Cass. crim., 10 juillet 1995, n° 94-84.440
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M Gondre, (conseiller doyen faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Fossaert- Sabatier
Avocat général :
M. Galand
Avocats :
Mes Milleville, SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 4 du décret n° 91-1175 du 13 novembre 1991, 3 de l'annexe à ce décret, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué (Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, 23 juin 1994) a déclaré Rémy A coupable d'avoir contrevenu à la sécurité des consommateurs en mettant en vente cinq couronnes décoratives de bougies non conformes aux dispositions du décret n° 91-1175 du 13 novembre 1991 ;
" aux motifs qu'il résulte du procès-verbal établi par les fonctionnaires de la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Mayenne le 11 décembre 1992 que cinq couronnes décoratives de bougies mises en vente dans le magasin à l'enseigne "Le s" présentaient des risques d'inflammabilité en raison de leur composition ;
"leur essai permettait de constater que lorsque la flamme des bougies atteignait son support, le feu se propageait aux composants de la couronne ;
"dès lors qu'il n'apparaît pas anormal et déraisonnable de laisser une bougie se consumer complètement sur son support, les couronnes décoratives concernées ne répondaient pas aux exigences du décret n° 91-1175 du 13 novembre 1991 pris en application de la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 (arrêt attaqué p 3, 2, 3 et 4) ;
"alors que l'usage normal et raisonnable d'une chose doit s'apprécier par rapport à un ensemble dans lequel elle peut être incorporée ; que s'il n'apparaît pas anormal et déraisonnable de laisser une bougie se consumer complètement sur son support lorsque ce support est un simple bougeoir, il n'en est pas de même lorsque cette bougie fait partie d'une "composition décorative de bougies" ; qu'en l'espèce la bougie faisait partie d'une couronne décorée de pommes de pins et de mousses séchées, de petites boules et de feuillage en matière synthétique, de nouds et de fleurs en tissu ; que ne constitue pas alors une utilisation normale de la bougie le fait de la laisser se consumer entièrement sur son support ; qu'en se fondant pour entrer en voie de condamnation contre Rémy A sur des considérations démontrant une utilisation anormale des bougies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Rémy A, dirigeant de la SA "Le s", est poursuivi pour avoir mis en vente, dans l'un des magasins que gère cette société, des compositions décoratives de bougies non conformes à la réglementation relative à la sécurité des consommateurs, faits prévus et réprimés par les articles 2 et 4 du décret du 13 novembre 1991, pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 21 juillet 1983, devenu les articles L. 221-2 à L. 221-4 du Code de la consommation ;
Attendu que, pour déclarer les infractions constituées, les juges du second degré relèvent que l'essai réalisé par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur l'une des cinq couronnes décoratives mises en vente dans le magasin a révélé que la composition prenait feu lorsque la flamme atteignait le support de la bougie ; qu'ils ajoutent que, ces conditions d'utilisation n'étant ni anormales ni déraisonnables, les couronnes litigieuses ne répondent pas aux exigences de sécurité prescrites par le décret précité ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes précités ; qu'en effet, les produits visés par le décret du 13 novembre 1991 doivent satisfaire aux exigences de sécurité qu'il fixe lorsqu'ils sont utilisés dans des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d'emploi par le professionnel; que, tel n'étant pas le cas, en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 4 du décret n° 91-1175 du 13 novembre 1991, 3 de l'annexe à ce décret, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Rémy A coupable d'avoir contrevenu à la sécurité des consommateurs en mettant en vente cinq couronnes décoratives de bougies non conformes aux dispositions du décret n° 91-1175 du 13 novembre 1991 ;
"aux motifs que Rémy A, dirigeant de l'entreprise, lequel n'allègue aucune délégation de pouvoirs, sera déclaré coupable des cinq contraventions comme étant pénalement responsable (arrêt p. 3, 5)
"alors que dans ses conclusions d'appel Rémy A faisait valoir qu'en tant que PDG d'un groupe important de sociétés et de magasins à succursales multiples, il n'avait pas la possibilité de vérifier personnellement chaque article mis en vente dans ses magasins et que sous sa responsabilité se trouvait un directeur des achats dont la mission est justement de veiller à la conformité des produits achetés et mis en vente sous la responsabilité du chef de magasin ; que faute d'avoir répondu à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait que le contrôle de la conformité des produits mis en vente dans ses magasins à la réglementation sur la sécurité des consommateurs relevait de la seule compétence du directeur des achats, et le déclarer pénalement responsable des contraventions poursuivies, les juges d'appel énoncent que Rémy A, dirigeant d'entreprise, n'allègue aucune délégation de pouvoirs ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que le prévenu avait la qualité de distributeur du produit litigieux, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; qu'en effet, le distributeur est pénalement responsable de la non-conformité des produits qu'il vend aux exigences de sécurité réglementairement fixées; que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; Rejette le pourvoi.