CA Riom, 3e ch. civ. et com., 18 mars 1992, n° 328-92
RIOM
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Expertise Galtier (SA)
Défendeur :
Dupoux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Azuyeta
Conseillers :
MM. Simon, Despierres
Avoués :
Mes Sagorin- Gutton, Goutet
Avocats :
Me Clerc, SCP Pailloncy.
LE LITIGE
A la suite de la destruction par incendie de bâtiments d'exploitation agricole lui appartenant survenue le 17 septembre 1986. M. Dupoux, après avoir fait une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d'assurance, concluait le 18 septembre 1986 avec la SA Expertise Galtier une convention selon laquelle cette société l'assisterait et le représenterait à l'occasion de l'expertise diligentée en vertu des dispositions du contrat d'assurance. Cette expertise était diligentée comme convenu, avec l'assistance de la SA Galtier.
Par courrier du 9 septembre 1986 M. Dupoux invoquait la nullité du contrat pour défaut de respect des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 et refusait de payer les honoraires.
Par Jugement du 1er février 1991 le Tribunal de grande instance de Montlucon saisi d'une demande en paiement des dits honoraires par la SA Galtier déboutait celle-ci de ces demandes après avoir prononcé la nullité de l'acte sous seing privé du 18 septembre 1986 au motif que le contrat en cause ne faisait aucunement mention de la faculté de renonciation de ses modalités contrairement aux prescriptions légales.
La SA Expertise Galtier est appelante. Elle se fonde pour conclure à la réformation et reprendre ses demandes initiales en paiement de la somme principale de 70 078,37 F à titre d'honoraires en premier lieu sur les termes mime de la loi du 22 décembre 1972 relatifs au délai de 7 jours pour renoncer au contrat conclu, alors que
M. Dupoux a attendu 2 mois. En second lieu, elle soutient que celui-ci ne rapporte pas la preuve de ce que le contrat remis ne correspond pas aux prescriptions légales. En outre, elle considère que M. Dupoux a réitéré sa demande initiale en sollicitant la présence de la SA Galtier aux opérations d'expertise, et en restant en contact avec elle, renonçant ainsi, ipso facto, à se prévaloir d'une nullité. Elle estime que les nullités invoquées ne sont que relatives.
Subsidiairement, elle se fonde sur l'enrichissement sans cause. action recevable en l'absence de contrat.
Elle réclame 15 000 F à titre de dommages-intérêts.
M. Dupoux, intimé, conclut à la confirmation du jugement. Il reprend son argumentation initiale et fonde sa demande en nullité sur les dispositions de l'article 2 de la loi " 72-1137 du 22 décembre 1972. En outre, il conteste le montant des honoraires. Il réclame enfin 20 000 F à titre de dommages-intérêts.
MOTIVATION
Les obligations contractuelles :
I - Attendu qu'il est constant et non contesté que les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, est applicable au cas d'espèce ;
Attendu que l'article 2 de cette loi prescrit l'obligation de porter au contrat diverses mentions et notamment d'indiquer que le cocontractant démarché dispose d'une faculté de renonciation dans un délai prévu ;
II - Attendu qu'en l'espèce il est acquis au vu de l'original du contrat remis le 18 septembre 1986 à M. Dupoux par le cabinet Galtier, que ce document ne comportait pas les éléments d'informations nécessaires à l'exercice de cette faculté de renonciation ;
Attendu en première conséquence que la SA Galtier est mal venue à arguer de ce que M. Dupoux n'a pas invoqué sa faculté de renonciation dans le délai de 7 jours légal, alors même que le contrat ne portait pas l'indication obligatoire de cette faculté et de ses modalités d'exercice ;
Attendu en second lieu, que la SA Galtier soutient que la nullité est relative et a été en l'espèce couverte par le développement des relations entre les parties. à partir du contrat litigieux, que l'engagement de M. Dupoux a été ainsi réitéré, et ce, notamment par la signature le 19 novembre 1986 de deux ordres de mission aux fins de désignations d'expert ; qu'elle soutient que cette nomination est un acte distinct du champ d'application de la loi de 1972 ;
