CE, 1re et 4e sous-sect. réunies, 21 avril 1997, n° 180274
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Barbier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
Mme Hubac
LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée le 4 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentée par Mme Françoise Barbier, demeurant La Basse Rivière à Hillion (22120) ; Mme Barbier demande au Conseil d'État : 1°) l'annulation de l'arrêté interministériel du 28 mars 1996 portant suspension de mise sur le marché et d'utilisation du produit "Artecoll Arteplast" ; 2°) le sursis à l'exécution de cet arrêté ; - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu le Code de la consommation ; - Vu le Code de la santé publique ; - Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant que si en vertu de l'article L. 221-8 du Code de la consommation, les mesures prévues au titre II "Sécurité" de ce Code ne peuvent être prises pour les produits et services soumis à des dispositions législatives particulières ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs et si le produit qui fait l'objet de l'arrêté attaqué a le caractère d'un dispositif médical régi, en vertu des articles L. 665-3 à L. 665-9 du Code de la santé publique, par une législation particulière, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que, en cas d'urgence, comme le spécifie l'article L. 221-8 du Code de la consommation, puissent être prises les mesures prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6 de ce dernier Code;
Considérant que l'article L. 221-5 du Code de la consommation dispose qu'en cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux et l'utilisation d'un produit;
Considérant qu'en estimant, à la date d'intervention de l'arrêté attaqué et compte tenu des précautions qui s'imposent en matière de protection de la santé publique, que la fabrication, l'importation, la mise sur le marché et l'utilisation du produit Artecoll-Arteplast contenant du collagène bovin et utilisé sur le corps humain, devaient être suspendues pour une durée d'un an, les signataires de l'arrêté du 28 mars 1996 n'ont pas entaché leur décision d'une appréciation manifestement erronée au regard des dispositions combinées des articles L. 221- 5 et L. 221-8 du Code de la consommation;
Considérant que si la requérante soutient que, contrairement à ce qui est indiqué dans les visas de l'arrêté attaqué, le procédé d'obtention du collagène ne serait pas "insuffisamment précisé", la critique qu'elle formule de ce chef est sans incidence sur la légalité dudit arrêté dès lors qu'il résulte de l'instruction que s'ils n'avaient retenu que le motif tiré du danger pour la santé des personnes auxquelles le produit est injecté, les auteurs de l'arrêté attaqué auraient pris la même décision ;
Considérant que si la requérante allègue que le produit Artecoll-Arteplast aurait été homologué en vertu d'un arrêté du ministre de la santé publique pris pour l'application de l'article L. 665-1 ajouté au Code de la santé publique par l'article 13 de la loi n° 87-575 du 24 juillet 1987, il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait ;
Considérant que la directive n° 93-42 du 14 juin 1993 du Conseil des Communautés européennes dont la violation est alléguée, a été transposée en droit interne par l'effet conjugué de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 et du décret n° 95-292 du 16 mars 1995 ; que le moyen tiré à l'encontre d'un acte administratif individuel de la violation de l'article 8 de la directive concernant les mesures de sauvegarde susceptibles d'être prises par un Etat membre doit être regardé comme tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 665-5 ajouté au Code de la santé publique par l'article 28 de la loi du 18 janvier 1994 ;
Considérant, toutefois, que l'arrêté attaqué a pour fondement les dispositions combinées des articles L. 221-5 et L. 221-8 du Code de la consommation et non l'article L. 665-5 du Code de la santé publique ; qu'ainsi, le moyen susanalysé est inopérant ;
Considérant que dès lors que la décision de suspension de la fabrication, de l'importation et de la mise sur le marché de l'Artecoll-Arteplast trouve son fondement dans les dispositions législatives précitées du Code de la consommation, la circonstance que d'autres produits n'auraient pas fait l'objet eux aussi de mesures restrictives, ne saurait faire regarder l'arrêté attaqué comme étant intervenu en violation du principe d'égalité ;
Considérant, enfin, que même si la fabrication du produit Artecoll-Arteplast n'a pas été suspendue dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de Mme Barbier est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Françoise Barbier, au ministre de l'économie et des finances et au ministre du travail et des affaires sociales.