CA Aix-en-Provence, 1re ch. civ. B, 25 juin 1998, n° 94-24271
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commune de Miramas
Défendeur :
Réalisations Marketing Gestions Publicitaires (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roudil
Conseillers :
Mme Jacques, M. Djiknavorian
Avoués :
SCP Tollinchi, SCP Martelly Maynard
Avocats :
Mes Peru, Ghevontian.
Courant 1988, la société Réalisations Marketing Gestions Publicitaires (RMGP) a mis à la disposition de la commune de Miramas, à trois reprises, des emplacements publicitaires dans l'enceinte du stade Vélodrome de Marseille à l'occasion de rencontres sportives de haut niveau. Ces mises à disposition ont été convenues à la suite d'un échange de télécopies entre la RMGP et le secrétaire général de la mairie de Miramas.
La commune de Miramas ayant ultérieurement refusé de régler les sommes convenues, la RMGP, après plusieurs relances et mise en demeure infructueuses, a saisi le 3 mars 1989 le Tribunal administratif de Marseille qui s'est déclaré incompétent, s'agissant de contrats de droit privé.
La RMGP a alors saisi le Juge des référés du TGI de Marseille qui, par ordonnance du 8 décembre 1989, a condamné la commune de Miramas à payer les sommes réclamées ; toutefois, la commune de Miramas ayant relevé appel de cette ordonnance, la cour de céans a infirmé l'ordonnance déférée et a dit n'y avoir lieu à référé compte tenu de l'existence d'une contestation sérieuse.
Par acte du 17 mars 1994, la RMGP a fait assigner la commune de Miramas devant le TGI de Marseille qui, par jugement du 9 novembre 1994, a condamné la commune à payer à la RMGP la somme de 320 220 F correspondant au prix des mises à disposition convenues, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 1989, ainsi que la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, et l'a en outre condamnée aux dépens.
Par acte du 13 décembre 1994, la commune de Miramas a régulièrement relevé appel de cette décision dont elle sollicite la réformation avec rejet de toutes les demandes de la RMGP.
Elle fait valoir tout d'abord qu'une télécopie ne constitue pas la preuve d'un engagement, a fortiori celui d'une personne publique. Elle ajoute que le signataire des télécopies en cause est un agent municipal qui n'avait pas qualité pour engager la municipalité en l'absence d'une autorisation du Maire et d'une délibération du conseil municipal.
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour confirmerait la condamnation prononcée à son encontre, la commune de Miramas demande que les intérêts de droit courent seulement à compter de la date de la citation devant le TGI.
Enfin, elle sollicite une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
La société RMGP a relevé appel incident du même jugement. Elle fait valoir tout d'abord que la télécopie est un moyen de preuve couramment admis et que les premiers juges l'ont d'ailleurs considérée comme un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du Code civil. Elle ajoute qu'en qualité de secrétaire général de la mairie de Miramas, le signataire des trois télécopies avait le pouvoir d'engager la municipalité et que, même dans l'hypothèse où il aurait outrepassé ses pouvoirs, la théorie du mandat apparent conduit à valider sans contestation possible ses engagements.
Enfin, elle sollicite une somme de 5 000 F au titre de l'article de l'article 700 du NCPC.
En ce qui concerne le point de départ des intérêts, la RMGP souligne que la citation en justice, même devant une juridiction incompétente, vaut mise en demeure, si bien que les sommes réclamées à la commune de Miramas doivent produire intérêts à compter du 3 octobre 1989, date de la saisine du Tribunal administratif de Marseille.
Elle demande donc à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner en outre la commune de Miramas à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire ainsi que la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'appel principal formé par la commune de Miramas :
Courant février et mars 1988, la société RMGP a proposé à la commune de Miramas la mise à disposition d'un panneau publicitaire au stade vélodrome de Marseille au cours des rencontres des 1er mars, 15 mars et 6 avril 1988.
Ces propositions ont été adressées à Monsieur Vial, Secrétaire général de la mairie de Miramas, qui les a acceptées par trois télécopies adressées à la RMGP les 25 février, 11 mars et 1er avril 1988 ; ces trois documents étaient établis sur papier à en-tête de la mairie de Miramas et portaient la mention " Secrétariat général " ainsi que le timbre mairie de Miramas ".
Ces trois télécopies ne répondent pas aux conditions fixées par l'article 1326 du Code civil et peuvent seulement constituer un commencement de preuve par écrit ; toutefois, aucun élément ne permet de parfaire ce commencement de preuve, et c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la preuve complète résultait du fait que la RMGP a intégralement effectué les prestations qu'elle s'était engagée à fournir.
Au surplus, et même si la RMGP pouvait se prévaloir d'un écrit valant preuve complète d'un accord conclu avec le secrétaire général de la commune de Miramas, ce dernier ne peut avoir engagé ladite commune en l'absence de délibération du conseil municipal autorisant le Maire à souscrire un tel engagement.
La RMGP ne pouvait en effet ignorer ce point puisqu'elle travaille régulièrement avec les collectivités publiques et connaît nécessairement les limites des attributions du secrétaire général d'une commune.
En outre, elle aurait dû se montrer d'autant plus prudente que les panneaux publicitaires qu'elle a mis en place ne concernaient pas la ville de Miramas elle-même mais le "Théâtre de la Colonne", structure dont la commune de Miramas n'est pas gestionnaire mais dans laquelle Monsieur Vial occupait un poste administratif distinct de son poste de secrétaire général de la mairie. Dans ces conditions, la RMGP ne peut revendiquer une croyance légitime dans les pouvoirs de ce dernier et se trouve mal fondée à invoquer la théorie du mandat apparent.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à tort que le jugement déféré a condamné la commune de Miramas à s'acquitter des sommes qui lui sont réclamées par la RMGP, et il convient donc d'infirmer cette décision.
Sur l'appel incident formé par la RMGP :
L'appel formé par la commune de Miramas ne présentant pas un caractère dilatoire ou abusif, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts présentée par la RMGP.
Sur l'application de l'article 100 du NCPC et sur les dépens :
L'équité commande de faire droit à la demande de la commune de Miramas visant à l'attribution d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Les dépens doivent suivre le sort du principal.
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit en la forme l'appel principal et l'appel incident, Réforme la décision entreprise en toutes ses dispositions, Déboute la société RMGP de sa demande, Condamne la société RMGP à payer à la commune de Miramas la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Rejette les autres demandes des parties, Condamne la société RMGP aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Tollinchi, avoué, sous son affirmation de droit.