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Décisions

CA Agen, 1re ch., 7 octobre 1992, n° 1001-91

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mathieu

Défendeur :

Toulouze (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cazes (faisant focntion)

Conseillers :

M. Lateve, Mme Dreuilhe

Avoués :

Mes Burg, Tandonnet

Avocats :

Mes Rummens, Lepoittevin.

CA Agen n° 1001-91

7 octobre 1992

Vu le jugement du Tribunal d'instance de Condom en date du 5 septembre 1991 qui sur une assignation des époux Toulouze par le sieur Mathieu en paiement d'une somme de 17 790 F en exécution d'un contrat de publicité ainsi que de celle de 3 000 F pour résistance abusive et injustifiée et 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile a :

- constaté que le contrat et son avenant du 17 mars 1983 comportent des clauses prohibées par l'article 6 du Code civil,

- prononcé la nullité absolue dudit contrat,

- condamné Mathieu à payer aux époux Toulouze la somme de 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen en date du li mai 1992 qui, après avoir relevé que le débat avait porté sur l'application des principes généraux d'établissement des contrats à la convention de prestations de services objet du procès et avait seulement effleuré les questions pouvant se poser du fait que la convention avait été signée dans le cadre d'un démarchage à domicile à la suite des publicités diverses parues dans la presse a ordonné un débat contradictoire sur plusieurs points contradictoires, entre le contrat, l'avenant et le prospectus explicatif, notamment régularité du contrat de publicité dans lequel sont introduits des éléments d'un contrat d'agence immobilière, etc. et a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 22 juin 1992, les parties étant invitées à conclure dans l'instance, l'appelant avant le 5 juin 1992 et les intimés à reprendre avant le 22 juin 1992.

Vu les conclusions de Mathieu signifiées le 4 juin 1992.

Vu les conclusions des époux Toulouze déposées le 15 juin 1992,

Vu les conclusions responsives de Mathieu déposées le 21 juin 1992.

Attendu que la convention en cause ressort de la législation sur le démarchage à domicile régie par la loi du 22 décembre 1972.

Attendu qu'elle sera donc examinée en premier lieu à l'égard de ladite loi.

Attendu qu'il s'agit comme il a été déjà noté d'un contrat d'adhésion concernant des prestations de service comprenant d'une part le contrat de publicité proprement dit et un avenant apportant une dérogation au contrat qui stipule que la publicité est due dans tous les cas;

Attendu que le contrat et l'avenant sont indissolublement liés puisque le prospectus explicatif j oint au contrat fait référence à la fois au prix forfaitaire de la publicité (fixé dans le contrat) et au prix de vente fixé par l'avenant ainsi qu'à la dérogation au paiement du prix prévue dans l'avenant.

Attendu que le contrat et l'avenant sont d'autant plus indissolublement liés que le contrat de publicité est incomplet dans la mesure où conformément au prospectus il s'agit de vendre sans le concours d'agence immobilière et que le contrat ne fait pas mention du montant du prix réclamé ;

Attendu que l'avenant qui seul comporte le prix du bien mis en vente est donc le complément nécessaire au contrat incomplet ;

Attendu que c'est manifestement volontairement que le prix de vente réclamé ne figure pas au contrat, mais qu'il figure dans une annexe avec des clauses particulières ;

Attendu qu'un extrait de la loi de protection des consommateurs pour le démarchage à domicile du 22 décembre 1972 figure en dernière page du contrat ainsi qu'une formule détachable d'annulation de la commande ;

Attendu que par contre l'avenant en date du même jour qui modifie et constate un contrat soumis à la loi du 22 décembre 1972 ne porte pas les mentions obligatoires ;

Attendu qu'en conséquence le contrat lui-même est irrégulier ;

Attendu que l'avenant d'une part et le contrat de publicité d'autre part sont contradictoires, le contrat précisant que le prix est dû dans tous les cas et à n'importe quelle époque que se produise la vente alors que l'avenant prévoit que dans l'hypothèse de vente du bien ayant fait l'objet du contrat par les époux Toulouze ou par une agence immobilière le contrat de publicité deviendrait nul sous condition expresse que l'assureur respecte le prix de vente minimum reévalué ;

