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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 12 mai 2000, n° 1998-10292

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vincenti

Défendeur :

Sélection du Reader's Digest (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briottet

Conseillers :

Mme Deurbergue, Mme Bernard

Avocats :

Mes Huyghe, Johanet, Greffe, SPC Teytaud.

CA Paris n° 1998-10292

12 mai 2000

Bernard Vincenti, avocat, s'est abonné à la revue Sélection du Reader's Digest. Prétendant être l'objet de nombreux démarchages publicitaires se traduisant par l'envoi de livres qu'il n'avait pas commandés et dont le paiement lui a été demandé, ainsi que de l'envahissement de sa boîte aux lettres au titre de jeux concours gratuits faisant miroiter des prix d'une valeur particulièrement élevée, accolés à des bons de commande, il a assigné, le 29 juillet 1996, l'éditeur de la publication en paiement de la somme de 1 800 000 F à titre de dommages et intérêts, outre un dîner avec la personne de son choix chez Guy Savoy, avec publication du jugement dans différents journaux.

Par jugement du 12 janvier 1998, le Tribunal de grande instance de Paris l'a débouté de ses demandes et condamné à régler 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC à la société Sélection du Reader's Digest, dont la demande de dommages et intérêts a été rejetée.

LA COUR: Vu l'appel interjeté le 13 mai 1998 contre cette décision par Bernard Vincenti ; Vu les conclusions du 31 juillet 1998 par lesquelles ce dernier demande :

- d'infirmer le jugement entrepris

- de dire et juger que la société Sélection du Reader's Digest s'est rendue coupable de vente forcée.

- en conséquence la condamner à 1 800 000 F de dommages et intérêts, et encore à 300 000 F en réparation du préjudice subi du fait de l'enregistrement de ses coordonnées dans un fichier tenu en violation des dispositions de la loi Informatique et Liberté.

- condamner l'intimée à lui offrir un dîner avec la personne de son choix chezGuy Savoy,

- ordonner la publication de l'arrêt dans les revues suivantes : Sélection du Reader's Digest, Paris Match, Télé 7 Jours, VSD. Prima, Le Parisien, Ouest France,

- lui allouer 50 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.

Vu les conclusions du 31 mai 1999 par lesquelles la SA Sélection du Reader's Digest sollicite la confirmation du jugement déféré, le rejet des prétentions de l'appelant ainsi que sa condamnation à lui régler 50 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et 30 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC ;

Sur ce: - Considérant que Bernard Vincenti reproche à la société Sélection du Reader's Digest, auprès de laquelle il avait souscrit un abonnement, une vente forcée, ou à tout le moins une tentative de vente forcée, parce qu'elle lui aurait envoyé "à l'essai" des ouvrages en prétendant ensuite qu'ils lui avaient été commandés; qu'il lui fait encore grief d'avoir mis en place un système destiné à laisser espérer des gains à ses prétendus clients, en opérant une confusion entre les documents constituant la participation aux concours et les bons de commande;

Mais considérant qu'il a déjà été répondu par les premiers juges à ces moyens, qui demeure inchangés, par des motifs que la cour adopte en raison de leur pertinence; qu'il suffit d'ajouter qu'il n'est pas crédible que l'appelant qui exerce la profession d'avocat, et qui est donc une personne particulièrement avertie de ses droits, ait pu se méprendre sur la portée de courriers publicitaires caractérisés par leur banalité dans ce type de démarchage, et qu'il n'ait pas su distinguer entre la participation à des concours et la commande des ouvrages;

Considérant que la circonstance qu'il reconnaît ne pas avoir payé les livres qu'il a reçus démontre qu'il a su exercer son discernement;

Considérant que la violation de la loi Informatique et Liberté n'est pas établie puisque contrairement à ce que soutient l'appelant, le client était informé par le document de présentation de la revue de ce qu'il disposait, conformément à ce texte, d'un droit d'accès et de rectification aux données le concernant: que les premiers juges ont au surplus constaté que l'intimée justifiait de la déclaration de son fichier à la CNIL ;

Considérant que la demande de dommages et intérêts de Bernard Vincenti est totalement disproportionnée par rapport au préjudice dont il aurait pu se plaindre si les fautes qu'il reprochait à l'intimée avaient été caractérisées: que son obstination à poursuivre son action devant la cour est dictée par la mauvaise foi et l'intention de nuire; que cette attitude sera sanctionnée par sa condamnation à 10 000 F de dommages et intérêts:

Considérant qu'il est équitable d'allouer à l'intimée une indemnité complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs: LA COUR - Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne Bernard Vincenti à payer à la SA Sélection du Reader's Digest la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et une indemnité complémentaire de 10 000 F pour les frais irrépétibles d'appel ; Condamne Bernard Vincenti aux dépens d'appel ; Admet la SCP Teytaud au bénéfice de l'article 699 du NCPC.