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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 31 mai 2001, n° 01-2812

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Latimier (SARL)

Défendeur :

Perrier Vittel France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Conseillers :

MM. Bancal, Bertrand

Avoués :

SCP Tardieu, SCP Fontaine-Macaluso-Jullien

Avocats :

SCP Daynac-Legros, SCP Monceaux-Barnouin-Thevenot Monceaux

T. com. Nîmes, du 13 déc. 2000

13 décembre 2000

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Latimier était chargée de ramasser, trier, et évacuer des déchets industriels sur le site de production "Perrier" de Vergeze, dans le Gard, pour la SA Générale de Grandes Sources d'eaux minérales Françaises dite GGS devenue la SA Perrier Vittel France et pour la SNC Verrerie du Languedoc.

Par lettre du 24 janvier 2000, la SA PVF indiquait qu'elle mettait fin au 31 juillet 2000, à sa collaboration avec la SARL Latimier, respectant ainsi un préavis de six mois.

Par lettre du 9 juin 2000, la SNC Verrerie du Languedoc, notifiait à la SARL Latimier, la fin de leurs relations au terme du contrat, soit le 30 septembre 2000.

Alors qu'un appel d'offres avait été lancé par les deux sociétés, dans le cadre de la réorganisation de l'activité Déchets du site de Vergeze, la SARL Latimier qui y avait souscrit, apprenait le 9 juin 2000, que sa proposition n'avait pas été retenue.

Le 7 juillet 2000, la SARL Latimier commençait à retirer du site de Vergeze, le matériel d'exploitation qu'elle y utilisait.

Après avoir engagé une procédure de référé ayant abouti à deux ordonnances de référé du 27 juillet 2000 rejetant ses demandes, la SARL Latimier, faisait assigner le 13 décembre 2000 les sociétés PVF et VdL devant le Tribunal de commerce de Nîmes, en invoquant le caractère illégitime de la rupture des relations contractuelles, et en sollicitant des dommages-intérêts.

Par deux jugements du 31 mai 2001, le Tribunal de commerce de Nîmes la déboutait de ses demandes.

Le 13 juillet 2001 la SARL Latimier interjetait appel.

Sur autorisation du Premier Président de la cour de ce siège, donnée par ordonnance du 2 août 2001, assignation à jour fixe était délivrée le 9 août 2001.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions signifiées le 10 décembre 2001, la SARL Latimier sollicite:

- l'infirmation;

- la condamnation de la SA PVF à lui payer:

1°) 330 297,41 euros (2 166 609 F) à titre de dommages-intérêts

2°) 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Un bordereau récapitulatif est annexé auxdites écritures.

Par conclusions signifiées le 4 décembre 2001, la SA PVF, sollicite:

- la confirmation;

- la condamnation de la SARL Latimier à lui payer la somme de 4 573, 47 euros (soit 30 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Un bordereau récapitulatif est annexé à ces écritures.

MOTIFS DE LA DECISION

La recevabilité des appels n'est ni contestable ni contestée.

Sur la rupture des relations contractuelles

Il ressort des explications des parties, et des pièces produites par elles et notamment:

* des différents contrats et "avenants" établis de 1984 à 1994;

* des courriers échangés entre les parties:

- que par contrat du 21 novembre 1984 d'une durée d'un an, à effet au 1er octobre 1984, la SA Société Générale de Grandes Sources d'eaux minérales Françaises (GGS.), actuellement SA Perrier Vittel France, confiait à Jean-Luc LATIMIER, la récupération, le tri et l'évacuation de certains déchets industriels, concernant le site de production "Perrier" de Vergeze, à charge pour lui de mettre à disposition du personnel et du matériel.

- que le 21 novembre 1985, ce contrat était "renouvelé" au profit de la SARL Latimier;

- que les relations contractuelles des parties, firent l'objet par la suite de plusieurs documents:

* lettre de renouvellement pour une année du 17 décembre 1986;

* contrat annuel du 25 janvier 1988;

* contrat de 3 ans du 27 janvier 1989;

* lettres des 31 janvier 1992;

31 mars 1992;

11 août1992;

7 juillet 1993;

19 juillet 1994;

de la Société Générale de Grandes Sources.

- qu'en l'état de ces documents, les parties étaient désormais liées pour une durée indéterminée, un préavis de six mois ayant été stipulé par lettres des 11 août 1992 et 19 juillet 1994 de GGS;

- que la lecture de ces documents révèle que les accords des parties, faisaient régulièrement l'objet de modifications concernant tant les prestations demandées à la SARL Latimier, que leur coût;

- que, compte tenu de relations contractuelles remontant à plus de 15 ans au moment de la notification de la rupture, et de l'importance du chiffre d'affaires concerné par ces activités, la SARL Latimier estime s'être trouvée dans un tel état de dépendance économique, qu'un préavis de six mois était, selon elle, insuffisant pour lui permettre de se réorganiser;

- qu'elle avait en outre souscrit à l'appel d'offres de Perrier. La cour relève cependant:

