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Décisions

Ministre de l’Économie, 19 décembre 2002, n° ECOC0300227Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Pinault Bois & Matériaux

Ministre de l’Économie n° ECOC0300227Y

19 décembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 14 novembre 2002, vous avez notifié la prise de contrôle de la société Bouneau SA (ci-après " Bouneau ") par la société Pinault Bois & Matériaux (ci-après " PBM ").

I. - LES PARTIES ET L'OPÉRATION ENVISAGÉE

PBM est une filiale du groupe Pinault Printemps Redoute (ci-après " le groupe PPR ") dirigé par la société Artémis, elle-même contrôlée par les membres de la famille Pinault. Le groupe PPR est organisé autour de quatre grands pôles d'activités diversifiées que sont la distribution grand public (FNAC, Conforama, le Printemps, etc.), le luxe (groupe Gucci, etc.), les services financiers (FINAREF (cf. note 1) ) et le pôle professionnel (Guilbert, Rexel, CFAO et PBM). Le groupe a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires consolidé de 27 800 millions d'euros sur le plan mondial, de 19 200 millions d'euros en Europe et de 12 500 millions d'euros sur le territoire français. La plus grande partie du chiffre d'affaires de la filiale PBM est issue de ses activités d'importation et transformation de bois, d'une part, et de son activité de négoce de matériaux de construction, d'autre part. PBM est la seule société du groupe à exercer ce type d'activités.

Bouneau est une société anonyme de droit français, dont le siège social est situé à Grenade- sur-Adour dans les Landes. Elle est active dans le secteur du négoce généraliste de matériaux de construction et exploite 12 points de vente implantés, pour la plupart, dans le département des Landes, mais aussi dans les départements du Gers et des Pyrénées-Atlantiques. La société a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires de 32,8 millions d'euros, intégralement en France.

L'opération envisagée a pour objet l'acquisition de la totalité des titres de Bouneau par PBM. Elle constitue donc bien une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce en ce qu'elle doit conférer à PBM le contrôle exclusif de Bouneau. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives au contrôle de la concentration économique.

II. - LA DÉFINITION DES MARCHÉS EN CAUSE

Les parties sont toutes deux présentes dans le secteur de la distribution en gros de matériaux de construction. Cette activité comprend la vente de matériaux tels que le bois, les panneaux de bois, les produits de gros ouvre (parpaings, ciment, agrégats, briques, armature, etc.), les matériaux d'isolation, les matériaux de couverture, les produits d'aménagement intérieur ou extérieur, les produits se rapportant au carrelage, sanitaire, cuisine, menuiserie, chauffage, etc. En conséquence, les parties interviennent à la fois en amont en tant qu'acheteurs de matériaux auprès des fabricants de ces matériaux (i) et en aval en leur qualité de grossistes sur le marché du négoce de matériaux de construction (ii).

(i) Le marché de l'approvisionnement

PBM achète environ 90 % des matériaux qu'elle revend ensuite en tant que négociant. Le montant total de ses achats s'est élevé en 2001 à [...] millions d'euros. La part des achats de PBM est évaluée sur cette base à environ [0-10] % de la demande totale en France de matériaux de construction.

Pour sa part, Bouneau achète la totalité des matériaux qu'elle revend et ce pour un montant total de [...] millions d'euros. La part de ses achats se situe donc approximativement à [< 1] % de la demande totale en France de matériaux de construction.

En matière d'approvisionnement, il est possible de distinguer autant de marchés qu'il existe de familles de produits (cf. note 2) . En effet, chaque famille de produits a ses caractéristiques propres, faisant intervenir un nombre d'opérateurs très variable et de taille différente, en fonction des investissements, du savoir-faire ou encore du niveau de recherche et développement nécessaires à la fabrication des différents matériaux de construction.

Au cas d'espèce, il n'est toutefois pas nécessaire de segmenter aussi précisément le marché de l'approvisionnement dans la mesure où, quelle que soit la délimitation produit ou géographique retenue, l'apport de la société objet de l'opération n'entraîne que de très faibles additions en termes de parts de marché sur le ou les différents marchés de l'approvisionnement.

(ii) Le marché du négoce de matériaux de construction

La Commission définit le marché du négoce de matériaux comme étant " une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment " (cf. note 3) . En effet, l'activité consiste à fournir en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction.

Ce marché se distingue de la distribution au détail de matériel de bricolage dans la mesure où l'offre des négociants s'adresse en priorité à des professionnels, ce qui implique des différences notables dans l'organisation de distribution des produits (stocks plus importants, délais de paiement, peu de ventes à emporter, demande de livraison directe par le fournisseur en cas de commande importante, etc.) ainsi que dans la largeur et la profondeur des gammes de matériaux et matériels proposés par les négociants. Par ailleurs, si des particuliers s'adressent parfois à des négociants en matériaux de construction, il s'agit généralement de " bricoleurs lourds " dont les attentes sont proches de celles de professionnels (cf. note 4) .

La question de la possibilité d'une segmentation plus fine du marché du négoce de matériaux a été abordée à plusieurs reprises par le Conseil de la concurrence (cf. note 5) , la Commission (cf. note 6) européenne et le ministre. Il est ainsi possible de distinguer les négociants " généralistes ", qui proposent une gamme de produits large mais peu profonde, des négociants " spécialisés ", dont l'offre est centrée sur une famille de produits. Ainsi, un peu moins de la moitié des points de vente du réseau PBM est composée de négociants de type généraliste, tandis que le reste des points de vente PBM sont spécialisés, soit dans les produits de second ouvre et couverture, soit dans le carrelage, soit enfin dans la vente de panneaux de bois. Selon les parties, le marché de la distribution généraliste de matériaux de construction peut lui-même être subdivisé en deux sous-segments en fonction de la profondeur de chacune des gammes. A ce titre, les parties distinguent d'une part les " petits " points de vente, essentiellement implantés en zone rurale, offrant à la vente une gamme complète mais peu profonde de matériaux et d'autre part les " grands " points de vente, implantés à proximité des grandes agglomérations, disposant d'une gamme complète, plus spécialisée et plus profonde de matériaux. Bouneau n'exploite, pour sa part, que des points de vente généralistes. En l'espèce, la question de la délimitation précise du marché du négoce " généraliste " peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeureront inchangées quelle que soit la dimension du marché.

Du point de vue géographique, la commission a relevé qu'en matière de distribution de matériaux de construction, la dimension à retenir était au plus nationale, mais que la délimitation précise du marché du négoce peut être laissée ouverte. En effet, les professionnels du bâtiment effectuent très généralement leurs achats dans un périmètre relativement restreint (cf. note 7) .

Ainsi, dans sa pratique décisionnelle précitée, le ministre a retenu une dimension locale pour les marchés du négoce de matériaux de construction.

Selon les parties, la clientèle des négociants en matériaux de construction n'est prête à se déplacer pour ses approvisionnements que dans un rayon maximum de 50 à 75 kilomètres pour ce qui concerne les points de vente spécialisés, de 30 à 50 kilomètres pour ce qui est des " grands " points de ventes généralistes et de 25 à 30 kilomètres pour les " petits " points de vente généralistes.

Au plan local, Bouneau est implanté dans les départements des Landes, du Gers et des Pyrénées-Atlantiques, tandis que PBM n'est présent que dans les Pyrénées-Atlantiques.

II. - L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

(i) Sur le marché amont de l'approvisionnement

La présente opération pourrait entraîner un renforcement de la puissance d'achat des parties, à la suite de l'augmentation de leurs achats cumulés dans le chiffre d'affaires de leurs fournisseurs communs. Or, d'une part, pour la plupart des fournisseurs communs, la part des achats de Bouneau reste très peu significative par rapport à celle de PBM. L'opération ne modifiera donc pas de façon sensible les rapports commerciaux entre ces fournisseurs et le nouvel ensemble. D'autre part, dans les cas où le montant des achats cumulés des parties augmente de plus de 10 %, la part des achats du nouvel ensemble dans le chiffre d'affaires des fournisseurs concernés reste faible. En conséquence, sans qu'il soit même nécessaire d'examiner les débouchés alternatifs dont pourraient disposer les fournisseurs communs aux parties, on constate que l'opération n'aura pas pour effet de placer leurs fournisseurs en situation de dépendance économique.

Enfin, il faut préciser que l'opération envisagée n'emporte pas un degré de concentration sur le marché du négoce de matériaux de construction tel que le nouvel ensemble puisse constituer à terme un débouché incontournable du point de vue des fournisseurs. Dès lors, dans la mesure où les fournisseurs conservent une alternative crédible de débouchés parmi les nombreux opérateurs présents dans le secteur du négoce de matériaux de construction, tant au niveau national (Point P, Bigmat, Gedimat, MC Matériaux, etc.) que local (pour les Landes et les Pyrénées-Atlantiques : Lasserre et Cazenave, pour le Gers : Camozzi et Sarremejean, etc.), l'opération n'entraîne pas de renforcement significatif de la puissance d'achat de la nouvelle entité.

(ii) Sur les marchés avals du négoce de matériaux de construction

Au plan national, PBM réalise environ [0-10] % des ventes en gros de matériaux de construction, tandis que Bouneau n'en réalise que [0-10] %.

Au plan local, la présente opération ne donne lieu à un chevauchement d'activité entre Bouneau et PBM que dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Cependant, dans ce département, la part cumulée des parties dans les ventes totales de matériaux de construction des négociants demeure modeste et n'excède pas [10-20] %et l'apport de Bouneau qui y exploite 2 points de vente est relativement faible : PBM, au travers de 4 points de vente, réalise [10-20] % du chiffre d'affaires départemental ([10-20] % sur la seule zone de Pau). Point P réalise dans le département [30-40] % des ventes de matériaux de construction.

En affinant l'analyse, il ressort que sur la zone regroupant notamment Bayonne et Biarritz, les deux points de vente de Bouneau et PBM, qui sont distants de 7 kilomètres, ne relèvent pas du même type de négoce, PBM exploitant un point de vente spécialisé et Bouneau un négoce généraliste.

Sur la zone de Pau, PBM est présent au travers de 3 points de vente : 1 spécialiste et 2 " grands " points de vente généralistes (qui réalisent respectivement [...] millions d'euros et [...] millions d'euros de chiffre d'affaires) situés à Pau et à Maubourguet (ville distante d'environ 40 kilomètres de Pau). Sur cette zone, Bouneau est implanté à Lembeye (soit à environ 24 kilomètres de Pau et à 15 kilomètres de Maubourguet) avec un " petit " point de vente, qui réalise [...] millions d'euros de chiffre d'affaires. Dès lors, compte tenu du faible chevauchement d'activités des parties dans cette zone et de la présence de plusieurs concurrents dont au moins la société Chausson Matériaux implanté à Lons, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Aux termes du protocole d'accord notifié, les cédants s'engagent, pour une durée de 3 ans, à ne s'intéresser, directement ou indirectement, à aucune entreprise, sous quelque forme juridique que ce soit, dont l'activité serait de nature à concurrencer celle de PBM dans le cadre de ses activités actuelles, dans les départements du Gers, des Landes, des Pyrénées- Atlantiques et Hautes-Pyrénées. De manière générale, la Commission européenne considère que de telles clauses peuvent être justifiées pour des périodes n'excédant pas deux à trois ans (cf. note 8) .

Il ressort de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante. Je vous informe que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret no 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTE (S) :

(1) La cession de FINAREF a été annoncée, mais n'est pas encore réalisée à la date de la présente opération, en application de l'article L. 430-4 du Code du commerce.

(2) Décision M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Lettre du ministre Mr. Bricolage/Tabur du 29 août 2002, en instance de publication.

(3) Décision M.486, Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

(4) Lettres du ministre Mr. Bricolage/Tabur précitée, PBM/Carmat du 6 septembre 2002, Point P / CMM du 7 novembre 2002, VM Matériaux/Mégnien du 20 novembre 2002, Point P/Ardi du 13 décembre 2002, en instance de publication.

(5) Décision du Conseil de la concurrence no 88-D-30, BOCCRF no 19 du 30 septembre 1988.

(6) Décisions M. 764, Saint-Gobain/Poliet du 4 juillet 1996 et M. 1974 Cie Saint- Gobain/Raab Karcher du 22 juin 2000.

(7) Lettres du ministre Point P / CMM, VM Matériaux, / Mégnien, PBM / Carmat, Point P / Ardi précitées.

(8) Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration du 4 juillet 2001 (2001/C 188-3), point 15.