Ministre de l’Économie, 17 octobre 2002, n° ECOC0300238Y

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Monsieur le président,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 12 septembre 2002, vous avez notifié l'acquisition par la société SA Gueudet Frères d'un groupe d'entreprises (ci-après " groupe Degand "), constitué de plusieurs fonds de commerce de négoce et de réparation de véhicules automobiles et d'une société civile immobilière, contrôlés jusqu'alors par la famille Degand via la société civile Degand.

I. - LES PARTIES ET L'OPÉRATION

SA Gueudet Frères est une filiale détenue à 99,9 % par la Compagnie financière d'organisation et de gestion (CFOG), société elle-même détenue majoritairement par vous-même et M. Patrick Gueudet. La CFOG est à la tête de plusieurs sociétés (ci-après " groupe Gueudet ") exerçant essentiellement des activités de commerce et de réparation de véhicules automobiles dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Oise, de l'Aisne et du Val-d'Oise.

Le groupe Gueudet détient notamment dix-huit concessions automobiles représentant six constructeurs différents de véhicules particuliers, dont une dizaine distribuent la marque Renault, les autres distribuant chacune les marques Toyota, Nissan, Volkswagen-Audi, Opel et BMW. Par ailleurs, les concessionnaires Renault du groupe Gueudet animent notamment un réseau dit secondaire, composé de 91 agents indépendants représentant cette marque mais agissant en apporteurs d'affaires, 6 d'entre eux étant des vendeurs agréés par Renault (" VAR ") distribuant eux-mêmes des véhicules particuliers de la marque aux utilisateurs finaux. Les entreprises du groupe et le réseau qu'elles animent sont répartis sur six départements du Nord de la France et de la région parisienne (Aisne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Somme et Val-d'Oise). Le groupe Gueudet détient enfin quatre concessions représentant les constructeurs de véhicules industriels et de machines agricoles RVI et New Holland ainsi que plusieurs filiales de location de longue et courte durée de véhicules personnels ou industriels.

Le groupe Gueudet a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 510,8 MEuro exclusivement en France.

Le groupe Degand contrôle la société Guinard SAS, qui exploite une concession Renault à Compiègne (60) et un réseau de onze agents situés dans le département de l'Oise, ainsi que la société anonyme des nouveaux garages automobiles en Valois (SANGAV), qui exploite une concession Renault à Crépy-en-Valois (60) et un réseau de 4 agents dans le même département.

Le groupe Degand exerce également une activité de grossiste en pièces de rechange et accessoires (établissements Thiébaut à Compiègne) et de location de véhicules industriels et de tourisme (société Guinard location gestion à Compiègne).

Le groupe Degand a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires d'environ 60 MEuro, exclusivement en France.

Aux termes du protocole d'accord de cession signé le 8 juillet 2002, Gueudet acquerra l'ensemble des entreprises du groupe Degand. Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Elle ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CE) n° 4064-89 du 21 décembre 1989. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. - ANALYSE CONCURRENTIELLE

A. - Les marchés de produits

Marchés de la vente au détail de véhicules automobiles

En matière de distribution automobile il convient d'opérer une première distinction entre le marché du neuf et le marché des véhicules d'occasion (VO) compte tenu notamment des différences existant dans la structure de l'offre, les prix des produits et les modes et circuits de commercialisation.

S'agissant de la vente au détail de véhicules neufs, une deuxième segmentation, couramment retenue par la Commission européenne lors de l'examen de concentrations dans le secteur de l'automobile, est fondée sur les catégories d'usage auxquelles sont destinés les véhicules. Ainsi, les véhicules de tourisme ou voitures particulières (VP) doivent en particulier être distinguées des véhicules dits " commerciaux ". Parmi les véhicules " commerciaux ", il convient en outre de distinguer entre plusieurs marchés selon le type de véhicule et d'usage auquel il est destiné : véhicules utilitaires légers neufs (VUL) ainsi que diverses catégories de " véhicules industriels " tels que poids lourds de différentes catégories (cf. note 1), autobus, autocar de tourisme, machines agricoles.

