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Décisions

CA Paris, 3e ch. C, 21 octobre 1994, n° 93-1101

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prism'all Diffusion (SARL)

Défendeur :

SGSC (SARL), Dechristé (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazars

Conseillers :

Mmes Betch, Le Jan

Avoués :

SCP Taze Bernard, Belfayol Broquet, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Huvet, Masson.

CA Paris n° 93-1101

21 octobre 1994

LA COUR

Statue sur l'appel interjeté par la SARL Prism'all Diffusion - la société Prism'all - d'un jugement prononcé le 23 octobre 1992 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- condamné cette société à payer à la SARL de Gestion, de Services et de Commercialisation - la SGSC - contre remise de trois lettres de change :

* 177 900 F avec intérêts au taux légal à compter des dates d'échéance respectives de ces lettres,

* 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- dit, confirmant l'ordonnance du 20 février 1992 du juge commissaire qu'après règlement des 177 900 F à la société SGSC, la société Prism'all solidaire sera subrogée à la société SGSC au passif de la société Nouvelle Simonin,

- débouté la société Prism'all de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

- condamné la société Prism'all aux dépens.

La SGSC s'est vue consentir par les Caisses Primaires d'Assurance Maladie du Val-de-Marne (94) et de la Seine et Marne (77) l'exploitation publicitaire des versos des décomptes de règlements de prestations destinés à leurs assurés sociaux.

La société Prism'all, fabricant de meubles, intéressée par ce support publicitaire touchant un public très vaste, a passé à la SGSC deux commandes :

- l'une le 17 septembre 1990 pour 125 000 exemplaires à paraître dans la semaine 48 sur les décomptes de la CPAM 77 pour le prix de 118 600 F,

- l'autre le 18 septembre 1990 pour 125 000 exemplaires à paraître dans la semaine 45 sur les décomptes de la CPAM 94 pour le même prix de 118 600 F.

En règlement des factures, la société Prism'all a établi un chèque de 59 300 F qui a été honoré et pour le surplus a remis à la SGSC trois lettres de change acceptées émises par la société Nouvelle Simonin à son bénéfice, de 59 300 F chacune, celles à échéances des 31 décembre 1990 et 28 février 1991 remises en paiement de la première commande, celle à échéance du 30 janvier 1991 remise en paiement de la seconde commande.

La société Nouvelle Simonin a été mise en liquidation judiciaire le 21 novembre 1990.

Les effets endossés à son profit par la SGSC d'un montant total de 177 900 F sont demeurés impayés.

La SGSC a déclaré sa créance auprès de Me Dechristé, Liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Nouvelle Simonin et a assigné la société Prism'all et Me Dechristé, ès qualité, pour :

- voir reconnaître le caractère solidaire de l'obligation au paiement de la société Prism'all et de la société Nouvelle Simonin,

- voir fixer sa créance au passif de la société Nouvelle Simonin,

- obtenir la condamnation de la société Prism'all au paiement de 177 900 F, outre les intérêts légaux.

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement frappé d'appel.

A l'appui de son appel, la société Prism'all soutient essentiellement :

- que la SGSC n'a pas, en ce qui concerne les publicités sur les décomptes de la CPAM 77, respecté ses obligations contractuelles telles que définies par le bon de commande, en particulier sur le choix des couleurs et la qualité de l'impression, ce qui a privé l'opération de toute efficacité,

- que la SGSC, en sa qualité de professionnel dans sa spécialité, a commis une faute en démarchant et en conseillant la société Prism'all pour ce support publicitaire alors qu'elle savait celui-ci inadapté aux produits de la société Prism'all.

Elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de débouter la SGSC de ses demandes,

et faisant droit à sa demande reconventionnelle :

- de condamner la SGSC à lui payer la somme de 60 000 F à titre de dommages-intérêts.

- et à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande en paiement de la SGSC, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 240 000 F à titre de dommages-intérêts et d'ordonner la compensation,

- de lui allouer 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SGSC intimée, conteste les griefs qui lui sont adressés et rappelle que c'est seulement à la suite de la réception du courrier du 31 janvier 1991 et plus encore après la délivrance d'une assignation en référé du 6 mai 1991 que la société Prism'all a critiqué la qualité des prestations.

Elle ajoute qu'en tant qu'agent publicitaire elle n'est pas tenue d'une obligation de résultat et qu'elle n'est pas responsable de l'absence de retombées commerciales dont se plaint la société Prism'all.

Elle conclut à la confirmation du jugement et sollicite la gomme de 20 000 F au titre de ses frais non taxables.

Me Dechristé, également intimé en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Nouvelle Simonin, a été régulièrement assigné à sa personne. Il n'a pas constitué avoué.

Sur ce, LA COUR,

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE EN PAIEMENT DE LA SGSC

Considérant que les bons de commande, seuls documents contractuels versés aux débats précisent, outre les dimensions des supports publicitaires, que le client dispose de deux couleurs de son choix ;

Considérant que les publicités réalisées sur les décomptes du Val-de-Marne reproduisent des photographies des meubles en couleurs et une présentation agrémentée de plusieurs couleurs; que tel n'est pas le cas des publicités parues en Seine et Marne sur lesquelles seule la couleur rouge a été utilisée à côté de photographies des meubles en noir et blanc;

Considérant que la SGSC ne justifie pas cette différence de réalisation alors que les bons de commande sont rédigés en des termes quasi-identiques, qu'aucune information n'est donnée dans ces documents sur les qualités de l'impression et que le prix est le même dans les deux cas;

Considérant que dès lors, c'est à bon droit que la société Prism'all se plaint d'une inexécution de la commande concernant la Seine et Marne non conforme aux prévisions du contrat tant sur la qualité de l'impression que sur le nombre de couleurs;

Considérant que contrairement à ce qu'elle soutient, la SGSC qui ne produit aucun bon à tirer ne rapporte pas la preuve de l'acceptation par son client du document tel qu'il a été Imprimé et diffusé;

Considérant que dès lors l'exécution fautive par la SGSC de sa prestation sur les décomptes de la Seine et Marne ouvre droit par application de l'article 1142 du Code civil à la société Prism'all à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison du caractère moins attractif de la publicité en cause, dommages-intérêts qui viendront en compensation avec le prix initialement convenu entre les parties;

Considérant que la cour trouve dans les faits de la cause les éléments pour fixer ces dommages-intérêts à 59 300 F et qu'ainsi la société Prism'all ne peut être tenue qu'au paiement de 118 600 F - 59 300 F soit 59 300 F;

Considérant que les publicités parues dans le Val-de-Marne ne sont pas critiquées; qu'elles doivent être réglées en totalité, qu'il reste dû sur cette partie de commande la somme de 59 300 F ;

Considérant qu'en résumé la créance de la SGSC vis-à-vis de la société Prism'all s'élève au total à 118 600 F représentée par les lettres de change à échéance des 31 décembre 1990 et 30 janvier 1991 avec intérêts au taux légal à compter des dates d'échéance ci-dessus rappelées;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA société PRISM'ALL

Considérant que pour justifier les dommages-intérêts qu'elle sollicite à titre reconventionnel, la société Prism'all fait notamment grief à la SGSC de lui avoir proposé, voire conseillé un support publicitaire qui ne pouvait pas refléter convenablement la qualité de ses produits;

qu'elle lui reproche aussi de ne pas l'avoir mise en garde sur la période choisie; qu'elle la tient pour responsable de l'absence de retombées commerciales de l'opération;

Mais considérant qu'<oppv>il n'est pas manifeste que le support proposé ait été inadapté aux produits à promouvoir et que la période de fin d'année retenue pour la parution de la publicité, ait été mal choisie;</oppv>

que <oppv>le succès d'une campagne dépend de facteurs aléatoires tels que le contexte économique ou l'attitude du consommateur sur lesquels l'agent publicitaire ne peut avoir qu'une maîtrise relative;</oppv>

qu'<oppv>il n'est pas démontré que la SGSC ait failli à son obligation de conseil, alors même qu'il appartenait également à la société Prism'all, qui est un professionnel d'apprécier elle-même le caractère adéquat des propositions qui lui ont été faites, et que mieux que quiconque elle était à même de déterminer les dates auxquelles la publicité aurait le meilleur impact sur sa clientèle;</oppv>

Considérant qu'<oppv>il s'en suit que la demande de dommages-intérêts présentée à ce titre par la société Prism'all n'est pas fondée;</oppv>

Considérant qu'il est équitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non taxables exposés en cause d'appel.

Considérant que la société Prism'all, qui reste débitrice vis-à-vis de la société SGSC et dont la demande reconventionnelle est rejetée, doit supporter tous les dépens de première instance et d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement entrepris sur le montant de la condamnation prononcée contre la société Prism'all et celui de la subrogation, Statuant à nouveau sur ces deux points, Dit que la société Prism'all est redevable envers la SGSC de la somme de 177 900 F, Dit que la SGSC est redevable envers la société Prism'all de la somme de 59 300 F à titre de dommages-intérêts, Ordonne la compensation des créances réciproques, Condamne en conséquence la société Prism'all à payer à la société SGSC contre remise des lettres de change à échéance des 31 décembre 1990 et 30 janvier 1991, la somme de 118 600 F, avec intérêts au taux légal à compter des dates d'échéances ci-dessus rappelées, Dit qu'après règlement de cette somme la société Prism'all sera subrogée à la société SGSC à hauteur de 118 500 F au passif de la société Nouvelle Simonin, Confirme pour le surplus le jugement déféré, Déboute les parties de leur demande d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile présentée devant la cour, Condamne la société Prism'all aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Teytaud, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.