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Décisions

Cass. crim., 13 décembre 1995, n° 95-80.286

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Carlioz

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocats :

Mes Ryziger, Guinard

TGI la Rochelle, ch. corr., du 5 mai 199…

5 mai 1994

LA COUR, - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur l'action publique ; - Attendu que, selon l'article 2 alinéa 1er de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue ;

Qu'ainsi, l'action publique étant éteinte, il n'y a lieu d'examiner le second moyen, devenu sans objet ;

Attendu cependant qu'en application de l'article 21 de ladite loi, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que la décision attaquée a déclaré Vincent V et Michel F coupables de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ;

" aux motifs que le tribunal a estimé, à juste titre, que les prévenus avaient, pour le compte de la société E, leur employeur, proposé, par la circulaire diffusée en février 1993, un service consistant en une consultation juridique réservée par la loi à la profession d'avocat mais les avait relaxés de ce chef car leur offre constituait une simple tentative du délit mais, que les premiers juges avaient retenu à bon droit Vincent V et Michel F dans les liens de la prévention concernant le délit de démarchage ; qu'en effet, dans l'offre de prestation que contenait la lettre circulaire signée de Vincent V et Michel F, on ne peut dissocier ce qui relèverait de la société E elle-même, entrant dans son objet social " nous vous proposons un examen approfondi de votre dossier de taxe professionnelle et foncière ", de ce qui ressortirait à l'activité propre de Me Epailly, avocat " Me Epailly assurera le suivi des dossiers jusqu'à l'obtention de tous les dégrèvements " ; qu'en effet, cette proposition commerciale, dont il est indiqué qu'elle fait suite à la conférence organisée le 11 février 1993 par l'Union Patronale des Charentes-Maritimes et par les E est faite à l'initiative de la société E, sous la signature de deux de ses cadres ; que la prestation de Me Epailly est présentée non comme une prestation distincte, mais comme une partie intégrante de la prestation globale proposée, en un diagnostic, puis en un examen approfondi, enfin, un suivi du dossier jusqu'à l'obtention d'un dégrèvement : qu'au demeurant, Me Epailly est qualifié " notre fiscaliste " ; qu'en ce qui concerne les honoraires, la lettre indique " nos honoraires déterminés " ce qui implique que les services de Me Epailly ne devaient pas donner lieu à rémunération distincte par le client mais se trouvaient compris dans la rémunération globale demandée par la société E ; qu'enfin, le coupon-réponse était à adresser à la seule société E ;

" alors, d'une part, que le démarchage n'est puni des peines prévues par l'article 72 de la loi du 31 décembre 1971 que dans la mesure où il a pour objet de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ; que le démarchage qui a pour objet d'entreprendre une procédure, qu'il s'agisse d'une procédure administrative en comprenant sous ce vocable le préalable constitué de démarches auprès de l'Administration ou d'une requête destinée à lier le contentieux, ou d'une procédure judiciaire, n'entre pas dans les prévisions de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que l'offre reprochée à Vincent V et Michel F au nom de la société E avait pour objet " d'obtenir des dégrèvements " ; qu'il supposait donc nécessairement des démarches auprès de l'Administration pouvant aller jusqu'à l'introduction d'une procédure devant le juge de l'impôt entrant dans la compétence de Me Epailly et qui, en tout cas, ne constitue pas une offre de consultation juridique ou de rédaction d'acte juridique ; que les juges du fond ont estimé l'offre d'examen approfondi des dossiers et du suivi des dossiers jusqu'à l'obtention des dégrèvements comme indivisibles ; qu'il s'agissait donc d'une offre n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 ;

" alors, d'autre part, que la cour d'appel reconnaît que la proposition de procéder à un examen approfondi du dossier de taxe professionnelle entrait dans l'objet social de la société E (et ce, implicitement parce qu'il s'agissait de procéder à des évaluations) ; que, la décision attaquée semble avoir, pour décider que l'offre de la société demanderesse constituait une offre de consultation juridique, adopté les motifs des premiers juges qui avaient estimé, après avoir rappelé les termes de l'article 1467 du Code général des impôts que le calcul de la taxe professionnelle pose, au préalable, un problème de qualification juridique, de la catégorie à laquelle appartient le contribuable et des éléments pris en compte pour le calcul de la taxe ; mais que la cour ne pouvait sans omettre de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, d'une part, affirmer que l'examen du dossier ressortissait à l'activité des E; et considérer, d'autre part, que l'examen de ce dossier supposait un problème de qualification juridique donc de consultation ;

" alors, de troisième part, et en tout cas, que le point de savoir si un contribuable est imposable sur des bénéfices non commerciaux ou sur des bénéfices commerciaux ne suppose aucune qualification pour la vérification de la taxe professionnelle, puisque, par définition, c'est l'assujettissement à l'une ou l'autre catégorie d'impôts qui entraîne automatiquement des conséquences quant au mode de calcul de la taxe professionnelle sans que l'assujettissement à l'une ou l'autre catégorie d'impôt sur le revenu puisse être discutée à l'occasion d'un recours en matière de taxe professionnelle ; que, le calcul de la taxe lui-même ne suppose aucune qualification juridique, mais seulement, la vérification du montant des éléments pris en compte ; que c'est donc à tort que la décision attaquée a vu dans la vérification de ces éléments un acte de consultation juridique " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel F et Vincent V, préposés de la société " E " ont offert à diverses personnes, dans une lettre circulaire, " un examen approfondi de leur dossier de taxe professionnelle et financière avec diagnostic gratuit " ; que Michel F et Vincent V sont poursuivis pour démarchage en vue de donner des consultations en matière juridique ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de ce délit, les juges relèvent que l'étude proposée " implique une consultation juridique réservée par la loi à la profession d'avocat " ; qu'ils retiennent que la lettre offrant de procéder à cette consultation " constitue un acte de démarchage " ; qu'ils ajoutent que, si la société E a notamment pour objet toutes opérations d'évaluation, " celles-ci sont en l'espèce indissociables de la consultation juridique proprement dite donnée par l'avocat de la société spécialisé en droit fiscal, le calcul de la taxe professionnelle posant au préalable un problème de qualification juridique " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments le délit reproché aux deux prévenus ; d'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et comme tel irrecevable en sa troisième branche, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Déclare l'action publique éteinte ;

Rejette le pourvoi pour le surplus.