En outre, à l'occasion de l'examen d'opérations de concentrations entre constructeurs automobiles (cf. note 2), la Commission européenne a observé qu'il était possible de subdiviser en neuf segments le marché de la vente au détail de VP neufs en fonction de critères objectifs tels que la puissance des moteurs ou les dimensions des modèles. Une telle segmentation, fondée sur des critères de substituabilité du point de vue de la demande finale de modèles de VP, qui sont les plus appropriés en l'espèce, apparaît également pertinente pour l'appréciation des effets d'une concentration au stade de la distribution au détail. Toutefois, la Commission n'a pas jugé nécessaire de conclure définitivement quant à la question de savoir si ces segments constituent ou non des marchés de produits distincts, sachant notamment que des facteurs déterminant la demande d'un modèle tels que le prix, l'image de la marque, l'équipement du véhicule ou l'offre d'options ne permettent pas, dans la plupart des cas, d'opérer une séparation nette entre chacun de ces segments (cf. note 3).

Il n'apparaît pas non plus nécessaire de trancher cette question au cas d'espèce, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quel que soit le segment considéré, compte tenu notamment du fait que les parties à la présente concentration distribuent toutes deux une gamme couvrant la plupart de ces segments.

Toujours concernant la vente au détail de VP neufs, il convient en troisième lieu de distinguer entre un marché des véhicules destinés à une clientèle constituée de particuliers (y compris les ventes de véhicules destinés par exemple à l'exercice d'une profession libérale), et un marché de la vente des VP destinés à une clientèle constituée de professionnels (renouvellement d'un parc automobile pour les besoins d'une entreprise par exemple ou achat de flotte). Ces deux marchés sont en effet caractérisés tout d'abord par la nature différente de la demande, relative dans un cas à l'achat individuel d'un véhicule faisant partie de la gamme standard du constructeur, et dans l'autre cas à l'achat en plus grande quantité de véhicules pouvant éventuellement recevoir un aménagement spécifique (" véhicules de société " biplaces ou couleur spécifique de la carrosserie par exemple). En outre, les modalités et les conditions de ventes diffèrent substantiellement selon les catégories d'acheteurs.

Concernant la vente au détail de VP neufs destinés à une clientèle professionnelle, il n'apparaît pas nécessaire au cas d'espèce d'examiner plus précisément la question de savoir s'il convient de distinguer plusieurs segments (tel que la vente de véhicules destinés aux sociétés de gestion de flotte par exemple), dans la mesure où les conclusions de l'analyse n'en seraient pas modifiées.

Par ailleurs, s'agissant des marchés de la vente au détail de VP neufs, la partie notifiante estime que l'offre de location longue durée avec ou sans option d'achat constitue une alternative de financement substituable à l'offre de financement par achat à crédit. En conséquence, elle suggère de considérer ces contrats de location comme des " livraisons " de véhicules, complémentaires des ventes directes. Il n'apparaît cependant pas nécessaire au cas d'espèce de trancher de manière définitive cette question, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées que l'on inclue ou non les locations longue durée avec ou sans option d'achat dans les marchés de VP, compte tenu de la proportion limitée de véhicules faisant l'objet de tels contrats dans les ventes effectuées par les parties (moins de 5 % du total des ventes).

Il y a lieu en revanche d'exclure des marchés de la vente au détail de VP neufs les ventes des concessionnaires aux distributeurs agréés d'un réseau secondaire (VAR Renault par exemple), dans la mesure où ces derniers les revendent à leurs propres conditions aux utilisateurs finaux, quelle que soit la catégorie de clientèle à laquelle ils appartiennent. Une telle exclusion ne saurait cependant préjuger de l'analyse des relations entre concessionnaires d'une marque et distributeurs agréés du réseau secondaire de cette même marque, dans l'appréciation des conditions de la concurrence intramarque.

Marchés de la vente de pièces de rechange et d'accessoires automobiles

Les entreprises du secteur automobile distribuent également des pièces de rechange et accessoires, soit au stade du gros, soit à celui du détail. A l'extrémité de la chaîne, il est notamment possible de distinguer entre les réparateurs agréés par les constructeurs, pour la plupart membres des réseaux de distribution, et les réparateurs indépendants. La Commission européenne distingue trois types de pièces en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent leurs fournisseurs : " pièces d'origine " fournies par le constructeur, " pièces d'origine " identiques fournies par les fabricants de pièces détachées et " pièces de rechange de qualité équivalente " fournies par d'autres fabricants de pièces de rechange.

Les parties distribuent principalement des " pièces d'origine " aux réparateurs agréés situés dans le périmètre de leurs concessions et vendent " au comptoir " des pièces de rechange de toute nature.

Il n'apparaît cependant pas nécessaire au cas d'espèce de définir avec plus de précision les marchés de la vente de pièces détachées concernés par l'opération, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées quelle que soit la définition du marché retenue.