Attendu que par ailleurs il y a une discordance entre le prospectus et les mentions de l'avenant, le prospectus ajoutant aux conditions dispensant du paiement de la publicité figurant à l'avenant l'exigence que la vente n'ait pas lieu à une personne qui ne se serait pas procurée en lisant l'annonce de Direct Particulier ;

Attendu que le litige portant sur un contrat d'adhésion fourni sur une offre par correspondance de vente de services, l'offre de vente comprend les documents publicitaires et les contrats et avenants offerts à la signataire ;

Attendu que doivent ête pris en considération les préambules protocoles, pourparlers (il y a nécessairement des pourparlers pour la fixation du prix irrévocable, qui forment les éléments de l'opération juridique constituant l'ensemble des manifestations de volonté qu'il faut explorer, l'acte instrumentaire n'étant que la consignation finale plus ou moins parfaite et fidèle ;

Attendu que l'offre de vente faite à domicile doit être simple, claire, nette, rigoureuse, qu'elle ne doit pas prêter à confusion et être encore la plus complète et précise possible ;

Attendu que l'offre, le contrat et l'avenant sont comme il vient d'être dit complexes et contradictoires ; que l'insertion de la clause suspensive dans le contrat de prestations de services est de nature à laisser croire que le prix ne sera pas dû si la publicité ne produit pas son effet alors que la seule hypothèse où elle n'est pas due outre la destruction de l'immeuble est le cas où la publicité produisant son effet, la vente remplit les conditions prévues à l'avenant ;

Attendu que compte tenu du caractère très limité de l'aléa (la destruction de l'immeuble rendant en tout état de cause la vente impossible (article 1234 du Code civil) les chances de vente au prix minimum réévalué selon les termes du contrat étant infinitésimales en vertu de la loi de l'offre et de la demande, il n'y a en réalité pas d'aléas et l'on se trouve en présence d'un contrat à paiement différé et non d'un contrat aléatoire ;

Qu'en tout cas l'aléa introduit par l'avenant constitue un leurre ;

Attendu que si l'on considère l'ensemble de l'offre résultant des prospections et du contrat avec son avenant la convention n'est ni claire ni nette.

Attendu au surplus qu'en faisant dépendre le paiement du prix de la publicité du prix de la vente irrévocablement fixé de l'immeuble en cause et en exigeant un engagement irrévocable de vendre le contrat s'il ne constitue pas un contrat d'agence immobilière crée un lien entre deux obligations indépendantes introduisant des éléments de contrat d'agence immobilière par la fixation du prix des biens mis en vente irrévocablement dans un contrat de prestation de service, allant même au delà du contrat d'agence immobilière puique contrairement à celui-ci elles ne comportent pas une limitation de leurs effets dans le temps.

Attendu dès lors que le contrat d'adhésion en cause qui bénéficie de la loi de protection des consommateurs sur le démarchage à domicile est vicié, la lettre et l'esprit de la loi ne sont pas respectés ;

Qu'il y a lieu de le déclarer nul par le fait d'une nullité absolue ;

Attendu que pour ces motifs sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par les parties, il y a lieu de prononcer la nullité absolue de la convention (contrat et avenant du 17 mars 1983 entre Robert Mathieu et les époux Toulouze pour infraction à la loi de protection des consommateurs du 22 décembre 1972, de débouter Mathieu de l'ensemble de ses prétentions, de confirmer la condamnation de Mathieu à payer aux époux Toulouze 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure de 1re instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR : Vu l'arrêt de la cour du 11 mai 1992, Déboute Robert Mathieu de son appel, Prononce la nullité absolue de la convention (contrat et avenant du 17 mars 1983 intervenus entre Robert Mathieu et les époux Toulouze comme contraire à la loi de protection des consommateurs du 22 décembre 1972. Confirme la condamnation de Mathieu à payer aux époux Toulouze 6 000 F (six mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide judiciaire.