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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 9 janvier 2003, n° 01-03677

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SAD (SARL)

Défendeur :

Publicis Cachemire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Santelli, Kerraudren

Avoués :

Me Guillaume, SCP Brondel-Tudela

Avocats :

SCP Lévy-Roche, SCP Arnaud-Rey.

T. com. Lyon, du 31 mai 2001

31 mai 2001

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Par déclaration du 20 juin 2000, la société SAD a relevé appel d'un jugement rendu le 31 mai 2001 par le Tribunal de commerce de Lyon qui a rejeté sa demande en paiement présentée à la société Publicis Cachemire au motif qu'elle n'avait pas respecté les usages en matière de publicité en ne transmettant pas un bon à tirer à son client et qui a également débouté la société Publicis Cachemire de sa demande en dommages et intérêts de 26 100 F formée contre la société SAD au motif que la société Publicis Cachemire avait commis une faute en ne précisant pas sur son bon de commande sa volonté d'acquérir l'exclusivité de l'emplacement publicitaire réservé.

Vu l'article 455 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société SAD dans ses conclusions récapitulatives du 26 septembre 2001 tendant à voir réformer le jugement déféré aux motifs que la société Publicis Cachemire ne s'était pas réservée l'exclusivité de l'emplacement publicitaire dans l'agenda qu'elle devait éditer, exclusivité que d'ailleurs refusait de lui consentir la Fédération française des magasins de Bricolage, son client, qui souhaitait qu'apparaisse sur l'agenda son logo personnel, ce qu'elle était en droit de revendiquer étant le destinataire de cet agenda et qu'en outre l'impression de l'encart publicitaire au sein de l'agenda de la Fédération française des magasins de Bricolage ne nécessitait pas que des bons à tirer soient nécessairement établis, en tout état de cause lesdits bons à tirer ayant bien été adressés à la société Publicis Cachemire qui ne les a pas renvoyés dans le délai nécessaire convenu avant que l'impression des agendas ne soient mises en œuvre dans un délai très bref qui lui était imparti ; qu'en conséquence, la société Publicis Cachemire devait être condamnée à lui payer le montant de sa facture correspondant au coût de cette impression conformément à la commande du 31 août 1999 ; qu'enfin la société Publicis Cachemire n'était pas fondée dans les moyens qu'elle invoquait pour refuser le paiement de cette facture ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société Publicis Cachemire dans ses conclusions récapitulatives du 7 mai 2002 tendant à faire juger que la société SAD n'avait pas respecté ses obligations contractuelles ; qu'il était convenu d'une exclusivité de l'encart publicitaire au profit de son client Syntilor ; qu'un bon à tirer était indispensable pour vérifier la conformité de l'épreuve à réaliser avec la commande ; que faute de l'avoir fait la société SAD a commis une faute; que la commande a de toute façon était annulée du fait que la société SAD n'était pas d'accord sur une exclusivité ; qu'ainsi la commande n'aurait jamais dû être exécutée dans ces conditions, sauf pour la société SAD à commettre une faute ; qu'en conséquence, il convient de la débouter de toutes ses demandes; qu'elle-même forme un appel incident pour réclamer le paiement de dommages et intérêts à la société SAD qui a porté atteinte à ses droits d'auteur en décidant unilatéralement et sans son accord de recomposer le message publicitaire qu'elle avait créé, et qui constituait une œuvre originale, de sorte que la société SAD devait être condamnée à lui payer une somme de 1 983,82 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, après avoir prononcé la résolution du contrat qui n'a pas été exécuté conformément aux accords ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2002.

MOTIFS ET DECISION

I°) Sur la demande en paiement de la société SAD et l'exécution du contrat :

Attendu que la société Publicis Cachemire, société spécialisée dans la publicité, a commandé selon bon du 31 août 1999 à la société SAD, qui édite chaque année pour le compte de sa cliente, la Fédération française des magasins de Bricolage - FFB - un agenda, un emplacement publicitaire dans cet agenda pour y faire paraître une publicité dont la société Syntilor qui commercialise des produits de peinture et d'entretien pour les meubles en bois lui a demandé l'insertion dans les termes suivants :

" Insertion publicitaire de Syntilor dans l'agenda 2000 pour la Fédération française des magasins de Bricolage - encart de Syntilor en quadrichromie page de droite de la grille de chaque semaine " ;

Attendu que pour s'opposer au paiement de la facture de 124 020 F HT que la société SAD lui a fait parvenir en représentation de l'impression des agendas dans lesquels était inséré le texte commandé, la société Publicis Cachemire invoque l'annulation par elle de la commande, le 15 octobre 1999, après qu'elle eut reçu le 8 octobre 1999 de la société SAD l'information selon laquelle la Fédération française des magasins de Bricolage refusait que la société Syntilor bénéficie de l'exclusivité dans l'encart publicitaire prévu dans lequel la Fédération française des magasins de Bricolage souhaitait que son propre logo figure ;

Attendu que cette exclusivité que réclame la société Publicis Cachemire pour son client Syntilor ne résulte ni de la commande, ni d'un échange de correspondance entre la société SAD et la société Publicis Cachemire, de sorte que la société Publicis Cachemire ne peut se prévaloir d'un engagement de la société SAD accordé à son client Syntilor une telle exclusivité ;

Attendu que la société SAD reconnaît que la société Publicis Cachemire lui a adressé par chronopost, le 8 octobre 1999, soit avant d'annuler la commande, une maquette publicitaire, qui selon la société SAD ne correspondant pas à la commande de la société Publicis Cachemire, ni à la proposition qu'elle lui avait faite, circonstance qui aurait dû de plus fort inciter la société SAD à ne pas se contenter d'adresser le 15 octobre 1999 un courrier à la société Publicis Cachemire pour lui signaler cette difficulté, mais bien plutôt à lui demander de ne pas exécuter dans ces conditions l'impression des agendas, avant qu'un accord n'intervienne avec la société Publicis Cachemire ;

Attendu que la société SAD ne peut à cet effet prétendre, pour expliquer cette précipitation à réaliser la commande, qu'elle était tenue par un délai impératif qui lui avait été donné et qu'elle devait par conséquent respecter, alors que ni la commande, ni la correspondance échangées entre la société SAD et la société Publicis Cachemire ne mentionnent qu'une telle obligation ait été prévue, ni que la société SAD ait convenu avec son client, Fédération française des magasins de Bricolage, de faire paraître cet agenda à une date déterminée et qu'une telle exigence ait été portée à la connaissance de la société Publicis Cachemire ;

Attendu que comme l'a relevé opportunément le premier juge, il est d'usage dans la profession de l'édition que toute commande ne puisse s'exécuter que pour autant que l'éditeur ait adressé préalablement à son client un bon à tirer comportant le texte de l'impression qui lui a été remis et dont l'objet est de permettre au client de vérifier la conformité de l'épreuve réalisée avec la commande ;

Attendu que la société SAD ne peut davantage se prévaloir d'un quelconque précédent que constituerait la commande que lui a passée le 17 juillet 1997 la société Publicis Cachemire alors que le texte à imprimer n'était pas le même et que cette seule commande ne peut valoir comme référence d'une pratique qui se serait instaurée entre la société SAD et la société Publicis Cachemire et qui réglerait ainsi leurs relations contractuelles ;

Attendu que dans le cas présent, la commande comportant la mise en œuvre d'une maquette exigeait que l'annonceur soit en mesure d'apporter des modifications qu'il pourrait juger nécessaires avant que le tirage de l'épreuve devienne définitif, la société SAD ne pouvant en l'espèce ignorer que les seuls éléments communiqués par la société Publicis Cachemire étaient insuffisants à constituer le contrat, à défaut qu'un bon à tirer, qui en était un élément nécessaire, ne soit délivré rendant ainsi la commande définitive ;

Attendu que la société SAD se devait ainsi de n'exécuter l'impression des agendas qu'après avoir reçu l'accord de la société Publicis Cachemire, non seulement sur le texte à imprimer mais également sur les conditions dans lesquelles il devait figurer dans les agendas ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les agendas n'étaient pas encore imprimés au jour où la société Publicis Cachemire a fait connaître à la société SAD par courrier du 8 octobre 1999 que son client Syntilor ne consentait pas aux modifications que la société SAD lui avaient communiquées à raison du supposé désaccord de la Fédération française des magasins de Bricolage à accorder une exclusivité à l'insertion de la société Syntilor dans l'agenda 2000 à réaliser, la société Publicis Cachemire ne pouvant s'engager, alors que comme agence publicitaire elle est seulement le mandataire de son client, au-delà du mandat que la société Syntilor lui avait consenti ;

Attendu que la société SAD a en conséquence commis une faute en exécutant une commande qui était nécessairement imparfaite à défaut du bon à tirer, de sorte qu'une condition manquait à sa réalisation et qu'au surplus la commande avait été annulée par la société Publicis Cachemire, dès le 15 octobre 1999, quand bien même les conditions d'une annulation ne seraient-elles pas remplies, la société Publicis Cachemire invoquant une exclusivité qui n'avait pas été convenue explicitement lors de la commande ;

Attendu que dans ces conditions la société SAD n'est pas fondée dans sa demande en paiement de sa factureet qu'elle doit ainsi en être déboutée ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer en conséquence le jugement déféré ;

II°) Sur la demande en dommages et intérêts de la société Publicis Cachemire :

Attendu que la société Publicis Cachemire forme un appel incident pour réclamer la résolution au contrat qu'elle avait conclu avec la société SAD au motif que celle-ci a modifié unilatéralement et sans son accord le message publicitaire qu'elle lui avait communiqué, notamment tant à la composition et aux couleurs des films retenus dans le tirage, et qu'en le recomposant de la sorte avec d'autres couleurs, la société SAD a ainsi manifestement porté atteinte aux droits d'auteur que la société SAD entend voir protégés, dès lors que ces messages publicitaires transmis résultaient d'une œuvre de l'esprit et constituait de ce fait une œuvre originale ;

Attendu que la société SAD n'a pas répondu sur cette demande de la société Publicis Cachemire, de sorte qu'il convient de constater qu'elle ne s'y oppose pas et de considérer cette prétention comme fondée ;

Attendu qu'en conséquence il y a lieu, la réclamation de la société Publicis Cachemire étant fondée, de prononcer la résolution du contrat conclu par la société Publicis Cachemire avec la société SAD, le premier juge n'ayant pas statué sur cette demande ;

Attendu que la société Publicis Cachemire ne démontre pas que la faute soit génératrice d'un préjudice indemnisable qu'elle aurait subi de ce fait, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa prétention à obtenir des dommages et intérêts ;

Attendu que le jugement déféré doit être réformé en conséquence ;

III°) Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société Publicis Cachemire la charge de ses frais irrépétibles et qu'il y a lieu ainsi de lui allouer une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la société SAD, qui succombe, doit supporter les dépens d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société SAD en paiement de sa facture et la société Publicis Cachemire de sa demande en dommages et intérêts - Y ajoutant, Déclare la société Publicis Cachemire bien fondée dans sa demande en résolution du contrat conclu le 31 août 1999 avec la société SAD, Prononce en conséquence la résolution de ce contrat aux torts de la société SAD, Condamne la société SAD à payer à la société Publicis Cachemire la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP Brondel & Tudela, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.