leur condamnation solidaire à lui payer le solde du prix, soit 40 000 F, outre 15 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR, qui se réfère expressément pour la relation des faits au jugement attaqué, pour l'énoncé des moyens et prétentions des parties aux écritures d'appel de celles-ci,

Considérant, alors qu'il n'est pas dénié par Ideco qu'elle avait pris initialement contact avec les époux Amarge pour téléprospection, et que celle-ci fut suivie de la visite le 21 septembre 1989 à leur domicile de deux représentants de l'entreprise, lesquels, s'ils y prirent des mesures, n'avaient nullement de ce fait perdu leur qualité de démarcheurs, que peu importe que le contrat ait été passé 7 jours plus tard au magasin d'Ideco; Qu'en effet cette dernière ne saurait être suivie dans son obligation selon laquelle il y aurait eu coupure dans le processus de formation de la convention, celle-ci se trouvant sans lien avec le démarchage primitif; Qu'en réalité depuis la téléprospection d'origine les pourparlers sur les modèles et les conditions d'utilisation n'ont cessé de se poursuivre entre les parties, et que les époux Amarge sont parfaitement fondés à soutenir qu'en l'espèce la loi du 22/12/1972 est applicable, son article 1 visant toute pratique de démarchage au domicile d'une personne physique, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat de biens, sans aucune exigence quant au lieu de signature du contrat; Qu'en vérité ce qui est aujourd'hui prétendu par Ideco abouti par une coupure artificielle dans ce processus contractuel à vider la loi dont s'agit de toute portée et à permettre d'organiser une véritable fraude à son application; Que la pratique commerciale ainsi analysée répondant en tous points aux conditions/législation protectrice des consommateurs, c'est à bon droit que les époux Amarge faut valoir que le contrat est nul comme n'ayant respecté aucune des conditions exigées de nullité par les articles 2 et 4 de ladite loi.

Qu'il s'ensuit qu'ils se verront restituer l'acompte de 5 500 F s'il a été perçu par Ideco ou, en cas contraire, le chèque correspondant; Que d'autre part ce comportement très critiquable de l'entreprise leur a causé un préjudice qui sera réparé par une allocation de 10 000 F de dommages-intérêts, toutes causes confondues; Qu'enfin les circonstances de la cause justifient équitablement l'octroi à leur profit de 6 000 F pour frais irrépétibles.

Qu'Ideco, succombante, ne peut que voir rejeter toutes ses demandes reconventionnelles.

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt du 30/01/1991 ; Déclare nul le contrat ; Condamne la société Ideco à restituer aux époux Amarge l'acompte de 5 500 F s'il a été perçu par elle, à défaut le chèque correspondant, et à leur payer 10 000 F de dommages-intérêts et 6 000 F pour frais irrépétibles ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne Ideco aux dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP Bollet-Baskal avoués aux bénéfices des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.