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Décisions

Cass. 1re civ., 28 novembre 1995, n° 93-16.055

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Mathieu

Défendeur :

Toulouze (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Conseiller Rapporteur :

M. Fouret

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Conseillers :

Mmes Lescure, Delaroche, Marc, M. Aubert

Avocats :

SCP Nicola, de Lanouvelle, SCP Vier, Barthélémy, SCP Piwnica-Molinié.

Cass. 1re civ. n° 93-16.055

28 novembre 1995

LA COUR,

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 17 mars 1983, les époux Toulouze, démarchés à leur domicile, ont signé avec M. Mathieu, exerçant sous l'enseigne "Editions pour les propriétaires" un contrat pour la parution d'annonces en vue de la vente de leur immeuble, contrat auquel était joint un avenant du même jour ; qu'après avoir vendu leur immeuble, les époux Toulouze, assignés en paiement du prix de la publicité, ont invoqué la nullité de la convention ; qu'après avoir, par un premier arrêt du 11 mai 1992, invité les parties à s'expliquer sur l'application de la loi du 22 décembre 1972, la Cour d'appel d'Agen, en un second arrêt du 7 octobre 1992, a prononcé la nullité absolue de la convention, contrat et avenant, comme contraire à la loi du 22 décembre 1972 et débouté M. Mathieu de sa demande ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. Mathieu fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que la loi du 22 décembre 1972 étant édictée pour la protection des consommateurs, seule la nullité relative pouvait être prononcée pour la violation de ses dispositions, et seules pouvaient être appliqués les articles 1117, 1304 et 1138 du Code civil qui auraient été violés ;

Mais attendu que s'il est exact que, la méconnaissance des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 (article L 121-21 et suivants du Code de la consommation) est sanctionnée par une nullité relative, il ressort des énonciations des juges du fond que la nullité des conventions litigieuses a été invoquée par les époux Toulouze comme moyen de défense à l'action en paiement dirigée contre eux par M. Mathieu ; que, l'exception survivant à l'action, les défendeurs étaient recevables à invoquer la nullité du contrat litigieux et de son avenant ; que par ce motif substitué à celui de la cour d'appel, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir prononcé la nullité des conventions, alors que, d'une part, les juges du second degré n'auraient pas tiré les conséquences légales de leurs conclusions selon lesquelles le contrat et l'avenant étaient indissolublement liés, tout en les déclarant irréguliers parce que le contrat ne mentionnait pas le prix du bien mis en vente et que l'avenant ne comportait pas les mentions exigées par la loi de 1972 ; alors que, d'autre part, il n'aurait pas été répondu aux conclusions faisant valoir qu'en raison du caractère spéculatif du contrat, la loi de 1972 n'était pas applicable ;

Mais attendu que le second des arrêts attaqués a relevé que le prospectus explicatif joint au contrat faisait référence à la fois au prix forfaitaire de la publicité, fixé dans le contrat, et au prix de vente du bien fixé par l'avenant ainsi qu'à la dérogation au paiement du prix prévue par l'avenant ; que le contrat de publicité était incomplet dans la mesure où, conformément au prospectus, il s'agissait de vendre sans le concours d'une agence immobilière et que le contrat ne faisait pas mention du prix réclamé ; que seul l'avenant comportait le prix du bien mis en vente, et que volontairement il figurait dans une annexe avec des clauses particulières ; qu'un extrait de la loi du 22 décembre 1972 figurait en dernière page du contrat ainsi qu'une formule détachable de rétractation ; qu'en revanche l'avenant, du même jour, comportant une dérogation selon laquelle la publicité était due dans tous les cas, ne portait pas les mentions exigées par la dite loi ; que la cour d'appel en a justement déduit, sans se contredire et en répondant aux conclusions invoquées pour les écarter, que la loi du 22 décembre 1972 était applicable à la convention litigieuse, et que l'irrégularité de l'avenant, au regard des dispositions de ladite loi, entraînait la nullité du contrat de publicité, auquel il était indissociablement lié ; d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que M. Mathieu reproche enfin à la cour d'appel, d'abord de s'être contredite en décidant que le contrat et l'avenant étaient indissociablement liés tout en les déclarant contradictoires, ensuite d'avoir dénaturé le contrat en le qualifiant de contrat à paiement différé, alors qu'il s'agit d'un contrat aléatoire ; également de ne pas avoir indiqué quelles formalités imposées par la loi n'avaient pas été observées ; enfin, d'avoir dénaturé le contrat et l'avenant en y introduisant des éléments d'un contrat d'agent immobilier ;

Mais attendu que la cour d'appel ne s'est pas contredite en relevant des divergences entre les stipulations du contrat et celles de l'avenant tout en les déclarant indissociablement liés ; que l'arrêt attaqué a relevé que le paiement du prix de la publicité était, dans le contrat, subordonné à la réalisation de la vente du bien, les stipulations d'une telle condition suspensive ne suffisant pas pour rendre le contrat aléatoire ; que la cour d'appel a retenu que le prix de vente du bien n'était pas indiqué dans le contrat, mais seulement dans l'avenant, lequel ne comportait aucune des mentions exigées par la loi du 22 décembre 1972 ; qu'enfin le motif critiqué par le quatrième grief est surabondant ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne M. Mathieu à une amende civile de 10 000 F envers le Trésor public ; le condamne, envers le Trésorier payeur général, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt.