CA Paris, 14e ch. B, 24 mai 2002, n° 2002-01012
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Trumeau
Défendeur :
Banque régionale de l'ouest - CIC (Sté), Baudry
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cuinat
Conseillers :
MM. André, Valette
Avoués :
Mes Cordeau, Ribaut
Avocat :
Me Moutardier.
Statuant sur l'appel formé par Serge Trumeau d'une ordonnance de référé rendue le 14 novembre 2001 par le président du Tribunal de commerce d'Evry qui, après s'être déclaré compétent matériellement pour connaître de sa demande dirigée contre Nathalie Baudry ainsi que la Banque régionale de l'ouest - CIC et tendant à la mainlevée de l'opposition formée par Mme Baudry au paiement de deux chèques, a:
- rejeté toutes les demandes de M. Trumeau;
- condamné M. Trumeau à restituer à Mme Baudry les deux chèques litigieux;
- dit que sur présentation de la présente ordonnance, le CIC Banque régionale de l'Ouest devra remettre à Mme Baudry les fonds bloqués en compte à la suite de l'opposition qu'elle a formée sur les chèques n° 2415329 et 2415330 en date du 20 juin 2001;
- condamné M. Trumeau à payer à Mme Baudry la somme de 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures déposées devant la cour le 4 avril 2002, Serge Trumeau, appelant, soutient que nonobstant la qualification inexacte de l'ordonnance déférée de ce qu'elle aurait été rendue en dernier ressort, son appel est recevable, dès lors que sa demande doit être considérée comme indéterminée. Il fait valoir que le contrat conclu entre Mme Baudry et lui-même ne relève pas du droit de la consommation, en sorte que l'intimée était infondée à faire opposition au paiement des deux chèques litigieux, il se prévaut également de la clause de déchéance du terme figurant dans le contrat pour réclamer à l'intimée le paiement du solde de la somme en vertu de la convention.
L'appelant conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance déférée et sollicite:
- la mainlevée de l'opposition formée sur les deux chèques n° 2415329 et 2415330 en date du 20 juin 2001 tirés par Nathalie Baudry sur son compte au CIC BRO;
- qu'injonction soit faite à cette banque d'en effectuer le paiement entre ses mains à hauteur de la somme globale de 6 458,40 F soit 984,57 euros, contre remise des effets;
- que si cette banque ne pouvait matériellement effectuer un tel paiement, Nathalie Baudry sera condamnée à lui verser cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2001, date d'émission des deux chèques;
- la condamnation de Mme Baudry à lui verser, par l'effet de la déchéance du terme, la somme de 25 833,60 F soit 3 938,31 euros, solde restant dû après paiement de l'acompte de 984,57 euros, outre la somme de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 mars 2002, Nathalie Baudry, intimée, réplique que l'appel de M. Trumeau d'une ordonnance rendue en dernier ressort est irrecevable, ainsi que l'est la demande de celui-ci tendant à sa condamnation au titre du solde du montant du contrat, celle-ci étant nouvelle en cause d'appel. Subsidiairement, elle prétend que les circonstances dans lesquelles l'appelant s'est fait remettre les chèques litigieux, au mépris des dispositions protectrices du Code de la consommation, caractérisent l'utilisation frauduleuse de ces effets au sens de l'article 32 du décret-loi du 30 octobre 1935 (devenu l'article L. 131-35 du Code monétaire et financier). Plus subsidiairement encore, si la cour ne retenait pas son précédent moyen, elle souligne qu'elle n'a reçu aucune contrepartie du paiement de la somme représentée par le montant des deux chèques, en sorte qu'elle s'estime fondée à réclamer à M. Trumeau la répétition de cette somme, indûment perçue. Elle estime irrecevable, comme nouvelle, la demande de l'appelant tirée de la prétendue déchéance du terme à laquelle elle prétend opposer, en tout état de cause, une contestation sérieuse.
L'intimée conclut donc au rejet des prétentions de l'appelant, à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de M. Trumeau à lui verser la somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Subsidiairement, au cas où la cour ferait droit à la demande de mainlevée de son opposition au paiement des chèques, elle sollicite la condamnation de M. Trumeau à lui payer la somme de 984,57 euros à titre de provision au titre de la répétition de l'indu, étant, plus subsidiairement encore, jugé n'y avoir lieu à référé sur la demande de l'appelant au titre de la provision de 3 938,91 euros.
La Banque régionale de l'ouest - CIC, n'a pas comparu.
Sur ce, LA COUR:
Considérant que bien que régulièrement assignée à comparaître à personne habilitée à recevoir l'acte, la Banque régionale de l'ouest - CIC n'a pas constitué avoué; que l'arrêt sera donc réputé contradictoire en application de l'article 474 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que les prétentions de Serge Trumeau soumises au premier juge et qui tendaient notamment à ce que soit ordonnée la mainlevée des oppositions formées par Nathalie Baudry au paiement de deux chèques tirés sur le compte de cette dernière dans les livres de la Banque régionale de l'ouest - CIC Agence de Milly-La-Forêt, constituait une demande indéterminée sur laquelle le premier juge s'est prononcé par une ordonnance improprement qualifiée de rendue en dernier ressort, en sorte que l'appel -dont la régularité n'est pas autrement critiquée- formé par M. Trumeau à l'encontre de cette décision, doit être déclaré recevable;
Considérant que la vente qui a donné lieu à l'émission des deux chèques litigieux s'étant déroulée -alors qu'aucun accord sur la chose et sur le prix n'avait été conclu préalablement entre les parties- sur le lieu de travail de Nathalie Baudry, celle-ci est soumise aux dispositions d'ordre public des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, peu important dès lors, à le supposer établi, le fait que M. Trumeau aurait rencontré l'intimée à la demande même de cette dernière, puisque ladite vente a porté sur la fourniture et l'installation de trois volets roulants motorisés destinés à la boutique dans laquelle l'intimée exploite une activité de toilettage pour chiens et de vente d'accessoires pour animaux de compagnie, à l'évidence sans rapport direct avec l'objet de la vente litigieuse;
Considérant, outre que le contrat conclu le 20 juin 2001 n'obéit pas aux prescriptions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du même code, que le fait par M. Trumeau de s'être fait remettre le jour même de la souscription de ce contrat par Nathalie Baudry, au moyen des deux chèques litigieux, un acompte de 6 458,40 F à valoir sur le montant global de la commande, constitue une violation des dispositions de l'article L. 121-26 dudit code, pénalement sanctionnée par l'article L. 121-28;
Qu'il en résulte que tant l'obtention que l'utilisation de ces deux chèques par M. Trumeau constituent une fraude, en sorte que l'ordonnance déférée qui fait exacte application des dispositions de l'article L. 131-35 du Code monétaire et financier, mérite confirmation, l'appelant étant, par voie de conséquence, débouté de la totalité de ses prétentions soumises à la cour;
Qu'il est inéquitable de laisser supporter à Nathalie Baudry les frais irrépétibles qu'elle a exposés;
Par ces motifs, Déclare Serge Trumeau recevable, mais mal fondé en son appel; L'en déboute; Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée; Condamne Serge Trumeau à payer à Nathalie Baudry la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires; Condamne Serge Trumeau aux entiers dépens; Accorde à Me Ribaut, avoué, le droit prévu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.