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Décisions

Cass. 1re civ., 20 juillet 1994, n° 92-12.431

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Bailly-Masson (Epoux)

Défendeur :

Caixabank Socrédit (Sté) et autres

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Pinochet

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Avocats :

Me Parmentier, SCP Delaporte, Briard.

Cass. 1re civ. n° 92-12.431

19 juillet 1994

LA COUR : - Attendu que les époux Bailly-Masson, à la suite d'un démarchage, ont donné procuration au directeur général de la société anonyme IFG, d'acquérir en leur nom, à concurrence de la somme de 100 000 F, des parts de la société civile immobilière Villa Aurélia qui avait pour objet la construction et la vente par lots d'un immeuble ; qu'en exécution de ce mandat ils se sont vu attribuer les parts sociales numérotées 1561 à 1660 ; que la SCI, déclarée par la suite en liquidation des biens, n'ayant pas remboursé les crédits que lui avait consentis la société Socrédit devenue Caixabank Socrédit, cette dernière, après avoir produit sa créance, a assigné les époux Bailly-Masson en paiement de leur quote-part des dettes sociales ; que les défendeurs ont invoqué la nullité de la souscription par application des articles 9 et 11 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 ; que l'arrêt attaqué les a condamnés, en leur qualité d'associés, au paiement de la somme demandée ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu les articles 94° et 15, alinéa 1er, de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 ; - Attendu que le premier de ces textes interdit à toute personne de se livrer au démarchage en vue de proposer tous placements de fonds autres que ceux prévus aux 1°, 2° et 3° du même article ; que le second punit d'un emprisonnement et d'une amende, ou de l'une de ces deux peines seulement, les infractions aux dispositions du premier ;

Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt attaqué a retenu qu'aucune des dispositions de la loi du 28 décembre 1966 ne stipulait la nullité, notamment à l'égard des tiers, des conventions qui étaient le résultat d'un démarchage prohibé ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les conventions conclues à la suite de démarchages prohibés et sanctionnés pénalement sont illicites comme contraires à l'ordre public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la deuxième branche du même moyen : - Vu l'article 11, alinéa 1er, de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, ensemble les articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil ; - Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, les interdictions édictées aux articles 8 et 91°, 2° et 4° de la loi ne sont applicables, notamment, ni aux banques ni aux établissements financiers ; que, selon le second, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en vertu du dernier c'est à la partie qui invoque une exception de rapporter la preuve que les conditions en sont réunies ;

Attendu que l'arrêt attaqué a encore retenu que les époux Bailly-Masson ne démontraient pas et n'offraient pas de prouver que le démarcheur et la société IFG n'avaient pas la qualité de banquier ou d'établissement financier au sens de l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966 ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il n'avait été contesté, ni par les époux Bailly-Masson ni par la société Caixabank Socrédit, que le démarcheur et la société IFG n'avaient pas la qualité de banquier ou d'établissement financier au sens de l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, inversé la charge de la preuve et, partant, violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et quatrième branches du moyen : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 1991, entre les parties, par la Cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon.