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Décisions

Ministre de l’Économie, 27 mai 2003, n° ECOC0300239Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils des sociétés Chausson Matériaux SA, Marinier Matériaux SAS et Socepag SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0300239Y

27 mai 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dossier déclaré complet le 24 avril 2003, vous avez notifié le projet de fusion des sociétés Chausson Matériaux SA (ci-après " Chausson "), Marinier Matériaux SAS (ci-après " Marinier ") et Socepag SA (ci-après " Socepag "). Ce projet a été formalisé par un protocole d'accord signé entre les parties à la fusion en date du 2 avril 2003.

I. - LES PARTIES ET L'OPÉRATION

Chausson a pour activité principale le négoce de matériaux de construction. Il exerce par ailleurs une activité de préfabrication de produits béton et une activité de béton prêt à l'emploi. En 2002, l'activité de négoce représente 93 % du chiffre d'affaires du groupe, contre 7 % s'agissant de l'activité de production. Toute la production est vendue au travers de l'activité de négoce.

Chausson compte 55 agences, 1 plate-forme logistique, 3 usines de préfabrication de produits béton et 3 centrales de béton prêt à l'emploi, implantées sur 16 départements des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Auvergne. Les agences sont de deux types : généralistes, au nombre de 41, et spécialistes, au nombre de 14.

En 2002, Chausson a réalisé, en France exclusivement, un chiffre d'affaires de 160 millions d'euros.

Marinier a également pour activité principale le négoce de matériaux de construction. Il exerce par ailleurs une activité de fabrication et de distribution de béton prêt à l'emploi. En 2002, l'activité de négoce représente 98,3 % de son chiffre d'affaires contre 1,7 % pour son activité de production.

Marinier compte 32 agences, dont 2 sont spécialisées (cf. note 1), 1 plate-forme logistique et exploite une centrale de béton prêt à l'emploi. En outre, elle détient une participation de 30 % dans une usine de fabrication de fermettes et charpentes. Il est implanté sur 7 départements des régions PACA, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon.

En 2002, Marinier a réalisé, en France exclusivement, un chiffre d'affaires de 118,3 millions d'euros.

Socepag est la société de tête du groupe R. Melin Matériaux (ci-après " Melin "). Le groupe a pour unique activité le négoce de matériaux de construction. Il exploite 27 agences généralistes implantées sur 9 départements des régions Centre, Limousin, et Poitou-Charentes.

En 2002, Melin a réalisé, en France exclusivement, un chiffre d'affaires de 98,8 millions d'euros.

Aux termes du protocole d'accord signé le 2 avril 2003, l'opération envisagée consiste en un rapprochement capitalistique de Chausson, Marinier et Melin. Elle doit aboutir à la constitution d'un nouveau groupe dénommé Trialis. L'opération constitue à ce titre une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations, conformément aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.

II. - LES MARCHÉS CONCERNÉS

Les parties à l'opération sont simultanément présentes sur les mêmes secteurs d'activités en tant que distributeurs de matériaux de construction, et sont par conséquent toutes trois acheteurs sur les marchés de l'approvisionnement. Chausson et Marinier sont par ailleurs présents sur les marchés de l'approvisionnement en tant que fabricants de béton prêt à l'emploi.

A. - La délimitation des marchés concernés

1. Les marchés du négoce de matériaux de construction

Selon la pratique décisionnelle de la Commission (cf. note 2), le négoce de matériaux de construction est une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment. L'activité consiste à fournir en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction. Dans sa pratique décisionnelle, le ministre a par ailleurs déjà été amené à distinguer le négoce de matériaux de construction de la distribution en grandes surfaces de bricolage (GSB) ou en grandes surfaces alimentaires (GSA) (cf. note 3).

L'offre des négociants s'adresse en priorité à des professionnels du bâtiment ou à des particuliers " bricoleurs lourds " dont les attentes sont proches de celles de professionnels. Cela implique des caractéristiques spécifiques en termes d'organisation de distribution des produits : les négociants disposent de stocks importants, de gammes profondes, ils livrent généralement la marchandise à leur clientèle, proposent parfois la livraison directe par le fournisseur pour les commandes importantes, ont une activité de conseil très importante aux yeux de la clientèle, accordent des délais de paiement, assument le risque-client, etc.

A l'inverse, les GSB s'adressent principalement à une clientèle de particuliers dans le cadre de leurs achats de matériel de bricolage. Lorsque des professionnels s'adressent aux GSB pour certains matériaux, leur comportement reste proche de celui des particuliers (achats ponctuels de petites quantités, à emporter, absence de délais de paiement, etc). Si les négociants traditionnels et les GSB sont amenés à proposer des produits identiques, les services et les conditions de vente qui s'y rapportent diffèrent sensiblement d'un canal de distribution à l'autre, ce qui justifie qu'ils puissent être considérés comme appartenant à des marchés distincts.

Quant aux GSA, elles n'offrent qu'un faible nombre de références et, en dehors d'opérations ponctuelles, ne consacrent qu'une surface très limitée aux articles de bricolage.

Par ailleurs, la jurisprudence et la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, tant françaises (cf. note 4) que communautaires (cf. note 5), ont évoqué à plusieurs reprises la possibilité de distinguer, au sein du marché du négoce de matériaux de construction, une segmentation plus fine en fonction du degré de spécialisation des négociants. En effet, contrairement aux négociants généralistes dont l'offre porte sur un assortiment complet de différentes gammes de produits, les négociants spécialisés proposent des gammes plus profondes et une expertise plus poussée sur des lignes de produits particulières (bois, carrelage, isolation, etc).

Pour autant, il convient de constater que si Marinier et Chausson exploitent tous deux des succursales de négoce spécialisées, leurs succursales respectives ne s'adressent pas aux mêmes professionnels. Dès lors, il n'apparaît pas nécessaire de s'interroger sur l'existence d'un marché distinct correspondant à chacune de ces spécialités.

L'analyse concurrentielle portera, compte tenu des éléments précédemment développés, sur l'activité de négoce généraliste de matériaux de construction hors GSB et GSA.

2. Les marchés de l'approvisionnement

L'activité de Chausson, Marinier et Melin consiste à s'approvisionner en matériaux de construction auprès de fabricants puis à revendre ces matériaux aux professionnels de la construction et des travaux publics. La demande adressée aux fabricants émane en grande partie de négociants de taille nationale (Point P, Pinault Bois & Matériaux, groupements d'achats d'indépendants comme BIGMAT ou GEDIMAT) ou régionale. Le solde de la demande émane des grandes surfaces de bricolage, des grandes surfaces alimentaires pour leurs rayons bricolage ou fait l'objet de commandes directes auprès des fabricants pour quelques produits particuliers.

Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission et du ministre, il est possible de distinguer, en matière d'approvisionnement, autant de marchés qu'il existe de familles de produits (cf. note 6). La structure de l'offre, l'évolution des prix, la nature et l'intensité des barrières à l'entrée ou des contraintes de fabrication peuvent sensiblement varier d'une famille de produits à l'autre. Au cas d'espèce, deux des entreprises concernées par la présente opération, Chausson et Marinier, fabriquent un certain nombre de produits " béton ", notamment du béton prêt à l'emploi, classés dans le groupe de produits " Gros œuvre/Maçonnerie " dans l'étude Négoce 2004 (cf. note 7). Ce groupe de produits, qui regroupe les familles de produits " poudres ", " agrégats ", " béton " et " éléments de structure " représente en 2001 plus de 24 % des ventes du réseau national des négociants généralistes et spécialistes. Parmi les leaders de la fabrication de ces produits en France sont notamment identifiées des filiales de groupes tels que Lafarge, les Ciments français, ou encore Redland. Au regard de la représentativité du chiffre d'affaires généré par l'activité de fabrication de produits béton de Chausson et Marinier dans leur chiffre d'affaires respectif (7 % et 1,7 %) rapportée aux chiffres d'affaires des leaders précités, et eu égard, de surcroît, au fait que la production de Chausson et Marinier est exclusivement vendue au travers de leur activité de négoce, il n'apparaît pas nécessaire aux fins de l'analyse de définir les marchés d'approvisionnement des matériaux considérés sur lesquels Chausson et Marinier sont actifs.

Par ailleurs, ainsi qu'il a été souligné auparavant, la présente opération n'emporte pas de chevauchement d'activité quant au négoce spécialisé de matériaux de construction.

Compte tenu de ces éléments, la question de la délimitation des marchés de l'approvisionnement en matériaux de construction peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

B. - La dimension géographique des marchés

1. L'activité du négoce généraliste de matériaux de construction

En matière de négoce de matériaux de construction, il est généralement admis que la dimension géographique du ou des marchés pertinents est locale, dans la mesure où les professionnels du bâtiment effectuent la plupart de leurs achats à proximité de leur propre zone d'intervention.

Toutefois, le périmètre de la zone de chalandise d'un point de vente varie en fonction de la largeur de l'assortiment de gammes proposé, de la spécificité ou du caractère plus ou moins onéreux de certains produits, du degré de spécialisation du point de vente concerné et de la région où il est implanté. La clientèle est en effet prête à se déplacer sur de plus grandes distances pour rejoindre un point de vente généraliste offrant un plus grand nombre de références ou un point de vente spécialisé correspondant à un besoin précis ou moins courant.

Concernant l'activité de négoce généraliste de matériaux de construction, les parties à la concentration fondent le périmètre d'une zone homogène de concurrence sur une localisation des clients de chacune de leurs succursales. Sur la base de leurs observations, la zone de chalandise de leurs agences s'étend dans un rayon compris entre 15 et 30 kilomètres, étant précisé qu'en milieu urbain ou à proximité des zones urbaines les déplacements tant des professionnels que des particuliers s'inscrivent dans un rayon plus court qu'en milieu rural. La détermination des zones de chalandise est appréciée de manière très précise par les agences, s'agissant particulièrement de la vente de produits de gros œuvre, dans la mesure où, le plus souvent, ce sont les agences elles-mêmes qui livrent la clientèle. A cet égard, l'aptitude des agences à livrer avec rapidité les clients constitue de plus en plus une composante majeure dans le service attendu de la part des négociants, renforçant encore la nécessité d'offrir un service de proximité. Pour autant, le ministre, dans sa pratique décisionnelle (cf. note 8), a considéré sur le fondement des éléments recueillis lors de précédentes instructions que la zone de chalandise d'une agence de négoce généraliste de matériaux de construction pouvait être étendue à un rayon de 50 kilomètres. Au cas d'espèce, quelle que soit la délimitation géographique adoptée, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées. En effet, l'opération n'emporte de chevauchement d'activité que sur une seule zone, que l'on considère l'une ou l'autre des délimitations envisageables.

2. Les marchés de l'approvisionnement concernés

En matière d'approvisionnement en matériaux de construction, la dimension géographique est généralement considérée comme étant au moins nationale, voire européenne (cf. note 9).

La question d'une délimitation plus fine de la dimension géographique des marchés de l'approvisionnement peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. - L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

A. - Sur l'activité de négoce généraliste

de matériaux de construction

Les ventes de matériaux de construction réalisées par les enseignes des groupes concernés sur l'ensemble du territoire français se sont élevées à 377 millions d'euros en 2002. Le cumul des chiffres d'affaires des parties rapporté à l'estimation en valeur du secteur en 2001 porte la représentativité du nouvel ensemble dans l'activité de négoce de matériaux de construction en France à 2,35 %. Les principaux opérateurs du secteur, Point P (groupe Saint-Gobain) et Pinault Bois & Matériaux (groupe PPR), représentent quant à eux sur la période considérée respectivement 24 % et 8,1 % du secteur de l'activité de négoce de matériaux de construction au niveau national.

