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Décisions

CA Paris, 7e ch., 10 mai 1995, n° 92-25276

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Baruffaldi (Sté)

Défendeur :

Prot, CPAM de l'Essonne, Valdevit, Mutuelle Saint-Martin Maison Diocésaine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

Mmes Sauteraud, Aldige

Avoués :

SCP Menard-Scellé-Millet, SCP Bollet-Baskal

Avocats :

Mes Audano-Vico, Said.

TGI Evry, 3e ch., du 2 oct. 1992

2 octobre 1992

Par arrêt du 27/04/1994, la cour a, notamment, déclaré la société Baruffaldi et M. François Valdevit responsables de l'accident survenu le 27/02/1972 à M. Bernard Prot sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et tenus in solidum de réparer son préjudice, dit la société Baruffaldi tenue à garantir M. Valdevit de toutes condamnations, condamné in solidum M. Valdevit et la société Baruffaldi à payer à M. Bernard Prot une indemnité provisionnelle de 100 000 F à valoir sur son préjudice corporel et, avant dire droit sur la réparation de celui-ci, désigné en qualité d'expert M. le docteur Alain Leclercq. Celui-ci a déposé son rapport le 03/10/1994.

L'affaire revient devant la cour en ouverture de rapport.

M. Prot demande la fixation de son préjudice corporel sur les bases suivantes :

- frais médicaux et paramédicaux : mémoire

- ITT (83 jours) : 15 000 F

- IPP (28 % à 10 000 F le point) : 280 000 F

- frais de prothèse oculaire non remboursés (480 F + 1 232F)= 1 712 F

- frais de prothèse oculaire futurs (tous les 5 ans) : s/facture

- souffrances : 45 000 F

- préjudice esthétique : 20 000 F,

soit au total 361 712 F, ainsi que les intérêts de droit sur les sommes de 480 F et 1 232 F à compter de son règlement et 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Valdevit demande de dire n'y avoir lieu à indemnisation du chef de l'incapacité temporaire totale, en toute hypothèse, la calculer sur la base du SMIC en vigueur lors de l'accident, dire que l'incapacité permanente partielle ne saurait être supérieure à 2 000 F le point et le préjudice personnel à 22 000 F, surseoir à statuer dans l'attente de la fixation de la créance de la sécurité sociale et, en toute hypothèse, dire que la société Baruffaldi garantira M. Valdevit de toutes condamnations.

Le société Baruffaldi demande de :

- constater qu'elle ne conclut au vu du rapport que sous réserve de son recours formé contre l'arrêt du 27/04/1994 frappé de pourvoi ;

Sur l'incapacité temporaire totale :

- débouter M. Prot de sa demande d'indemnisation au titre de l'ITT en raison de l'absence d'activité professionnelle lors de l'accident ;

- en tout état de cause, réduire ce préjudice à de plus justes proportions et dire qu'il devra être tenu compte du SMIC en vigueur à l'époque de l'accident ;

Sur l'incapacité permanente partielle :

- réduire le quantum du préjudice réclamé par M. Prot, dire que la valeur du point ne pourra être supérieure à 2 000 F ;

Sur le pretium doloris :

- réduire la somme réclamée par M. Prot et dire que le quantum du préjudice dû à ce titre ne peut être supérieur à 15 000 F ;

Sur le préjudice esthétique :

- dire que la somme allouée ne peut être supérieure à 5 000 F ;

- débouter M. Prot de ses demandes plus amples ou contraires, ainsi que M. Valdevit et condamner M. Prot à payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières écritures, elle demande à la cour de dire ne pouvoir statuer, en l'état, sur le montant de l'indemnisation en faisant valoir qu'il appartient à M. Prot de justifier de la nature et du montant des sommes versées au titre du préjudice soumis à recours et de débouter M. Prot de ses demandes.

La Mutuelle Saint-Martin Maison Diocésaine, mutuelle de M. Prot lors de l'accident, assignée à personne habilitée n'a pas constitué avoué ; la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué, mais a indiqué, par lettre du 21/12/1994, qu'elle ne peut faire connaître le montant de sa créance, les archives correspondant aux règlements des prestations étant détruites tous les deux ans ; l'arrêt sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile.