- que la SARL Latimier ne justifie nullement d'une exploitation abusive d'un état de dépendance économique;

- qu'elle ne peut nier en effet s'être située dans un marché concurrentiel, où les opérateurs économiques avaient le choix de leurs co-contractants;

- qu'aucune exclusivité ne fut jamais donnée à JL Latimier, puis à la SARL Latimier pour traiter la totalité des déchets de GGS devenue PVF;

- que les relations contractuelles faisaient régulièrement l'objet d'adaptations, voire de nouveaux contrats;

- que le chiffre d'affaires de la SARL Latimier avec PVF a ainsi régulièrement baissé de 1997 à 1999 passant de 2 720 495 F à 2 166 609 F, par un pourcentage de son chiffre d'affaires total, se réduisant de 72, 55 % à 54, 83 % (attestation de l'expert comptable Natat-Gil du 13 juillet 2000);

- qu'une telle baisse ne pouvait laisser indifférente une entreprise, qui ne justifie nullement avoir été dans l'impossibilité de trouver d'autres débouchés, en recourant à d'autres donneurs d'ouvrage;

- que, dans un contexte de libre concurrence, la SARL Latimier a donc négligé de s'assurer des solutions de substitution;

- qu'elle ne peut contester que le préavis, ait commencé àcourir, à compter de la lettre du 24 janvier 2000, puisqu'elle a clairement indiqué dans sa réponse du 7 février 2000 : qu'il s'agissait de la fin de sa collaboration dont elle exposait les conséquences: licenciement du personnel et vente du matériel;

- que la SA PVF peut à juste titre indiquer qu'elle a proposé en vain à son co-contractant, de "proroger" le préavis de deux mois, pour lui permettre de poursuivre son activité jusqu'au 1er octobre 2000, ce qui n'a pas été accepté et suivi d'effet par la SARL Latimier, qui, dès le 7 juillet 2000, a commencé à enlever son matériel du site en question, sans respecter le préavis jusqu'à son terme;

- que la proposition de PVF, formulée le 17 mars 2000, concrétisée par des documents écrits, qu'elle souhaitait faire signer à la SARL Latimier, revenait en réalité à offrir un préavis de huit mois;

- que la SA PVF justifie en outre s'être entremise auprès de la société Onyx qui succéda à la SARL Latimier, pour que les quatre personnes employées sur le site soient "reprises", et que le matériel soit racheté;

- que d'après les explications données, deux des quatre personnes employées par Latimier furent embauchées par Onyx, tandis que la SARL Latimier ne donnait pas suite aux offres de rachat du matériel, formulées par Onyx.

Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont pu estimer par des motifs pertinents:

- que la rupture des relations contractuelles n'était pas brutale;

- qu'un préavis de six mois figurant dans des documents contractuels antérieurs à la rupture fut bien respecté.

- que par fax du 9 mai 2000 adressé à PVF, la SARL Latimier avait reconnu elle-même que son contrat prenait fin au 31 juillet 2000;

- que cette société ne réalisant pas la totalité de son chiffre d'affaires avec PVF, il lui appartenait pendant la durée de son préavis, d'organiser les conséquences de la rupture;

- que dès lors, les dispositions de l'article L 442-6 du Code de commerce, ne pouvaient être utilement invoquées par la SARL Latimier.

Il doit être en outre précisé:

- que la SARL Latimier, qui travaillait sur le site de Vergeze, depuis plusieurs années, n'a jamais contesté avoir eu connaissance du souhait de son co-contractant:

* de réorganiser la gestion de ses déchets;

* notamment en raison de nouvelles contraintes liées à l'environnement;

* et donc de recourir à un appel d'offres, destiné semble-t-il, à permettre à PVF d'avoir désormais un unique interlocuteur;

- que par ailleurs l'appelante n'a fourni aucune explication quant à la brutale augmentation du coût de ses prestations (10 %) qui lui est reprochée dans la lettre de rupture du 24 janvier 2000, et qu'elle annonçait par lettre du 9 décembre 1999;

- que les circonstances de l'espèce démontrent que si la SA PVF, n'est jamais revenue sur son désir de mettre fin aux relations contractuelles, tout en proposant des accommodements, la SARL Latimier semble avoir été convaincue plusieurs mois après la lettre de rupture qu'elle pouvait rester sur le site, au-delà du terme contractuel pourtant accepté par elle, (cf. Fax du 9 mai 2000), pensant peut-être être choisie, à l'issue de la procédure d'appel d'offres.

Ne justifiant ni d'une violation des dispositions contractuelles, ni d'une atteinte aux règles légales concernant la rupture de relations commerciales établies, la SARL Latimier ne peut qu'être déboutée de ses demandes, le jugement déféré, étant dès lors, confirmé.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

L'équité ne commande nullement d'allouer à l'une ou l'autre des parties la moindre somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur les dépens

Succombant, l'appelante supportera les dépens.

Par ces motifs : LA COUR Statuant publiquement, Contradictoirement, En la forme : Reçoit les appels. - Au fond : confirme le jugement entrepris. - condamne la SARL Latimier aux dépens d'appel.