Attendu qu'en effet un défaut d'informations obligatoires, destinées à assurer la protection des personnes démarchées à domicile, est susceptible d être couvert car renonciation de celui à qui profite lesdites prescriptions légales ou par des actes valant renonciation à l'invocation de la nullité résultant de ce défaut mais qu'une renonciation ne peut s'entendre que d'un acte de volonté éclairé, portant sur la cause même de la nullité qu'il convient en effet que le consommateur démarché soit informé, en réitérant ses engagements. ou en poursuivant ceux initialement pris. de ce que, ce faisant, il avait initialement contracté dans l'ignorance des formes prescrites à peine de nullité qu'ainsi une renonciation à l'invocation dune nullité est un acte conscient impliquant la connaissance de ce à quoi l'on renonce ;
Or, attendu que les actes de " réitération " d'intention, invoqué par la SA Galtier, ne constituent pas une renonciation à l'invocation de cette cause de nullité, étant acquis au débat que M. Dupoux, à leur date, et singulièrement lors de la signature des actes de mission (lesquels d'ailleurs ne sont aucunement détachables du contrat initial) ignorait la nullité entachant le contrat du 18 septembre 1986 : qu'il n'existe en l'espèce aucun élément permettant de considérer que M. Dupoux à quelque moment que ce soit ait entendu renoncer à l'invocation de cette cause de nullité et ait voulu poursuivre malgré elle, le contrat conclu le 8 septembre 1986 ; que bien au contraire, il a invoqué cette nullité avant la demande en justice en paiement des honoraires ;
Attendu que le sinistre était réalisé le 17 septembre 1986 eue le contrat litigieux est du lendemain eue cette situation de démarchage quasi concomitante au sinistre est significative de la nécessité d assurer une protection efficace et réelle du consommateur que tel est l'objet de la loi du 22 décembre l972 : que 14 ans après l'entrée en vigueur de cette loi, l'absence des mentions obligatoires dans les formulaires proposés par la SA Expertise Galtier traduit au minimum l'intention de ne pas se soumettre aux prescriptions légales ;
Attendu que par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, il échet de constater que le contrat du 18 septembre 1986 est nul ;
L'action de in rem verso :
Attendu que l'invocation subsidiaire de l'enrichissement sans cause pour réclamer, la nullité du contrat acquise, les honoraires dus en vertu dudit contrat, est en l'espèce irrecevable que cette action ne saurait suppléer à une autre action qui s'est heurtée à un obstacle de droit, ainsi qu'en l'espèce que s'il en était autrement, toutes les règles fondamentales du droit pourraient se trouver tournées et qu'en l'espèce, la nullité reconnue demeurerait dépourvue d'effet, ainsi par suite, que la loi ici invoquée sur la protection des ventes à domicile ;
Sur les demandes en paiement :
I - Attendu qu'en conséquence, la demande en paiement des honoraires est à rejeter, de même que toutes autres de la SA GALTIER ;
II - Attendu que la demande en dommages-intérêts de M. Dupoux est à rejeter faute de préjudice allégué et de préjudice démontré chiffré et prouvé ;
Sur l'article 700 du NCPC :
Attendu qu'au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC, il est demandé, par l'appelant, la somme de 10 000 F, et par l'intimé celle de 15 000 F.
Attendu qu'au vu des circonstances ci-dessus développées de cette espèce et des conclusions auxquelles la cour parvient, il convient en définitive, de mettre à la charge de la partie qui succombre, une participation aux frais de procédure de son adversaire, qui ne peuvent être récupérés, et ce, à hauteur de la somme de 4 000 F à charge de la SA Galtier.
DECISION
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement, Y ajoutant, Condamne la société anonyme Entreprise Galtier à payer à M. Dupoux la somme de QUATRE MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du NCPC. Rejette toutes autres demandes, Condamne la SA Entreprise Galtier aux dépens et autorise Me Goutet, avoué, à recouvrer directement ceux dont il a pu faire l'avance.