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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ. et com., 17 mars 1994, n° 3776-92

CAEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Leblanc

Défendeur :

Nouvelle DPM (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonne

Conseillers :

MM. Le Henaff, Sadot

Avoués :

SCP Dupas-Trautvetter-Ygouf, SCP Duhaze Mosquet Mialon

Avocats :

Mes Buccrini, Gervais-Marie

CA Caen n° 3776-92

17 mars 1994

Par jugement du 13 octobre 1992. le Tribunal de commerce de Honfleur a condamné Monsieur Leblanc à payer à la SARL Nouvelle DPM les sommes de 50 400 F avec intérêts à compter du 14 février 1992 et 2 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelant de cette décision, Monsieur Leblanc expose :

- il a été démarché à son domicile par un représentant de la société intimée, qui lui a fait signer un bon de commande de 200 cassettes vidéo en location, et pour le prix de 61 468 F pour une année.

- Les cassettes livrées, de qualité médiocre, en mauvais état, étaient pour certaines interdites à la location.

- Il a ensuite appris que la faculté d'échange gratuit était limitée au nombre de cassettes louées.

Il soutient d'abord que la convention a été conclue en violation des dispositions de la Loi du 22 décembre 1972 modifiée, ensuite que l'activité qui lui a ainsi été proposée ne pouvait être exercée avec des cassettes constituant des contrefaçons et que son co-contractant a manqué à son obligation de conseil en ne l'informant pas de la réglementation applicable à l'exploitation commerciale des vidéogrammes, et enfin que les prestations fournies par son co-contractant ne correspondaient pas à ses attentes notamment quant à la qualité des cassettes, et les conditions d'échange et de paiement.

Il sollicite la réformation du jugement entrepris et, reconventionnellement, demande la résolution du contrat et la condamnation de la société intimée à lui rembourser les sommes versées et lui payer celles de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure.

Dans ses conclusions déposées le 3 octobre 1993, la société Nouvelle DPM soutient que la Loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile ne peut être appliquée en l'espèce, que les droits lucratifs sur les cassettes ont été réglés, et qu'aucun manquement à ses obligations contractuelles n'a été établi.

SUR L'APPLICATION DE LA LOI DU 22 DECEMBRE 1972

Attendu que la loi N° 72.1137 du 22 décembre 1972 qui est relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, ne peut trouver application que dans le cadre de l'une des opérations visées à l'article 1er, proposée par un professionnel de la production ou distribution à un consommateur qui utilise le bien ou le service pour satisfaire ses besoins personnels ;

Attendu que la convention conclue entre la société Nouvelle DPM et Monsieur Leblanc a pour objet la mise à disposition de ce dernier d'un stock de vidéogrammes, éventuellement renouvelable, pour que lui-même le propose à la location du public.

Qu'il n'est pas contesté que Monsieur Leblanc n'a pas peur but d'utiliser personnellement ce bien, mais de le transmettre à l'usager final en tirant bénéfice de cette opération d'intermédiaire ;

Attendu que si le contrat de location dudit stock n'a effectivement pas de lien direct avec l'activité principale exercée par Monsieur Leblanc, il n cependant pour objet de lui permettre d'exercer une activité complémentaire d'exploitation commerciale, et se trouve donc exclu du champ d'application de la loi précitée, conformément aux dispositions de son article 8.

SUR LE GRIEF DE CONTREFACON

Attendu, par ailleurs, que Monsieur Leblanc, qui prétend que certaines des cassettes qui lui ont été louées constituent des contrefaçons, ne produit aucune pièce suffisante à l'appui de cette assertion ;

Attendu qu'en effet, il verse aux débats un procès- verbal de constat dressé le 11 mai 1992 par Maître Prevot, huissier de justice dont il ressort que plusieurs vidéogrammes, ou leurs emballages, contenaient des mentions d'interdiction à la location ;

Attendu toutefois que la société intimée produit à son tour des attestations émanant de sociétés éditant des vidéogrammes établissant que certaines de ces mentions ne correspondent pas à la réalité des relations contractuelles entre ces éditeurs et la société Nouvelle DPM.

Attendu qu'il n'est donc pas établi que les cassettes mentionnées dans le procès-verbal précité ont été utilisées en fraude des droits des auteurs ;

SUR LE MANQUEMENT PRETENDU DE LA SARL NOUVELLE DPM A L'EXECUTION DE SES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES

Attendu que Monsieur Leblanc, qui fait grief à la société intimée de ne l'avoir pas avisé de l'obligation qu'il estime être à sa charge, de déclarer son activité au Centre National de la Cinématographie, ne produit cependant aux débats aucune pièce pour établir qu'il ait jamais été inquiété de ce chef ;

Attendu cependant que du procès-verbal de constat précité dont les énonciations n'ont pas été critiquées, il ressort que 18 vidéogrammes comportaient, sur la cassette, sur son emballage, ou sur l'enregistrement lui-même, des mentions interdisant la location ;

Attendu que, même si les droits locatifs ont été acquittés pour ces vidéogrammes, ces mentions claires et apparentes sont de nature à faire naître un doute, dans l'esprit du consommateur sur la régularité de l'opération de location, et à faire ainsi perdre au loueur toute crédibilité auprès d'une partie de sa clientèle ;

Attendu que, par la convention signée le 15 novembre 1991. la SARL Nouvelle DPM s'engageait nécessairement à remettre à son co-contractant des vidéogrammes aisément exploitables, ce que ne sont certainement pas ceux qui contiennent de telles mentions ;

Attendu que le défaut ainsi établi n'affectant que moins de 10 % des vidéogrammes fournis, il n'y a pas lieu de prononcer la résolution du contrat ; qu'en conséquence Monsieur Leblanc doit être condamné à payer le prix convenu, avec intérêts à compter du 14 février 1992, date du protêt valant mise en demeure ;

Attendu toutefois que, par ce manquement à ses obligations contractuelles, la SARL Nouvelle DPM a causé à son co-contractant un préjudice qu'elle doit réparer ; que la somme de 5 000 F indemnisera justement le dommage subi.

Attendu que chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, il convient de laisser à sa charge ses dépens et autres frais ;

Par ces motifs, LA COUR - Réforme le jugement, - Condamne Monsieur Leblanc à payer à la SARL Nouvelle DPM la somme de 50 400 F, avec intérêts à compter du 14 décembre 1992, - Condamne la SARL Nouvelle DPM à payer à Monsieur Leblanc une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts, - Dit que chacune des parties conservera à sa charge sas dépens et autres frais.