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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 16 septembre 1999, n° 96-19955

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Espace Occasion (SA)

Défendeur :

France Communication (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

MM. Isouard, Semeriva

Avoués :

SCP Blanc Amsellem Mimran, SCP Sider

Avocat :

Me Thoron.

T. com. Aix-en-Provence, du 24 juin 1996

24 juin 1996

FAITS ET PROCEDURE

Le 25 novembre 1994, la SA Europe Occasion dont le siège social est situé 79, rue de Guebwiller (Haut-Rhin) et dont l'objet social est la vente de véhicules automobiles d'occasion, a donné à la SARL France Communication " France Com " un ordre d'insertion publicitaire dans le Répertoire familial pratique utile de Wittenheim/Kingersheim au prix de 3 558 F TTC.

Ayant constaté que l'annonce publiée était doublement erronée - adresse: 75, rue de Guebwiller et numéro de téléphone 89 57 27 27 au lieu de 87 - la société Europe Occasion a assigné le publicitaire devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 27 juillet 1995 en réparation de son préjudice. Par décision du 24 juin 1996, cette juridiction l'a déboutée de ses demandes et le 22 août 1996 la société alsacienne en a relevé appel.

La société appelante soutient, en invoquant les dispositions de l'article 1147 du Code civil:

- que la société intimée a pour objet la publicité par annonce sur un support papier,

- que tenue d'une obligation de résultat, il lui appartenait de publier une annonce conforme aux indications fournies par son client,

- qu'il semblerait que le bon à tirer ait été falsifié par l'agent commercial chargé de la collecte des annonces dans le secteur considéré,

- que les premiers juges ont retenu à tort que nonobstant les deux erreurs, l'objet contractuel avait été rempli, alors que l'inexécution est établie,

- que ce bulletin devait rester en circulation pendant plusieurs mois et, au surplus, le numéro erroné était celui de l'un de ses concurrents, Lefebvre Autos à Kingersheim,

- qu'elle n'avait que quelques mois d'existence et devait se faire connaître.

La société Europe Occasion demande en conséquence, outre l'infirmation de la décision entreprise, la condamnation de la société France Communication au paiement de la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et de celle de 5 000 F application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société intimée réplique en sollicitant la confirmation du jugement critiqué et la condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 5 000 F au titre des frais non compris dans les dépens:

- que les trois attestations produites par la société appelante démontrent l'inexistence d'un quelconque préjudice,

- qu'en effet, le premier client a été renvoyé à la société Europe Occasion, le deuxième n'est pas allé chez Lefebvre Autos et le troisième fait seulement état de la perte d'un temps précieux,

- que l'impact de l'annonce n'a pas été réduit,

- que l'émission d'un avoir permettant l'insertion dans le numéro suivant constituait une réparation suffisante qui a été déclinée.

L'instruction a été déclarée close le 18 mai 1999 en cet état de la procédure, les avoués ayant été informés à " l'ordre de travail " du 10 février 1999 que la clôture interviendrait un mois avant les débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée; qu'en l'absence de moyen constitutif de fin de non-recevoir susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable.

Attendu, sur le fond, que la société France Communication ne nie pas que c'est bien de son fait que l'obligation dont elle était débitrice en vertu de l'ordre d'insertion de la société appelante a été exécutée de façon erronée;

- que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, une telle insertion publicitaire ne peut atteindre pleinement l'impact que l'annonceur en attend que si les indications qui y figurent permettent à sa clientèle potentielle de l'identifier clairement et d'entrer en relation directe avec lui sans autre recherche;

- qu'étant observé au surplus que le secteur d'activité de la société appelante est hautement concurrentiel, ce genre de publicité s'adresse par définition à une clientèle versatile qui, en présence de la moindre difficulté, n'hésitera pas à renoncer à la démarche qu'une insertion exacte l'aurait incitée à effectuer;

- que si en l'espèce, il n'est pas expressément établi que quiconque ait été dissuadé de s'adresser à la société Europe Occasion à la suite de l'erreur commise par la société France Communication, il doit être retenu que celle-ci lui a fait perdre une chance d'atteindre utilement la cible visée;

- que l'émission d'un avoir apparaît insuffisante à indemniser le préjudice consécutif à la perte de cette chance;

- que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter ledit préjudice à la somme de 10 000 F.

Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande d'écarter en l'espèce les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel, Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Condamne la société France Communication à payer à la société Europe Occasion la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts réparant son préjudice, La condamne au paiement de la somme de 3 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux entiers dépens et autorise la société civile professionnelle Pierre Blanc, Philippe Blanc & Colette Amsellem-Mimran, titulaire d'un office d'avoué près la cour, à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.