Au niveau local, si aucun des trois groupes concernés par le rapprochement n'est présent dans le même département, l'incidence de la proximité d'une agence généraliste de Chausson, située à Marsillargues dans le département de l'Hérault, avec deux agences généralistes de Marinier, situées à Nîmes et à Milhaud dans le département du Gard, doit néanmoins être examinée. Il apparaît en effet, au regard de la délimitation des zones homogènes de concurrence proposée, que l'opération projetée n'a pour conséquence un chevauchement d'activité que sur cette seule zone, la ville de Marsillargues étant distante de 30 kilomètres et de 20 kilomètres des villes de Nîmes et de Milhaud, elles-mêmes distantes entre elles de 7 kilomètres.

Sur la zone de chalandise ainsi identifiée sont implantées 28 agences de négoce de matériaux de construction, hors les trois agences du nouveau groupe, dont 6 sont exploitées par Point P, 6 par Gedimat, opérateurs de dimension nationale, et 4 par Gervais Matériaux, opérateur de dimension régionale.

Sans qu'il soit nécessaire d'estimer en valeur l'activité de négoce de matériaux de construction sur cette zone de chalandise, le rapprochement projeté entre les groupes Chausson, Marinier et Melin ne saurait présenter un risque d'atteinte à la concurrence sur cette zone en raison de ses effets horizontaux, compte tenu de la pression concurrentielle qui sera exercée sur la nouvelle entité par les opérateurs concurrents identifiés.

B. - Sur les marchés de l'approvisionnement

Compte tenu du faible poids que représente le chiffre d'affaires des entreprises concernées au plan national (cf. note 10), sa part dans le total des achats de matériaux de construction est également faible.

En outre, il apparaît au vu des éléments communiqués par les parties que la part que représenterait le nouveau groupe dans le chiffre d'affaires de ses principaux fournisseurs n'est pour aucun d'eux supérieure à 15 %.

L'opération n'emporte donc pas de renforcement de la puissance d'achat de la nouvelle entité susceptible de placer ses fournisseurs en situation de dépendance économique et n'est pas de nature à lui procurer un avantage concurrentiel déterminant à l'égard des autres opérateurs.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTE (S) :

(1) L'une dans le négoce de matériaux de menuiserie, l'autre dans le négoce de carrelages.

(2) Décision de la Commission européenne dans l'affaire M. 486, Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

(3) Lettre du ministre du 29 août 2002 relative à l'acquisition de la société Tabur par la société Mr. Bricolage, BOCCRF du 31 décembre 2002.

Lettre du ministre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux, publiée au BOCCRF n° 5 du 20 mai 2003.

Lettre du ministre du 7 novembre 2002 relative à l'acquisition de la société CMM par la société Point P SA, en instance de publication.

Lettre du ministre du 13 décembre 2002 relative à l'acquisition du groupe Ardi/Isopar par la société Point P SA, publiée au BOCCRF n° 5 du 20 mai 2003.

(4) Décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-30, BOCCRF n° 19 du 30 septembre 1988, relative à des pratiques relevées dans le secteur du négoce des matériaux de construction dans la région Rhône-Alpes. Lettres du ministre précitées du 6 septembre 2002 et du 7 novembre 2002.

(5) Décision de la Commission dans l'affaire M.764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.

Décision de la Commission dans l'affaire M.1974, Compagnie de Saint-Gobain/Raab Karcher, du 22 juin 2000.

(6) Décision de la Commission dans l'affaire M.1221 Rewe/Meinl, du 3 février 1999. Décision de la Commission dans l'affaire M.1684 Carrefour/Promodès, du 25 janvier 2000. Lettres du ministre précitées du 29 août 2002, du 6 septembre 2002 et du 7 novembre 2002.

(7) Source : Développement Construction, étude Négoce 2004, communiquée par les parties.

(8) Lettre du ministre du 6 septembre 2002 précitée.

(9) Décision de la Commission précitée M. 735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996. Décision de la Commission précitée M.764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.

(10) Sur la base d'une estimation de l'activité au niveau national issue de l'étude Négoce 2004 précitée, le cumul des chiffres d'affaires des entreprises concernées représente en 2001, 2,35 % du chiffre d'affaires de l'activité considérée.