CA Lyon, 3e ch., 30 avril 1999, n° 99-00057
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Socrea KBC Lease (SA)
Défendeur :
Paulet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly
Conseillers :
Mme Martin, M. Ruellan
Avocats :
Mes Lévy, Verne.
Faits, procédure et prétentions des parties:
Monsieur Guy Paulet qui exploite un commerce de boucherie charcuterie à Saint-Just-Saint-Rarnbert et qui réside par ailleurs à Saint-Marcellin en Forez, a conclu le 17 septembre 1996 avec la société anonyme Socréa Location deux séries de contrats de location portant sur un matériel de télésurveillance fourni par la société TEP et installé à la fois dans son fonds de commerce et à son domicile. Chacun de ces contrats, conclus pour une durée de 48 mois, mettait à sa charge le paiement d'un loyer mensuel fixé, pour le premier, à la somme 687,42 F TTC et, pour le second, à la somme de 904,50 F, ces sommes incluant en réalité un loyer et une prestation de télésurveillance, assurée par le fournisseur.
Les procès-verbaux d'installation dressés par la société TEP les 27 septembre 1996, pour le local commercial, et le 30 septembre suivant, pour la villa du locataire, et qui selon l'article 2 des contrats valaient notification d'acceptation du contrat par le bailleur, portaient, l'un l'adresse du commerce de boucherie, l'autre l'adresse du domicile de Monsieur Guy Paulet. Celui-ci n'ayant payé aucun loyer, la société Socréa Location lui a adressé, pour chacun des contrats, le 2 décembre 1997, une lettre le mettant en demeure de régler les loyers échus sous huitaine, à peine de déchéance du terme. La société TEP, chargée de démonter et reprendre les matériels loués, a ensuite constaté, le 7 mai 1998, que Monsieur Guy Paulet refusait son intervention.
Le 11 mars 1998, la société Socréa Location a fait assigner Monsieur Guy Paulet devant le Tribunal de commerce de Lyon, en paiement des sommes de 47 216,85 F, au titre du contrat n° M 32 741 (relatif au matériel installé au domicile du locataire), et de 34 372,48 F, au titre du contrat n° M 33 416 (relatif au matériel installé dans le magasin). Le 15 décembre 1998, cette juridiction s'est déclarée incompétente pour connaître de cette action, au profit du Tribunal d'instance de Montbrison, aux motifs que le contrat portant sur le matériel installé dans la villa de Monsieur Guy Paulet ne présentait pas de rapport direct avec l'activité professionnelle du locataire et relevait à ce titre de l'article L. 311-17 du Code la consommation attribuant compétence au tribunal d'instance, et que le second, quoique lié à l'activité commerciale de Monsieur Guy Paulet, avait été volontairement soumis au Code de la consommation et présentait un caractère de connexité avec le premier.
La société Socréa Location a formé un contredit motivé le 30 décembre 1998. Elle soutient que le tribunal de commerce était bien compétent pour connaître de ses deux demandes, dès lors, d'une part, les deux contrats avaient été conclus par Monsieur Guy Paulet en qualité de boucher-charcutier; d'autre part, que les parties n'avaient pas entendu les soumettre aux dispositions du Code de la consommation; enfin, que l'article L. 122-22 du Code de la consommation excluait de son domaine les locations ayant un rapport direct avec l'activité commerciale du contractant. Subsidiairement, elle observe qu'aucune connexité n'existant entre les deux litiges, la juridiction commerciale était compétente pour se prononcer sur la demande relative au contrat n° 33 416. Elle sollicite enfin le paiement d'une indemnité de 5 000 F, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le défendeur réplique, pour demander la confirmation du jugement et le paiement d'une indemnité de 3 000 F, que le contrat n° 32 741 n'étant pas destiné à financer son activité professionnelle, le litige auquel il donnait lieu relevait de la compétence exclusive du tribunal d'instance, en vertu des articles L. 311-2, L. 311-3 et L. 311-37 du Code de la consommation; que la demande portant sur le contrat n° 33 416 relevait également de cette juridiction, dès lors qu'il était conclu dans un domaine étranger à son activité professionnelle, qu'il renvoyait expressément aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, et qu'un lien de connexité existait entre les deux contrats, conclus le même jour entre les mêmes parties et ayant le même objet.
