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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. A, 28 août 2001, n° 99-00670

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodiem (SA)

Défendeur :

Service d'Assiette des Contributions Indirectes, Confédération Nationale des Vins Doux Naturels, DGCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bizot

Conseillers :

M. Cheminade, Mme Gounot

Avoués :

SCP Fonrouge-Gautier-Fonrouge, SCP Claverie-Taillard, SCP Henri, Luc Boyreau

Avocats :

Mes Magret, Bouche.

TGI Libourne, du 3 déc. 1998

3 décembre 1998

EXPOSE DU LITIGE

LA SA Sodiem a régulièrement saisi la présente cour de l'appel d'un jugement rendu le 3 décembre 1998 par le Tribunal de grande instance de Libourne, qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a considéré que le vin qu'elle commercialise sous le nom "Muscat San Bernabe" ne peut recevoir l'appellation "Vin Doux Naturel" (VDN) et a confirmé la saisie contrefaçon intervenue à l'initiative de la Confédération nationale des vins doux naturels le 29 septembre 1998 jusqu'à ce que la Sodiem ait régularisé sa déclaration auprès de l'administration, de ses capsules et ses étiquettes, conformément à la réglementation communautaire et à la réglementation concernant les Vins de Liqueur de Qualité Produits dans des Régions Déterminées (VLQPRD), en déboutant les parties du surplus de leurs demandes.

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile (rédaction applicable à compter du 1er mars 1999),

Vu les dernières écritures de la SA Sodiem signifiées et déposées le 17 novembre 2000,

Vu les dernières écritures de la Direction générale des Douanes et Droits Indirects signifiées et déposées le 1er septembre 1999,

Vu les dernières écritures de la Confédération nationale des vins doux naturels signifiées et déposées le 4 décembre 2000,

Vu l'assignation le 20 septembre 1999 et la réassignation le 16 octobre 2000 avec dénonciation de conclusions délivrées à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, non comparante,

Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction du 18 juin 2001.

MOTIFS

1. La société Sodiem fait grief au jugement déféré d'abord d'avoir, pour la débouter de ses demandes, refusé d'attribuer au "Vino Dulce Natural Moscatel de Valencia" qu'elle a importé en France la qualification de "vin doux naturel" (VDN) au motif, infondé selon elle, et contraire, selon elle, aux documents administratifs d'accompagnement, factures, capsule conforme et résultats d'analyse de la non-conformité de ce produit, au règlement CEE n° 4252 du 21 décembre 1988 ; ensuite d'avoir méconnu la "force impérative" de la décision de l'Administration des Douanes d'où résultait pourtant qu'en important ce vin, elle n'a commis ni infraction ni faute ; enfin d'avoir refusé de lever la saisie du stock et méconnu son préjudice.

2. Mais en des motifs pertinents que la cour fait siens et qui ont déjà répondu aux moyens de la société Sodiem, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits et données de la cause et de la réglementation applicable au produit en cause pour dire que le "Muscat San Bernabe" ne peut être qualifié vin doux naturel, et pour avoir écarté l'objection fondée sur l'applicabilité des articles 416 et 417 bis du Code général des impôts ainsi que l'objection fondée sur le caractère impératif des décisions administratives, même erronées.

3. Il convient d'ajouter, pour compléter, au vu des productions:

1°) qu'en ce qui concerne la prétention de la société Sodiem à la qualification de "vin doux naturel", que la dissociation, dans la réglementation communautaire (règlements CE n° 822-57 annexe 1.14, n° 823-87 du 16 mars 1987, règlement du Conseil n° 4252-88 du 21 décembre 1988) des vins doux naturels de la catégorie plus générale des VLQPRD (Vins de Liqueurs de Qualité Provenant de Régions Déterminées) est justifiée par la différence objective existant dans leurs procédés respectifs de production et d'élaboration ; que les VDN doivent être élaborés directement par les propriétaires récoltants, avec des cépages muscat, grenache, maccabés ou malvoisie, provenir de parcelles d'un rendement inférieur à 40 hectolitres par hectare de vigne en production, être issus de moût accusant une richesse naturelle initiale en sucre de 252 grammes au moins par litre, et être obtenus par addition d'alcool vinique à l'exclusion de tout autre enrichissement;

2°) que l'article 13-2 du règlement n° 4252-88 et l'article 417 bis du Code général des impôts prévoient que la mention "vin doux naturel" peut être utilisée pour des produits élaborés dans d'autres Etats membres, à la condition que ces Etats prouvent que ces produits respectent les conditions de production et d'élaboration fixées par le règlement communautaire ; qu'en l'espèce, la société Sodiem, à qui incombe la démonstration requise en vue de bénéficier du régime de taxation privilégiée prévue par l'article 402 bis a) du Code général des impôts, n'établit pas que l'administration fiscale espagnole ait notifié à l'administration fiscale française une reconnaissance du produit en cause comme "vin doux naturel" au sens de la réglementation communautaire; qu'à cet effet, la désignation "Vino Dulce Natural Moscatel Valencia VLCPRD" opérée sur le document administratif d'accompagnement du 28 mai 1998 établi non par l'administration fiscale espagnole mais par le seul exportateur espagnol, Mamerte de la Varacheste Valencia, et la mention en case 23 de ce document, de ce qu'il a valeur de certificat de dénomination d'origine ne peuvent suppléer cette carence et faire la preuve du classement du produit dans la catégorie des vins doux naturels visés aux articles 416 à 417 bis du Code général des impôts;

3°) qu'au surplus, l'annexe 1 du règlement CE n° 3111-93 de la Commission du 10 novembre 1993 ne vise le "Moscatel de Valencia" que comme un VLQPRD (articles 3 et 12 du règlement CEE n° 4252-88) dont l'élaboration comporte la mise en œuvre de moûts de raisins ou le mélange de ce produit avec du vin, et non comme un VDN;

4°) qu'en outre, il ressort de la dernière liste communautaire publiée en application de l'article 1er paragraphe 3 du règlement CEE n° 823-87, et parue au Journal officiel des Communautés européennes n° C 344 du 15 novembre 1996, qu'il n'existe aucune liste de vins doux naturels espagnols ni de régions espagnoles produisant des vins ayant l'appellation de vins doux naturels;

5°) que, contrairement à ce que soutient la SA Sodiem, l'administration fiscale n'a émis aucune décision "impérative" l'obligeant à qualifier le produit en cause de VDN ; qu'en effet, il est constant que la société Papmetal, fabricant des capsules représentatives de droits (CRD) pour le compte de la SA Sodiem notamment, a présenté à l'administration une demande d'agrément relative à une maquette de CRD, en lui fournissant des renseignements obligatoires (AOC, couleur du timbre fiscal pour VDN, sigle, mentions imprimées sur le timbre fiscal, volumes, teinte de la jupe de la capsule) se rapportant à cette maquette mais non sur le produit destiné à l'embouteillage sous cette capsule et notamment sur la qualification possible de ce produit en VDN, que seul l'importateur, sous sa propre responsabilité, a déclaré conforme à cette qualification ; qu'ainsi ni la décision d'homologation technique de la maquette de capsule du 30 septembre 1997 ni la note de service de la Direction Interrégionale du Sud-Ouest du même jour portant à la connaissance du service territorialement compétent cette décision d'homologation ne pouvaient autoriser pour autant la SA Sodiem de revêtir le produit en cause de ce type de capsule en considérant que ce produit aurait été ipso facto qualifié VDN par l'administration;

6°) que pareillement, alors que le procès-verbal d'échantillon du 28 janvier 1998 ne comporte aucune indication sur la conformité de l'élaboration du produit, le bulletin d'analyse du 17 mars 1998 du laboratoire de la Direction Interrégionale des Douanes de Bordeaux, qui ne constitue qu'un avis technique donné au service et non une décision s'imposant à l'importateur, n'a de valeur intrinsèque qu'en ce qu'il s'attache à la composition du produit analysé; qu'en tout état de cause, alors que la SA Sodiem avait commencé à importer ce produit en 1996 et à le commercialiser à partir de juin 1997, il est clair que cette société, de son propre fait, et sans aucune décision préalable de l'administration, a décidé de le qualifier elle-même de VDN et d'en déclarer la taxation correspondante ; qu'en tout état de cause, l'avis même erroné d'un laboratoire d'analyses public, contraire à ses propres constatations sur la composition du produit, ne saurait avoir la portée d'une prétendue reconnaissance officielle, par l'administration fiscale, de la qualification VDN choisie par l'importateur;

7°) qu'au surplus, il apparaît que la SA Sodiem a usurpé sciemment la mention AOC en utilisant le terme "Dénomination", traduction grossière et fallacieuse de l'expression espagnole "Denominacion de origen" qui correspond exactement à l'expression française "appellation d'origine", et en utilisant de surcroît l'expression complète "Dénomination Licorera Albeldense" pouvant laisser croire à l'existence, non établie, d'un vin doux naturel espagnol d'appellation d'origine, alors que ces termes s'appliquaient en réalité à une société commerciale.

4. Il convient, en conséquence, de déclarer l'appel mal fondé et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

5. Les dépens d'appel sont à la charge de la SA Sodiem.

6. L'article 700 du nouveau Code de procédure civile doit être appliqué au seul bénéfice de la CNVDN comme précisé ci-après.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Recevant en la forme l'appel de la SA Sodiem ; Le déclare mal fondé ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant, Condamne la SA Sodiem aux dépens d'appel ; Condamne la SA Sodiem à payer à la CNVDN en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 20 000 F, et la déboute de sa pareille demande ; Autorise la SCP Boyreau et la SCP Claverie-Taillard, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, à recouvrir directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.