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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 21 mars 1991, n° 4757-90

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eparco (SA)

Défendeur :

Tenama Kiwi France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forget

Conseillers :

Mme Chagny, M. Franck

Avoués :

SCP Lissarrague-Dupuis, Me Bommart

Avocats :

Me Greffe, SCP Valluis & Jobin.

T. com. Nanterre, 1re ch., du 8 févr. 19…

8 février 1990

Faits et procédure

La société Eparco fabrique et commercialise un activateur biologique appelé Eparcyl et destiné aux fosses septiques. De son côté, la société Temana Kiwi France (TKF) met en vente un produit de même usage sous le nom de Septifos dont elle assure la publicité par le slogan suivant inscrit sur l'emballage: " Nouveau - Septifos - le premier activateur biologique riche en bactéries ".

Estimant que cette formule suggérait une supériorité de Septifos sur ses concurrents, supériorité que rien ne démontrait, et réalisait ainsi une publicité mensongère, Eparco a assigné TKF, en sollicitant une somme de 15 millions de francs à titre de dommages et intérêts et la publication du jugement.

Par décision du 8 février 1990, le Tribunal de commerce de Nanterre a retenu que constituait une publicité mensongère le slogan " le premier activateur biologique riche en bactéries " et le mot " nouveau ", qu'en conséquence l'action en concurrence déloyale d'Eparco était fondée en son principe, qu'il y avait lieu à publication dans cinq journaux, mais a débouté Eparco de sa demande de dommages et intérêts qu'il a estimée non fondée.

Eparco, qui a relevé appel, entend faire juger par la cour que l'adjonction de bactéries dans le Septifos (alors qu'Eparcyl n'en contient pas) n'est pas utile, et peut même être nuisible au bon fonctionnement des fosses septiques; elle reproche aussi au tribunal d'avoir rejeté sa demande d'indemnité pécuniaire et reprend sa demande tendant à l'obtention d'une somme de 15 millions de francs à titre de dommages et intérêts, ou à titre subsidiaire à la désignation d'un expert avec octroi d'une provision de 1 million de francs.

TKF au contraire insiste sur la présence, selon elle d'une utilité scientifique démontrée, de bactéries dans ses produits. Elle expose qu'une simple lecture du slogan qu'elle utilise, ne peut conduire, si l'on évite d'en forcer le sens, qu'à constater l'absence de toute publicité mensongère. Elle conclut donc au débouté d'Eparco, à qui elle demande 50 000 F de dommages et intérêts et une indemnité de procédure de 30 000 F.

Discussion

Considérant que TKF commercialisait jusqu'en 1986 ses produits en deux sortes de sachets: des sachets bleus dits " d'entretien " contenant des éléments nutritifs et des sachets rouges dits " chocs " contenant un mélange de bactéries et d'enzymes, les premiers destinés aux fosses septiques en usage, les seconds à la réactivation des fosses abandonnées ou stérilisées depuis un certain temps; qu'en 1986 elle réunit les deux produits en un seul, pouvant être utilisé indifféremment pour l'entretien et la réactivation; que ces produits sont vendus dans un paquet portant sur fond bleu les inscriptions suivantes: " Septifos démarre - réactive - entretient votre fosse septique en un seul traitement - Nouveau - riche en bactéries ";

Considérant que le mot " nouveau " exprime le caractère de la présentation sous un seul emballage de deux produits auparavant vendus séparément;qu'il ne peut donc constituer une publicité mensongère;

Que la formule " riche en bactéries " dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à la réalité, " Septifos " contenant effectivement des bactéries, ne peut s'interpréter comme attribuant à la présence de ces bactéries des propriétés qu'elle n'aurait pas;que, sans avoir à trancher la controverse sur l'utilité de ces organismes ajoutés aux produits pour le fonctionnement des fosses, la cour se bornera à constater que TKF, dans sa publicité, n'affirme ni même ne suggère que leur action soit déterminante pour le nettoyage des fosses, se contentant d'en assurer la présence dans son produit en laissant à l'utilisateur le soin de tirer toutes les conséquences de la teneur en bactéries du produit qu'elle commercialise;

Considérant que dans le numéro d'Avril 1988 de la revue " Ma maison, mon jardin " versé aux débats par TKF elle-même, figure en page 62 une publicité pour Septifos, où se détache du texte le slogan suivant " Septifos: le premier activateur biologique riche en bactéries "; que l'emploi du terme " le premier " pourrait à la rigueur constituer une fausse allégation, en suggérant que Septifos est antérieur aux produits concurrents, ou qu'il leur est supérieur en qualité, ou encore qu'il est le plus vendu, toutes qualités dont il n'est pas démontré qu'elles soient les siennes;

Considérant toutefoisque cette allégation ne porte pas sur l'un des éléments limitativement énumérés par l'article 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973;

Considérant en conséquenceque l'imputation faite à TKF de publicité mensongère, et donc de concurrence déloyale, n'est pas fondée;

Considérant surabondamment qu'Eparco ne fournit aucune preuve ni même aucun commencement de preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de TKF;

Que TKF ne démontre pas non plus avoir subi un dommage quelconque à la suite de l'action d'Eparco;

Que l'équité commande en revanche de lui allouer une indemnité de procédure de 10 000 F;

Par ces motifs: LA COUR Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Reçoit les sociétés Eparco et SA Temana Kiwi France " TKF " en leurs appels principal et incident, Infirme le jugement déféré, Déboute la SA Eparco des fins de son action, La condamne à payer à la SA Temana Kiwi France " TKF " la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA Eparco aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.