Motifs de la décision:
Attendu que la juridiction commerciale n'est compétente pour connaître des demandes dirigées contre un commerçant que lorsque le contrat sur lequel elles reposent a été conclu pour les besoins de son commerce;
Attendu que le contrat de location n° 32 741, relatif au matériel installé au domicile de Monsieur Guy Paulet, n'a pas été passé pour les besoins du commerce de boucherie-charcuterie exploité par celui-ci; que le seul fait que ce dernier ait apposé sur ce contrat son cachet commercial est sans portée pour la détermination de la juridiction compétente, puisqu'il ne suffit pas à établir que la location était liée à son activité professionnelle, le procès-verbal d'installation faisant d'ailleurs clairement apparaître que l'installation n'avait pas été réalisée dans le magasin;
Attendu que le tribunal de commerce n'était donc pas compétent pour connaître de la demande présentée à ce titre;
Qu'ainsi, le premier juge était fondé à renvoyer la connaissance du litige au Tribunal d'instance de Montbrison, désigné par ailleurs par l'article L. 311-37 du Code de la consommation;
Que sa décision appelle donc de ce chef confirmation;
Attendu qu'il n'est pas contestable que le contrat de location n° 33 416 a été conclu pour les besoins de l'activité commerciale de Monsieur Guy Paulet;
Que le matériel loué était en effet destiné à assurer la sécurité du magasin dans lequel le locataire exerçait son commerce de boucherie-charcuterie;
Qu'à ce seul titre, le litige auquel il donnait lieu relevait de la compétence du tribunal de commerce;
Qque, d'ailleurs, l'article L. 311-3 du Code de la consommation exclut du champ d'application du chapitre dont il tait partie les opérations destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle, en sorte qu'il ne peut être tiré argument des dispositions de l'article L. 311-37 de ce Code, compris dans le même chapitre, pour invoquer une compétence du tribunal d'instance;
Attendu qu'aucun argument contraire ne peut être tiré du droit applicable au fond du litige, qui n'exerce pas d'influence sur la question de la compétence;
Que, quelle que soit la juridiction compétente, il lui appartiendra de se prononcer sur les prétentions en présence en fonction de la législation applicable au contrat, préalablement déterminée;
Attendu qu'il n'existe aucun lien de connexité entre les litiges auxquels donnent lieu ces deux contrats distincts, conclus pour la satisfaction de besoins différents;
Que le seul fait qu'ils aient été passés le même jour entre les mêmes parties ne suffit pas à établir entre les contrats litigieux un rapport de connexité;
Que l'objet de chacun de ces contrats était différent, l'un portant sur la protection du fonds de commerce et l'autre sur la protection du domicile du locataire;
Qu'il n'est pas évident que, de ce fait, les deux contrats relèvent des mêmes dispositions légales;
Attendu, dès lors, que la décision par laquelle le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent pour connaître du litige auquel donne lieu le contrat n° 33 416 doit être réformée;
Qu'il n'y a pas lieu d'évoquer le fond de ce litige;
Attendu qu'il n'y a pas lieu, en équité et en l'état du litige, d'allouer au défendeur une indemnité, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Faisant partiellement droit au contredit de la société Socréa Location; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé devant le Tribunal d'instance de Montbrison le jugement du litige auquel donne lieu le contrat de location n° 32 741; Le réformant pour le surplus, Dit que le Tribunal de commerce de Lyon était compétent pour connaître du litige portant sur le contrat n° 33 416 et renvoie en conséquence le jugement du fond de ce litige devant le Tribunal de commerce de Lyon; Dit n'y avoir lieu, en l'état, à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Laisse les dépens du contredit à la charge de la société Socréa Location.