Marchés des services d'entretien et de réparation de véhicules automobiles

S'agissant des services d'entretien et de réparation des véhicules automobiles, une première segmentation peut être envisagée entre les services après-vente rendus dans le cadre de la garantie contractuelle du constructeur et les autres prestations de services de réparation et d'entretien.

Par ailleurs, la Brochure explicative et les documents publiés par la Commission européenne à l'occasion de l'entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption relatif au secteur de l'automobile (cf. note 4), montrent que le consommateur dispose d'un choix plus ou moins large de prestataires de services selon le type d'intervention recherchée. Le remplacement de pièces détachées d'origine ou les travaux effectués dans le cadre de la mise en œuvre de la garantie contractuelle seront par exemple généralement réalisés par un revendeur agréé, notamment le concessionnaire auprès duquel le véhicule a été acquis. En revanche, le recours à une offre alternative en dehors de ce réseau est plus fréquent lorsque l'utilisateur décide de remplacer certaines pièces, dites d'usure, non spécifiques au modèle de véhicule, telles que batteries ou pots d'échappement par exemple, ou lorsqu'il souhaite faire effectuer des réparations ou des contrôles relativement peu sophistiqués, qualifiés de services express par la profession.

Il n'apparaît cependant pas non plus nécessaire, pour les besoins de la présente décision, de définir avec plus de précision les marchés en cause en matière de services d'entretien et de réparation automobile, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quelle que soit la définition du marché alternativement considérée.

Marchés des services de location de véhicules automobiles

Les parties exercent des activités de location de véhicules pour des durées variables. Dans sa décision Comp/M.1810 Volkswagen/Europcar, en date du 18 février 2000, la Commission européenne a notamment considéré l'existence d'un marché de services pouvant être caractérisé par la mise à disposition de véhicules pour leur utilisation pendant une durée contractuellement déterminée entre le loueur et chaque utilisateur.

Elle a cependant considéré la possibilité d'une segmentation entre les services de location de courte durée, centrés sur la réponse à des besoins de voyages d'affaires, de loisir ou de tourisme, et les services de location de longue durée, s'étendant sur des périodes d'une ou de plusieurs années et présentant des aspects spécifiques en matière de financement et de gestion de parc automobile. Parmi les services de location de courte durée, la Commission a en outre remarqué la spécificité des services de mise à disposition d'un véhicule de remplacement en cas d'accident, qui peuvent être intégrés dans les garanties offertes par les sociétés d'assurance automobile.

Si ces considérations paraissent transposables au cas d'espèce, il n'est cependant pas nécessaire de définir avec plus de précision les marchés de location de véhicules concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quelle que soit la segmentation retenue.

B. - Les marchés géographiques

Marchés de la vente au détail de véhicules automobiles

Concernant la dimension géographique des marchés, il convient de rappeler en premier lieu que les marchés de la distribution au détail de biens manufacturés destinés aux consommateurs revêtent en général une dimension locale, dont l'étendue recouvre une ou plusieurs zones d'attraction pouvant être parfois regroupées en ensembles plus larges, en tenant compte de l'existence éventuelle de chaînes de substitution.

Toutefois, il peut être observé que les marchés de la vente au détail de VP neufs présentent plusieurs caractéristiques susceptibles de leur conférer une dimension plus large que d'autres marchés de produits manufacturés. En premier lieu, le caractère de bien relativement durable et onéreux que revêt un véhicule automobile est susceptible d'inciter les consommateurs à parcourir une distance plus élevée pour l'acquérir. Il convient cependant de ne pas surévaluer cette incitation compte tenu de la propension des acheteurs à faire exécuter les services d'entretien et de réparation, notamment dans le cadre de la garantie contractuelle, à proximité du lieu de garage principal du véhicule.

Il peut également être remarqué que le maillage territorial et l'organisation centralisée des réseaux de distribution automobile, la cohérence de l'image de marque des constructeurs, l'existence d'un service après-vente uniforme, la publication de prix conseillés au plan national et l'application par certains constructeurs de tarifs et de conditions générales de vente identiques pour tous les concessionnaires sur l'ensemble du territoire national confèrent un rôle déterminant aux orientations commerciales stratégiques décidées au plan national par chaque constructeur en fonction de la concurrence dite intermarque qui l'oppose aux autres constructeurs.

En outre, il peut être présumé que le marché de la vente de VP neufs aux professionnels possède une dimension géographique généralement plus large que le marché de la vente de VP neufs aux particuliers, notamment lorsque la demande s'exprime essentiellement par voie d'appels d'offres auprès des constructeurs.

Par ailleurs, les marchés de la vente au détail de VP neufs sont, d'une manière générale, susceptibles de connaître une ouverture progressive à la suite de l'entrée en vigueur des mesures de décloisonnement des marchés nationaux mises en place par le nouveau régime communautaire d'exemption applicable à la distribution automobile (cf. note 5).

Cependant, l'appréciation des effets d'une opération sur le marché des VP neufs destinés aux particuliers doit accorder une attention particulière aux aspects locaux de marchés sur lesquels le système actuel de distribution sélective et exclusive tend à limiter la concurrence intramarque à l'intérieur des territoires attribués aux concessionnaires et revendeurs agréés. Toutefois les recoupements entre les territoires attribués par les différents constructeurs à leurs concessionnaires et les regroupements entre territoires voisins d'une même marque permettent à la concurrence, intermarque et intramarque, de jouer sur des zones géographiques plus larges telles qu'un département ou une région.

En effet, si l'organisation de la distribution en réseaux de marques et les orientations stratégiques communes à tous les constructeurs tendent à renforcer l'homogénéité des conditions de concurrence d'une région à l'autre, chaque concessionnaire d'une même marque se voit octroyer par le constructeur un ensemble de remises dont certaines varient selon la situation du concessionnaire (prime sur la qualité de l'accueil des clients par exemple). Le constructeur peut en outre accorder une remise exceptionnelle à un de ses concessionnaires afin de faciliter ponctuellement une vente.

Ce système permet aux revendeurs de moduler les remises (cf. note 6) et les conditions particulières qu'ils octroient eux-mêmes, notamment en vue de réagir à une concurrence par les prix au plan local. La concurrence au plan local peut donc jouer à la fois lors de la négociation entre l'acheteur et les revendeurs de modèles comparables mais de marques différentes, et lors de la négociation portant sur un même modèle offert par plusieurs concessionnaires d'une même marque situés à distance raisonnable l'un de l'autre, notamment dans le même département.

L'opération ne provoquant des chevauchements d'activités entre les parties que sur les marchés de la vente au détail de VP neufs dans le département de l'Oise, il n'apparaît cependant pas nécessaire, au cas d'espèce, de déterminer avec plus de précision la dimension géographique du marché pertinent. En effet, même dans l'hypothèse d'une dimension géographique limitée à ce département, l'opération ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché de la vente au détail de VP neufs aux particuliers.

Marchés de la vente de pièces de rechange et d'accessoires

Les mêmes observations qu'en matière de vente de VP neufs peuvent être faites s'agissant au moins de la distribution de " pièces d'origines ", organisée également en réseaux animés par les concessionnaires. La vente au détail des autres pièces de rechange et accessoires revêt par ailleurs une dimension probablement locale. Il n'apparaît toutefois pas nécessaire, au cas d'espèce, de déterminer avec plus de précision la dimension géographique des marchés pertinents. En effet, même dans l'hypothèse de marchés géographiques de la vente de pièces automobiles limités au département de l'Oise, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.

Marchés des services d'entretien et de réparation

A la différence des marchés de la vente au détail de VP neufs, les marchés de l'entretien et de la réparation des véhicules présentent des aspects locaux plus marqués, en raison des contraintes de proximité manifestes, liées à la prestation de tels services de réparation ou de maintenance.

Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire au cas d'espèce de définir plus précisément les marchés pertinents concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées même sur la base la plus étroite envisageable de marchés de dimension locale.

Marchés de la location de véhicules automobiles

Dans sa décision Volkswagen/Europcar précitée (VW/Europcar), la Commission a considéré que les marchés de la location de véhicules automobiles pouvaient revêtir une dimension nationale ou locale selon la nature des services rendus.

Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire au cas d'espèce de définir plus précisément les marchés pertinents concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées même sur la base la plus étroite envisageable de marchés de dimension locale.

III. - APPRÉCIATION DES EFFETS DE L'OPÉRATION SUR LA CONCURRENCE

Compte tenu des activités exercées par les parties, l'impact de la concentration concerne principalement le marché de la vente au détail de VP neufs aux particuliers, et en second lieu les marchés de la vente de pièces de rechange, de l'entretien et de la réparation automobile, ainsi que de la location automobile.

Marchés de la vente au détail de VP neufs aux particuliers

Avec environ 13 000 VP, principalement de marque Renault, livrés chaque année essentiellement en Picardie et dans la région Nord-Pas-de-Calais, le groupe Gueudet se distingue par sa taille largement supérieure à la moyenne des revendeurs indépendants titulaires de concessions automobiles en France et se classe au troisième rang parmi les revendeurs du réseau national Renault. Selon ses propres estimations, l'essentiel des livraisons réalisées par le groupe Gueudet (plus de 80 %) est destiné à des particuliers.

L'opération conduisant à l'absorption par le groupe Gueudet du second réseau de distribution automobile de marque Renault actif dans le département de l'Oise, il convient d'examiner en particulier ses effets sur ce marché local.

Compte tenu du fait qu'une majorité des immatriculations de voitures de tourisme enregistrées dans le département de l'Oise en 2001 peut être attribuée à des particuliers, une évaluation des parts de marché sur la base du rapport entre les ventes de VP neufs réalisées par les parties dans ce département et le total des immatriculations de VP dans le même département peut, au cas d'espèce, être retenue comme un indicateur suffisamment fiable de la position détenue par la nouvelle entité sur un marché local de la vente au détail de VP neufs aux particuliers. Sur cette base, constituée par les 28 151 immatriculations enregistrées en 2001 dans le département de l'Oise, la part du marché VP neufs détenue par Gueudet s'élèverait à environ 16 % (y compris les locations longue durée avec option d'achat). L'addition de parts de marché résultant de l'acquisition du groupe Degand, qui a livré de son côté 1 753 véhicules immatriculés dans ce département la même année, soit une part de marché de 6,2 %, conduit la nouvelle entité à détenir une part de marché cumulée de 22,2 %.

Cette part de marché reflète le poids prépondérant des ventes de VP de marque Renault par ses deux concessionnaires présents dans le département. En effet, Renault détient dans l'Oise une part de marché de 24,5 %, qui inclut, outre les ventes de Gueudet et Degand, les ventes directes du constructeur aux membres du personnel résidant dans le département, les ventes réalisées par les agents VAR et les ventes sans démarchage, dites " passives " (cf. note 7), réalisées par d'autres concessionnaires implantés dans les départements limitrophes, notamment l'Aisne, le Val-d'Oise ou d'autres localités de la région parisienne.

Si l'acquisition des concessions Renault de Compiègne et Crépy-en-Valois permet à Gueudet d'étendre son activité dans le département de l'Oise, elle ne modifie pas l'équilibre de la concurrence intermarque dans cette région, compte tenu de la prépondérance de la marque Renault dans les ventes réalisées par les parties et de la présence de nombreux autres revendeurs de marques concurrentes. Or, la concurrence intermarque constitue l'élément moteur du jeu de la concurrence en matière de distribution automobile, y compris au plan local, le système actuel de distribution sélective et exclusive tendant à limiter la concurrence intramarque. La concentration ne modifie pas non plus substantiellement la position relative de Gueudet vis-à-vis de ses principaux concurrents locaux, compte tenu de la taille relativement limitée de Degand.

S'agissant des effets de l'opération sur la concurrence intramarque au plan local, il peut être conclu de l'instruction du dossier que la concentration ne permettra pas à Gueudet d'augmenter unilatéralement ses prix de ventes de véhicules Renault dans l'Oise.

En effet, compte tenu de la localisation des entreprises du groupe Degand l'hypothèse pourrait être émise que la nouvelle entité ne tente de mettre en œuvre une telle augmentation de prix dans les zones de Compiègne et de Crépy-en-Valois, situées à l'Est du département, et jusqu'alors susceptibles de subir une pression concurrentielle de la part des concessions Gueudet les plus proches, à savoir Clermont et Creil. Toutefois, il peut être observé que des revendeurs d'un réseau Renault concurrent sont établis à Noyon, Chauny et Soissons (02), soit à une distance des concessions Degand à peu près équivalente à celle séparant ces dernières des concessions Gueudet.

En outre, une telle tentative de hausse de prix entraînerait un risque de report significatif des achats de véhicules vers d'autres marques en particulier parmi les marques leader telles Peugeot et Citroën. Or, Gueudet ne détient dans cette zone Est du département de l'Oise que deux concessions de marques Toyota et Opel, peu susceptibles d'absorber la majeure partie de ces reports, en raison de leur part de marché limitée au plan national.

Dans l'hypothèse symétrique d'une tentative d'augmentation significative des prix des véhicules Renault vendus par les concessions Gueudet de Clermont et Creil, le risque pour Gueudet de subir un report des achats de véhicules vers d'autres marques subsisterait également. En outre, au moins trois concessionnaires Renault et plusieurs " VAR " présents dans le Val-d'Oise possèdent des établissements aisément et rapidement accessibles pour les consommateurs résidant dans les zones d'attraction de Clermont et Creil, proches de l'autoroute A 1. Ces concurrents, parmi lesquels peuvent être en particulier cités le concessionnaire Renault situé à Beauchamp et la " Cité Auto " située à Osny, seraient susceptibles de bénéficier également de tels reports d'achats.

Compte tenu de ces éléments, et notamment de la présence de concurrents réels et potentiels suffisamment nombreux, tout risque d'atteinte à la concurrence sur un marché local de la vente au détail de VP neufs aux particuliers dans le département de l'Oise peut donc être exclu.

Il en va de même a fortiori sur les autres marchés du secteur de la distribution automobile, car, soit les parties disposent de positions plus réduites que sur le marché des VP, soit la concentration ne produit aucun ou quasiment aucun chevauchement d'activités.

S'agissant de la vente de pièces de rechange et d'accessoires, il peut être constaté que l'organisation en réseaux de marques de la distribution de pièces d'origine est la même que celle de la vente au détail de VP neufs. Le risque peut également être exclu que Gueudet procède à une augmentation unilatérale significative et durable des prix des " pièces d'origine " qu'il vend aux réparateurs agréés Renault dépendants des réseaux de Compiègne, Crépy-en-Valois, Creil et Clermont, en particulier si l'on considère les nombreuses possibilités d'approvisionnements croisés entre ces réparateurs agréés, ainsi que l'alternative offerte par les réseaux Renault voisins.

Par ailleurs, l'opération ne saurait porter atteinte à la concurrence sur un éventuel marché local de la vente au détail de pièces non spécifiques, étant donné le chiffre d'affaires modeste réalisé par les parties dans ce domaine et l'existence de nombreux autres intervenants puissants, tels que les revendeurs spécialisés et les hypermarchés.

Sur les marchés des services d'entretien et de réparation, l'impact de la concentration concerne essentiellement les activités de services après-vente, notamment dans le cadre de la garantie contractuelle, compte tenu de la prépondérance de ces services dans l'activité des parties. Il peut être remarqué que le marché des services après-vente est encore directement influencé par le marché de la vente de véhicules neufs qui capte l'essentiel de la demande de tels services.

Il peut donc être présumé que, puisque l'opération ne modifie pas l'équilibre général de la concurrence sur le marché des ventes de VP, elle ne saurait produire non plus un effet sensible sur celui des services après-vente qui lui est étroitement lié.

Par ailleurs, la nouvelle entité ne disposera que d'une position très modeste sur le marché des services d'entretien et de réparation plus banals (services express), caractérisé par une structure atomisée de l'offre émanant de diverses catégories de concurrents tels les réparateurs agréés, les garagistes indépendants, les centres auto et les réparateurs membres de réseaux spécialisés (Midas, Speedy, Feu Vert, Norauto).

Enfin, sur les marchés de la location de véhicules automobiles l'opération concerne essentiellement les services de location longue durée, l'entreprise de location de Degand (Locaroise) n'étant pas cédée à Gueudet. Sur ce marché de services qui représenterait un substitut à l'acquisition de véhicules à crédit selon Gueudet, les parties ne réalisent que quelques centaines de locations par an. Compte tenu en particulier de l'offre de tels financements au moyen de contrats de locations avec options d'achat par les filiales de la plupart des grands groupes bancaires et des constructeurs eux-mêmes, l'opération n'est pas susceptible de produire un effet sensible sur la concurrence sur ce marché.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

NOTE (S) :

(1) La Commission a notamment distingué entre " light duty trucks " " medium duty trucks " et " heavy duty trucks ".

(2) Cf. par exemple décision Ford/Volvo n° IV/M.1452 en date du 26 mars 1999.

(3) Les neuf segments envisagés sont ainsi dénommés : A " mini cars ", B " small cars ", C " medium cars ", D " large cars ", E " executive cars ", F " luxury cars ", S " sport coupés ", M " multi purpose cars ", J " sport utility cars ".

(4) Règlement (CE) n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

(5) Règlement CE n° 1400-2002 précité.

(6) Dont la proportion s'élèverait à environ 8 % en moyenne en France selon une étude publiée par la Commission européenne.

(7) Au sens du règlement CE 1400-2002.