Celà expose, LA COUR

Considérant qu'il ne convient pas de donner acte à la société Baruffaldi de ce qu'elle ne conclut que sous réserve de son pourvoi en cassation contre l'arrêt du 27/04/1994, lequel n'étant pas suspensif ne fait pas obstacle à l'évaluation de l'indemnisation de M. Prot ;

Considérant que le Dr Leclercq, expert désigné par la cour, constate que M. Bernard Prot, né le 08/12/1944, a subi, du fait de l'accident de motocyclette du 27/02/1972, une contusion grave de l'oeil droit avec plaie cornéenne et hernie irienne qui a nécessité une opération en urgence à l'hôpital des quinze-vingt le jour même, ainsi que 3 réinterventions :

- 06/03/1972, rétablissement de la continuité des voies lacrymales ;

- 05/10/1972, éviscération (en raison de poussées douloureuses) d'un globe oculaire droit non fonctionnel ;

- 16/11/1989, dacryocystorhénotomie et intubation bicanaliculaire pour larmoiement résiduel occasionné par la prothèse ;

Qu'il y a eu incapacité temporaire totale du 27/02/1972 au 10/04/1972 et du 04/10/1972 au 26/10/1972 ; que M. Prot était prêtre au moment de l'accident ; que la date de consolidation peut être fixée au 12/07/1990 ; qu'il y a lieu de prendre en charge le remplacement prochain de la prothèse oculaire actuellement en place et son renouvellement tous les 5 ans ;

Qu'il subsiste des séquelles en rapport avec la perte anatomique et par conséquent fonctionnelle de l'oeil droit et le larmoiement résiduel entraînant une incapacité permanente partielle de 28 % mais n'empêchant pas M. Prot de poursuivre ses activités professionnelles d'ostéopathe ;

Que les souffrances sont qualifiées de modérées (3/7) et le préjudice esthétique de léger (2/7) ;

Que les frais médicaux et paramédicaux ne pouvant être connus du fait de la destruction des archives, ainsi qu'il résulte d'une lettre du 21/12/1994 de la CPAM de l'Essonne, il y a lieu de statuer sur le préjudice corporel de M. Prot ;

Considérant que ce préjudice doit être évalué à 300 000 F, dont 253 000 F pour l'atteinte à l'intégralité physique (incapacité temporaire totale - incapacité permanente partielle) et 47 000 F pour la part personnelle (souffrances - préjudice esthétique) ;

Que M. Valdevit et la société Baruffaldi ont été condamnées in solidum à verser à M. Prot une provision de 100 000 F ;

Que M. Prot justifie avoir réglé des prothèses de contact les 21/12/1972 et 12/07/1990 pour un montant respectivement, de 480 F et 1 232 F, soit au total 1 712 F ; qu'il sera remboursé de ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt ; que le remplacement de la prothèse oculaire étant nécessaire selon l'expert tous les 5 ou 6 ans, il devra être remboursé de la somme exposée sur présentation de la facture ;

Considérant, en conséquence, qu'il convient de condamner in solidum M. Valdevit et la société Baruffaldi à payer à M. Bernard Prot, en deniers ou quittances, les sommes de 300 000 F (provision non déduite) et de 1 712 F avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, qui liquide les droits des parties, ainsi qu'à lui rembourser les remplacements de prothèse oculaire tous les 5 ou 6 ans sur présentation de la facture ;

Que M. Valdevit sera garanti de toutes condamnations par la société Baruffaldi ;

Considérant que M. Valdevit et la société Baruffaldi, qui succombent, seront condamnés in solidum à verser à M. Prot une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Statuant par arrêt réputé contradictoire ; Vu le rapport du Dr Leclercq ; Condamne in solidum M. Valdevit et la société Baruffaldi à payer à M. Bernard Prot, en deniers ou quittances, les sommes de 300 000 F (provision non déduite) et de 1 712 F, avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt, à lui rembourser une prothèse oculaire tous les 5/6 ans sur présentation de la facture et à lui verser 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Dit la société Baruffaldi tenue à garantir M. Valdevit de toutes condamnations ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne M. Valdevit et la société Baruffaldi - dans les mêmes conditions de garantie - aux dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 27 avril 1994 ; Admet la SCP Bollet-Baskal, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.